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Marketing: les stratèges les plus efficaces
1. Gilles Ghesquière / Nomade
2. Carole Liscia / Liberty Surf (lire)

Gilles Ghesquière et Nomade, ont été longtemps la seule "french success story" de l'Internet. Un statut dû, entre autres, à un savoir faire hors pair dans la commercialisation de leur espace publicitaire.

L'aventure a changé de goût pour Gilles Ghesquière (prononcez -une fois pour toutes- Gaikière). La success-story de Nomade a laissé place à la construction collective d'un géant du web français et européen. A 36 ans, Gilles Ghesquière, qui a remis sa montre à l'heure de son nouveau propriétaire, Liberty Surf, peut en tous cas savourer ce rachat-consécration dont le montant -toujours tenu secret- mesure au moins sa performance. Les derniers chiffres en date de Nomade sont éloquents: pendant son exercice avril 98-mars 99 l'entreprise a réalisé 10 millions de francs de chiffre d'affaires, quasi uniquement en publicité, alors que pour celui en cours elle table sur 30 millions, dont 10 à 15% par le commerce électronique et les partenariats. Alors qu'entre janvier et mars derniers, 40% des pages vues étaient vendues comme espaces publicitaires, ce ratio a fait un bond à 80% au deuxième trimestre 1999. En juin, le site comptait 15 millions de pages vues pour 3 millions de visites. En 2000, indique Ghesquière, PDG d'Objectif Net, la société éditrice du site, Nomade devrait rester "stable à 10% du marché publicitaire online français". Les cinq personnes de sa régie viennent de prendre en charge celle de LibertySurf. "Nous devons développer très rapidement leurs recettes publicitaires, ce qui est important compte tenu du reversement faible [sur les communications téléphoniques, NDLR] en France, par rapport à l'Angleterre en particulier."

De "l'âge de pierre"...
Gilles Ghesquière a un cursus de plus de dix ans dans les services en ligne, remontant à "l'âge de pierre des très grosses bases de données, qui nécessitaient des années-hommes de travail et d'énormes ordinateurs avec refroidissement à eau". Ingénieur commercial chez Questel, le serveur de BDD de France Télécom, après une formation à l'European Business School, il part de 1987 à 1989 aux Etats-Unis, où il étudie à la Boston University (et obtient un Master of Science of Broadcast Administration) tout en étant correspondant pour les publications du groupe français A Jour. "J'ai couvert comme pigiste les débuts d'AOL et CompuServe". Consultant aux Etats-Unis, il travaille pour US West, France Télécom, Bayard Presse et crée une start-up qui vendait des solutions d'accès aux BBS et services en ligne d'alors. A son retour en France, Gilles Ghesquière collabore à Carte Expert, une entreprise développant une passerelle d'information en ligne pour PME, puis à MG2, société de serveurs vocaux et vidéotex. Les nombreux contacts gardés outre-Atlantique l'alertent sur la montée du Net.

Dès le départ, trois annonceurs
En 1995, il quitte son emploi pour chercher une possibilité d'édition en ligne. "J'ai envisagé un guide touristique sur Paris, mais il y avait beaucoup de concurrents potentiels qui avaient déjà accumulé de larges contenus. A l'époque il n'existait aucun annuaire français listant les sites, et il devenait évident que les internautes français voulaient davantage d'informations sur leur pays, de la météo, les horaires de la SNCF, etc". Objectif Net naît avec 900.000 francs de mise initiale. Quelques mois plus tard, Jean Postaire rejoint le fondateur et devient directeur général de l'entreprise, qui "recrute un webmaster venu de l'UCLA, par Internet, et un rédacteur en chef. Nous avons travaillé comme des malades pendant quatre mois, entourés de parpaings, dans le 20ème arrondissement, à la pépinière d'entreprises de la Chambre de commerce".
En juillet 1996, le site ouvre, avec déjà trois annonceurs: Canon, US Robotics et Peugeot. Nomade connaît une montée en puissance rapide: de un million de francs la première année, son chiffre d'affaires passe à 4 millions la deuxième puis 10 millions la troisième. Un an après sa création, l'entreprise avait refait un tour de table avec des amis, ajoutant 800.000 francs, plus la même somme prêtée par la Société Générale. En avril-mai 1998, Objectif Net ouvre une première fois son capital, à Sofinnova qui pour 4 millions de francs prend moins de 33% du capital.

