Ventes privées : pas de salut pour les outsiders ? Abandonner le marché français, une idée risquée

 "Quand nous avons vu que nous ne pourrions pas gravir la montagne Vente Privée à mains nues, nous avons plutôt fait le choix de la contourner", explique Patrick Robin de 24h00.fr

"Nous ne voulions pas faire un Vente Privée bis qui aurait forcément été moins bien" Cyril Andrino, Private Outlet

Un conseil que Private Outlet a manifestement pris au pied de la lettre. Fondé en 2006, ce site de ventes privées a ouvert simultanément en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne et au Royaume-Uni. Et désire ouvrir cinq autres pays en 2009. Son chiffre d'affaires 2008, de 24 millions d'euros, est réalisé à moins de 40 % dans l'Hexagone, où son audience en décembre 2008 ne dépassait pas 550 000 visiteurs uniques.

"Nous ne voulions pas faire un Vente Privée bis qui aurait forcément été moins bien que l'original, se souvient Cyril Andrino, PDG de Private Outlet. Nous n'avons d'ailleurs pas vocation à les rattraper sur le marché français. D'où l'idée de proposer à nos clients des marques étrangères et de permettre aux marques d'écouler plus discrètement leurs stocks ailleurs que dans leur pays."

L'entrepreneur juge que si sa stratégie est la bonne, c'est en grande partie parce que Vente Privée a mis du temps à se lancer hors de l'Hexagone. "Maintenant, ils arrivent avec des moyens énormes et peuvent obtenir un million de membres en appuyant sur un bouton." D'après Patrick Robin, ceci est cependant loin d'être exact : "Vente Privée a du mal en Italie, en Espagne, en Allemagne... Ils vont y arriver, mais plus lentement qu'ils ne le pensaient. Même chose pour Private Outlet." En effet, les sites qui ouvrent leurs services dans plusieurs pays ne peuvent en attendre aucune économie d'échelle et repartent de zéro pour trouver des membres, mais aussi des marques. "Vente Privée s'est ainsi aperçu en Espagne qu'il fallait proposer au moins 60% de marques locales, ajoute Patrick Robin. Et c'est vrai dans tous les pays."

"Le marché italien est un gouffre" Jacques-Antoine Granjon, Vente Privée

En Espagne, les deux leaders sont BuyVIP et Privalia. BuyVIP, adossé au groupe Bertelsmann, est aussi très présent en Allemagne, de même que Brands4friends, qui a levé 10 millions d'euros en novembre. Au Royaume-Uni, la législation autorisant les soldes toute l'année crée un contexte plus difficile qu'en France pour les sites de ventes événementielles.

Jacques-Antoine Granjon confirme d'ailleurs que l'aventure européenne n'est pas de tout repos. "Ouvrir à l'étranger est un processus long. Recruter des membres, créer l'événement, instituer une relation de confiance avec les marques... Tout ça n'est pas une question de moyens. Prenons l'Italie. Nous y réalisons moins de 150 000 euros de ventes. Pourtant, 22 personnes travaillent directement sur ce marché, sans compter la logistique, les charges... C'est un gouffre. Et pourtant cela marche bien. Le site italien de Private Outlet a coûté 1 million d'euros, idem dans les autres pays. Or il est forcément plus difficile de devoir subir la pression d'investisseurs et d'actionnaires que de financer son développement par sa propre croissance."

Pour garder un pied en France, Private Outlet a adopté une stratégie de niche et visé le haut de gamme, faisant entrer dans son capital en décembre Antoine Arnault, le fils du patron du groupe de luxe LVMH, Bernard Arnault. "Vente Privée vend maintenant des rasoirs Bic, des poêles Tefal, des réfrigérateurs... c'est un vrai supermarché, remarque Cyril Andrino. Il est évidemment de très bonne qualité et réalise une très belle mise en scène des produits, mais les marques fashion commencent à ne plus se reconnaître dans ce positionnement." Private Outlet compte en tout cas sur cet argument pour se faire une place sur le marché français.