Journal
du Net > Net
20 > Net 20 19999 > Patrick Bloche
Pouvoirs
publics : l'homme le plus "constructif"
1.
Jean-Noël Tronc / Matignon (lire)
2.
Patrick Bloche / Député
|
Les
parlementaires restent encore peu réceptifs
aux enjeux d'Internet. En ouvrant le débat
sur deux points, la présence de la France
sur la Toile et la responsabilité des hébergeurs,
il aura au moins eu le mérite de faire bouger
les choses. C'est la croisade un peu solitaire de
Patrick Bloche.
|
577 députés,
321 sénateurs. Bien peu s'intéressent
aux enjeux des nouvelles technologies, bien peu ont
intégré les évolutions en cours,
les attentes des citoyens comme des entreprises. Ils
ne sont en fait qu'une petite poignée: André
Santini, René Trégouët, Franck Sérusclat,
Claude Saunier, Patrice Martin-Lalande, Henri d'Attilio
et quelques autres. Ils sont encore moins -au-delà
de la théorisation- à percevoir concrètement
la problématique de l'Internet.
Patrick Bloche, député PS de Paris, est
de ceux-là. Mais il se sent un peu seul. "Internet
n'est pas encore un sujet de débat, ni au sein
de mon groupe politique, ni au sein de mon parti, très
peu dans les assemblées". Il fustige par ailleurs
les parlementaires qui viennent aux nouvelles technologies
"pour faire bien", les adeptes de la "fausse modernité".
"Sauf Laurent Fabius, le président de l'Assemblée
qui, lui, a réellement saisi tous ces enjeux
et a fait entrer de plain pied l'Assemblée dans
la modernité".
Sa tâche est ingrate. Député de
base, ses moyens d'action restent limités, et
il ne trouve parfois qu'un écho très faible
à ses propositions. Patrick Bloche, au sein de
ce désert parlementaire, a eu au moins le mérite
de faire avancer la réflexion et de lancer un
débat espéré de longue date.
Développer l'Internet
culturel français
En décembre 1998, il remet au Premier ministre
un rapport intitulé "Le
désir de France" sur la présence internationale
de la France et la francophonie dans la société
de l'information. Dans la lettre de mission que Lionel
Jospin lui a adressée, il était notamment
demandé à Patrick Bloche de "dresser un
bilan précis des projets existants des administrations,
des entreprises et de tous les acteurs de la francophonie,
afin de rendre plus présentes la France et la
francophonie sur Internet". Le député
de Paris, au-delà de l'analyse, formule donc
quelques propositions d'actions, parmi lesquelles un
"Internet public d'intérêt général",
l'utilisation des nouvelles technologies comme outil
de renforcement de la présence française
à l'international, la disponibilité des
grands textes littéraires français sur
le Net, etc.
En janvier 1999, le Premier ministre annonce que "la
politique de soutien des contenus en ligne et le développement
des usages culturels d'Internet et du multimédia"
fait partie des quatre chantiers prioritaires pour 1999/2000.
Les propositions issues du rapport Bloche sont adoptées
par le Comité interministériel sur la
société de l'information, et -directement
ou indirectement- débouchent sur de nombreuses
décisions: la création d'un portail consacré
à la culture, la mise en place d'un dispositif
de soutien à la création et à l'édition
de contenus en ligne, etc.
Concernant les droits d'auteurs, un Conseil supérieur
de la propriété littéraire et artistique
sera créé, dont la vocation est de devenir
"une structure neutre de conseil".
La
responsabilité des hébergeurs
Par ailleurs, suite à l'émotion suscitée
par "l'affaire Altern", Patrick Bloche s'est saisi du
dossier du droit de l'Internet à l'Assemblée
et a contribué à accélérer
la clarification par le législateur de la responsabilité
des acteurs d'Internet. A l'occasion du projet de loi
sur l'audiovisuel, il dépose des amendements,
six à l'origine. Les quatre premiers redéfinissent
la communication audiovisuelle afin de distinguer au
sein de celle-ci la communication par réseaux.
L'un des amendements précise par ailleurs que
l'hébergeur n'est responsable des atteintes aux
droits des tiers que dans deux cas.
Le premier est celui où il a "contribué
à la création ou à la production
de ce contenu". Le second cas est celui où "ayant
été saisi par une autorité judiciaire"
et à condition qu'il assure le stockage, il n'aura
pas agi "promptement" pour empêcher l'accès
à ce contenu. Enfin, Patrick Bloche par voie
d'amendement toujours, propose de supprimer la déclaration
préalable des sites Internet.
L'ensemble de ces amendements, adoptés en première
lecture, demandent encore à être définitivement
votés, au premier trimestre 2000 probablement.