Diffuser de l'information avec publicité
"Jusqu'en juin dernier, tout a été fait avec les 5 millions de francs de capital, 800.000 francs de prêts et l'argent du chiffre d'affaires, souligne Gilles Ghesquière. Par rapport à ce que nous avons réalisé et aux moyens qu'avaient nos concurrents, on peut être fier". Pour faire décoller le jeune annuaire, se souvient-il, il a fallu tirer les sonnettes et innover: "Le 20 juillet 1996, j'étais à l'AFP pour négocier la reprise des dépêches. Je suis allé de la même façon chez Météo France: nous avons été les premiers en France à diffuser ces informations avec de la publicité sur Internet." Nomade est passé en trois ans de quatre à une quarantaine de personnes, "en tiers assez égaux dans le marketing-commercial, le contenu et la technique", et va encore recruter pour les trois. Quant à la "régie pan-européenne constituée avec All Europe", associant cinq outils de recherche en vente d'espaces, elle pourrait continuer à fonctionner "comme un one stop-shopping, ce que souhaitent nos clients".

Croissance externe en vue
Le PDG de Nomade se persuade aisément de l'intérêt du nouveau tandem qu'il forme avec LibertySurf: "Je crois beaucoup à l'Internet gratuit. LibertySurf a fait un travail exceptionnel en qualité de service, et le pari que nous faisons ensemble est que nous créerons davantage de valeur que séparément. LibertySurf recrute des abonnés qui ont des besoins de recherche et sont orientés vers Nomade, ce qui crée de l'audience et de la visibilité. Nous apportons à LibertySurf notre connaissance de l'édition online, de la façon de développer un portail". LibertySurf a changé de version en septembre. Pour Nomade ce sera début 2000. Les partenaires des deux sites, webs marchands ou éditoriaux, ne seront pas nécessairement les mêmes: "Nous allons garder les spécificités rédactionnelles, la différence de ton entre les deux. Des accords joints sont possibles, mais nous ne ferons pas de 'bundling' systématique. Nos audiences sont complémentaires: plus de la moitié de la nôtre surfe dans le monde du travail, alors que LibertySurf est beaucoup plus orienté familles". Dans les prochains mois, la croissance externe est un des objectifs prioritaires. "Cela pourra aller de sociétés purement technologiques à des médias complémentaires. Des discussions sont en cours et devraient aboutir d'ici Noël".

Investir sur "les pelles et pioches du Net"
Gilles Ghesquière n'a "plus d'utilisation d'Internet pour le divertissement", faute de temps, mais est abonné à de nombreuses mailing-lists, et suit Red Herring, le Wall Street Journal et d'autres sources professionnelles. Il suit de près les informations financières, comme sur Internetstocks.com, et s'intéresse particulièrement aux techniques de valorisation des actions Internet. Le fondateur de Nomade ne pratique pas le day-trading intensif des accros de la Bourse en ligne, mais investit via des fonds de gestion couvrant "les pelles et les pioches du Net", autrement dit les entreprises d'outils technologiques et de télécom
s. Des envies? "Je crois énormément aux potentialités de l'e-commerce dans le business to business en France. Il y a beaucoup de choses à faire". Message transmis à Bernard Arnault.

[Thierry Noisette, JDNet]

Marketing / Le challenger :

En cinq mois à peine, Carole Liscia a imposé Liberty Surf comme un des leaders de l'Internet français. Certes le réseau de Darty et l'argent du groupe Arnault ont facilité les choses, mais l'appétit de la directrice marketing du FAI est encore le meilleur des moteurs.



 
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