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Internet : le pionnier le plus actif
1. Rafi Haladjian / FranceNet
2. Patrick Robin / imagiNet (lire)

Rafi Haladjian a très tôt parié sur l'Internet. Avec le pragmatisme des innovateurs, il a mis progressivement FranceNet en position d'être une future valeur sûre de l'e-business français. Rencontre avec un hébergeur avisé.

"Je suis tombé dans le minitel quand j'étais petit", raconte Rafi Haladjian, 38 ans. Au début des années 80, étudiant, il choisit un cours de télématique. "J'ai eu l'occasion de travailler sur la télévision interactive première époque, les Thomson T07 et autres, sur les premiers vidéo-disques et la naissance du minitel". Directeur des activités minitel chez Bottin Sysmark, il les rachète en 1992 quand la société est en dépôt de bilan. Ses serveurs minitel - "de tout, des petites annonces d'emploi, des jeux, des annuaires bien sûr comme le Bottin" - financent la naissance de FranceNet en mai 94. Dans l'intervalle, Rafi Haladjian s'est intéressé aux BBS, aux plates-formes propriétaires comme celle de CompuServe. Son premier contact avec Internet ne lui laisse pas une grande impression - "tout était sous Unix à l'époque, difficile d'imaginer ça dans le grand public".
Le point de basculement se situe en novembre 1993 au Canada, quand un ami lui montre la première version de Mosaic (que son concepteur Marc Andreesen fit ensuite évoluer en Netscape Navigator). De 1994 à fin 1997, FranceNet est sur tous les métiers de ce nouveau média. "Nous avions une approche très généraliste, on faisait vraiment de tout parce qu'on ne savait pas alors quelle allait être la logique économique d'Internet. La première chose que nous avons apprise d'ailleurs, c'est que sur Internet on n'est jamais sûr de rien. Nous avons fait du portail avec Franceweb dès 1995, de la mesure d'audience avec BVA, du design, etc."

1998, le " vrai truc" commence
En 1998, changement de cap: "Le marché devenait plus mature, les acteurs significatifs étaient apparus; en France on a commencé à aborder le vrai truc, à entrer dans le vif du sujet. Nous nous sommes alors spécialisés sur deux compétences: l'hébergement et la conception et ingénierie de sites. Les autres activités n'ont plus été développées, sans pour autant être abandonnées. La fourniture d'accès par exemple est un service additionnel pour nos clients; si nous ne le maîtrisions pas ce serait un manque à gagner." Alors que la société a revendu la majorité de ses activités minitel, ses deux branches hébergement et conception contribuent à quasi-égalité à son chiffre d'affaires, de 23 millions de francs en 1998 qui devraient grimper à 45 millions cette année. "Pour l'an prochain nous avions prévu 100 millions, mais les prospects que nous enregistrons en ce moment montrent que nous avons largement sous-évalué notre croissance." La hausse de l'activité d'hébergement, plus forte que celle d'ingénierie, devrait aboutir en 2001 à ce que la première monte à 85% du chiffre d'affaires. Les plus gros sites hébergés chez FranceNet enregistrent 12.000 à 15.000 sessions par jour. "Cette année même, les choses ont vraiment démarré depuis trois ou quatre mois: les entreprises sentent l'urgence d'agir, les grands comptes commencent à mettre des moyens significatifs. Surtout, on voit apparaître des PME et des start-ups, aux projets uniquement Internet, qui deviennent crédibles parce qu'il y a du capital-risque qui y investit."