Souvent
contrarié, parfois déçu, mais pas
résigné
Mais le "simple député" qu'il est a conscience
de sa faible marge de manuvre. Il se trouve d'ailleurs
souvent en désaccord avec le gouvernement. Lors
de la discussion de ses amendements, le gouvernement
s'est contenté d'en appeler à la "sagesse"
des élus, ni pour ni contre en clair. Il est
aussi déçu par le fait que la ministre
de la Culture et de la Communication, Catherine Trautmann,
ne soit pas parvenue à imposer un grand ministère
de l'Internet au sein de ses compétences, laissant
le champ libre sur quasiment l'ensemble des sujets à
Bercy. Contrarié aussi que Lionel Jospin appelle
de ses vux un organisme de "corégulation" entre
acteurs du Net et pouvoirs publics. Selon Patrick Bloche,
cet espace reste par excellence celui du législateur.
Déçu que ses réflexions ne rencontrent
pas le moindre écho au sein de son parti et que,
lors de la convention nationale sur l'entreprise, pas
une fois n'ait été abordée la question
des réseaux, des intranets et de l'organisation
du travail. Déçu, amer parfois, mais pas
résigné.
De
nouveaux chantiers à ouvrir
Il souhaite avant tout être un aiguillon, "faire
bouger les lignes". Il ne manque pas de chevaux de bataille:
renforcer le rôle du législateur, essayer
de régler la question de l'adaptation du droit
d'auteurs à Internet, gérer de façon
préventive les conflits qui surviennent dans
la presse en ligne, lever les freins à la fabrication
de contenus français et francophones, etc. "Dans
société de l'information, s'explique-t-il,
il y a aussi société. Cela signifie que
nous devons prendre en compte toutes les dimensions
d'Internet et des nouvelles technologies: l'aménagement
du territoire, l'organisation du travail, les intranets
dans les entreprises, etc. Il n'y a pas que la loi sur
les 35 heures qui modifie le travail au sein des entreprises
et des administrations
".
Le
poil à gratter de l'Assemblée
Il faut dire que Patrick Bloche est un député
qui dérange. Pour ses collègues comme
pour le grand public, il est l'homme de deux dossiers:
Internet et le
Pacs. Sur le premier sujet, il a l'impression de
faire culpabiliser ses collègues, peu reconnaissants
que l'on mette le doigt sur leurs défaillances.
Ou pire, la majorité considère Bloche
comme un gentil hurluberlu passionné par des
sujets anecdotiques.
Sur le Pacs, la gêne suscitée est encore
plus tangible, y compris au sein de ses propres troupes.
Patrick Bloche s'est souvent entendu dire par ses amis
que le sujet n'était pas très porteur
une fois qu'ils s'en retournaient dans leurs circonscriptions...
Y compris dans le onzième arrondissement de Paris,
dont il est maire-adjoint, Internet ne semble pas constituer
une priorité, et la lutte amicale avec le maire
Georges Sarre fut longue pour qu'enfin la mairie dispose
d'un site, qui sera inauguré le 18 novembre.
Un
surfeur professionnel
Lui-même dispose d'un site -il fut l'un des premiers
parlementaires à l'ouvrir- depuis 1997 avec son
propre nom de domaine, patrickbloche.org.
Un site modeste, militant, mais complet et agréable,
surtout comparé à ce que l'on peut voir
chez d'autres élus en ligne. A titre personnel,
Patrick Bloche surfe utile: les sites des médias,
le site de l'Assemblée,
le site internet.gouv.fr
"une mine d'informations" et des moteurs de
recherche. Il aime aussi aller regarder les uvres des
artistes exposés dans la galerie
virtuelle d'Ars Longa, une association de son arrondissement.
Demandeur
de rien, mais disponible pour tout ...
Il se sert aussi beaucoup du Net pour préparer
ses rendez-vous et pour se renseigner sur les gens qu'il
va recevoir. Ses fréquentes auditions d'acteurs
économiques du Net lui ont permis d'établir
un petit classement des questions ou des revendications
les plus fréquemment exprimées: "loin
devant, la fiscalité des stock-options. Ensuite,
les questions liées au financement et au capital-risque.
En troisième seulement, les tracas administratifs".
Peu disert sur ses passions personnelles, Patrick Bloche
indique juste que ses horaires "je rentre chez moi vers
une heure du matin, je repars vers huit heures", lui
laissent peu de loisirs et pas une minute pour naviguer
de chez lui.
Il lui reste cependant encore du temps pour son mandat
et, s'il n'est demandeur de rien, ne refuserait probablement
pas de siéger au Conseil supérieur de
la propriété littéraire et artistique,
ni de prendre une place majeure dans la discussion de
la future grande loi sur la société de
l'information. Sera-t-il
entendu?
[Rémi
Carlioz, JDNet]
|
Pouvoirs
publics / Le gagnant:
Depuis
deux ans et demi, il est l'inspirateur de Lionel
Jospin sur le dossier des nouvelles technologies.
Pivot de la mise en oeuvre du programme d'action
gouvernemental,
Jean-Noël
Tronc
joue
les discrets. C'est souvent une garantie d'efficacité.
|
|
|