Des bénéfices en 2000
"FranceNet a été déficitaire de 1,3 million de francs en 1998. Cette année nous sommes à l'équilibre, et en 2000 nous serons bénéficiaires". Comme bien d'autres, FranceNet a levé des fonds récemment, accueillant en juillet 99, pour 35% du capital, AGF Private Equity et Partech, les 65% restants demeurant chez les dirigeants. Contrairement à presque tous les autres, la société n'a pas précisé le montant de cet apport de capitaux: "Aujourd'hui l'argent se lève trop facilement pour qu'on y ait quelque mérite que ce soit. Je n'aime pas ce folklore où on annonce des tas de choses. Ce qui compte, ce sont les réalisations et les résultats, et nous communiquerons sur nos résultats l'heure venue". Le prestataire travaille sur "trois grands types de sites: les portails d'entreprise, comme l'intranet de Carrefour, déjà réalisé, ou le futur Réseau Santé Social, les sites marchands comme La Redoute, notre plus gros client, Carrefour et d'autres, et les sites de banque en ligne. Un chantier complet est en cours pour une première banque, et un deuxième commence bientôt".

Recrutement: 150 personnes en 15 mois
A terme, prévoit Rafi Haladjian, "le site comme tel va disparaître pour s'intégrer dans un ensemble multicanaux: la télévision interactive, le Web, les call-centers, les Palm Pilot et appareils du genre, etc. Sous quelle forme, on n'en sait rien encore: en France même il n'y a pas encore de norme pour la télévision interactive, ça prendra bien deux ans. Les centres d'appels téléphoniques interfacés sur les sites pourraient se généraliser vers fin 2000-2001, et se banaliser comme le streaming son et vidéo est en train de le faire". Le PDG cite en exemple du futur "muticanal" des services sa propre utilisation d'AlloCiné. "Je l'utilise beaucoup, mais maintenant toujours par mon Palm Pilot". La croissance de FranceNet se lit dans celle de ses effectifs: de 100 personnes pour le moment, ils devraient passer à 250 d'ici fin 2000. "Notre limite actuelle est une pure question de locaux: bientôt nous ouvrirons de nouveaux bureaux à Issy-les-Moulineaux. Nous pourrons y accueillir nos nouvelles recrues, en priorité pour l'ingénierie et la création de sites". Les profils recherchés varient entre deux extrêmes, "entre lesquels il n'y a rien pour le moment: des bacs + 5 ou des autodidactes". Il y a un an, l'entreprise recrutait principalement des jeunes ingénieurs. Maintenant elle recrute surtout "des développeurs qui ont passé trois à cinq ans dans des grosses SSII et qui s'y ennuient. Ils veulent être bien payés naturellement, mais surtout apprendre en plus, faire des choses excitantes. Ils ne tiennent pas à profiter du boom de l'an 2000 dans une SSII si pour ça ils ratent celui d'Internet, pas plus qu'ils ne veulent travailler sur des technologies obsolètes".

"Day-trader" convaincu et amateur de robots
Mordu de Bourse en ligne, le PDG de FranceNet est un fervent client d'E*Trade. "J'y ai gagné beaucoup, beaucoup d'argent. Ma meilleure affaire a été eBay -90% en une séance!-, maintenant je fais surtout du day-trading [NDLR: achat ou vente dans la même journée, voire en quelques instants], si bien que j'achète quatre lettres pendant quelques minutes. On apprend un certain nombre de martingales". Par ailleurs "e-commerce freak" selon ses termes, Rafi Haladjian achète de tout en ligne, des skate-boards miniatures à des robots. Les favoris de notre pionnier du Net témoignent de ce goût prononcé pour la robotique, avec des adresses telles que Android World, Lego Mindstorms et autres Cye de Probotics. Plus classiquement, Rafi Haladjian est "un gros client" du premier libraire du Net. "J'en ai testé d'autres, ça a toujours été moins bien. Ce qui m'a permis de mesurer que la fidélisation marche épouvantablement bien chez Amazon."
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[Thierry Noisette, JDNet]

Pionniers / Le challenger

Sans lui, l'Internet serait plus ennuyeux. L'"architecte interactif" Patrick Robin a beau avoir déjà réussi son parcours Internet, il n'est en panne ni d'idées, ni d'énergie. En prime: un discours déstressé et lucide sur le Web business français. Ouf...


 

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