Ventes privées : pas de salut pour les outsiders ? Ceux qui resteront viennent du déstockage

A quelles conditions les sites existants vont-ils survivre et se développer ? Pour Patrick Robin, la réponse est assez simple : il s'agit de ceux qui, venant du métier de la mode et du déstockage, ont une relation directe avec les marques. Par exemple, il miserait volontiers sur BazarChic : "Sa fondatrice Nathalie Gillier, arrière-petite-fille du créateur de la maille Lacoste, détient aussi les entrepôts NGR, qui depuis 20 ans font du déstockage de marques. Elle a une relation amicale voire familiale avec les marques, puisque son frère Thierry Gillier est le fondateur de Zadig et Voltaire. Tant qu'elle est là, BazarChic peut vivre longtemps."

De même, Showroom Privé bénéficie d'un double canal d'écoulement : France Export, déstockeur depuis 20 ans, achète les lots et en affecte la crème de la crème à Showroom Privé. Son directeur Thierry Petit explique : "Nous pouvons dire aux marques que nous sommes capables de déstocker leurs collections sur tous les canaux. Solderies, site de ventes privées, voire même notre magasin parisien de déstockage Showroom 30 si elles souhaitent plus de discrétion. Notre vraie force est d'être dans le métier. Si nous n'étions qu'un pure player du Web, nous nous serions plantés."

Pour Thierry Petit, c'est aussi ce mode de fonctionnement s'appuyant sur un canal physique de déstockage qui lui permet de prendre le risque d'acheter à une marque tout son stock et ainsi de concurrencer Vente Privée en termes de volume. "Nous ne pouvons écouler autant de pièces qu'eux sur Internet, mais entre les différents canaux, tout partira. Cela nous permet aussi de ne pas fonctionner en vente conditionnelle comme le fait AchatVIP, qui oblige les marques à bloquer les stocks sans véritables garanties." Ces achats en volume permettent de plus au marchand de faire davantage d'effort sur les prix... ou de s'assurer de meilleures marges.

Un modèle pas si éloigné de Vente Privée, dont le PDG travaille depuis vingt ans dans le déstockage avec la Copad. C'est grâce au carnet d'adresse du grossiste en fin de séries que Jacques-Antoine Granjon a démarché ses premiers fournisseurs. Et c'est toujours sur le réseau de boutiques discount - comme Mistigriff - que Vente Privée écoule ses invendus.

Private Outlet est également issu d'une activité de déstockage offline et son PDG Cyril Andrino partage le sentiment que la relation avec les marques fournisseurs est la clé du succès. Raison pour laquelle il tient à poursuivre son effort de mise en scène des produits vendus : "Ce qui nous coûte le plus, ce sont les photos. Cela se joue dans leur qualité, dans le choix des mannequins..." Jacques-Antoine Granjon le confirme : "Nous mettons la barre très haut, grâce à quoi 100 % des marques reviennent chez nous. En 2008 nous avons acquis 250 nouvelles marques, nous travaillons donc avec plus de 1 000 d'entre elles. J'en vise encore au moins un millier. Pour les obtenir, je dois raisonner en qualité de service auprès d'elles." Vente Privée vient donc d'acheter des locaux où vont être construits 40 studios photo et vidéo supplémentaires.

Et pourtant, le leader des ventes privées s'attend à souffrir de la crise. "Nous allons continuer à prendre des parts de marché mais les marques voudront vendre plus cher, chercheront à écouler davantage de stocks, les gens dépenseront moins..." Ses prévisions de croissance sont donc beaucoup plus modestes que jusqu'ici. Jacques-Antoine Granjon se contentera de dépasser 700 millions d'euros de ventes au détail TTC : 17 % au lieu des 45 % de croissance en 2008. De l'avis de tous, ceux qui survivront sont ceux qui pourront se permettre d'importants investissements de marketing et disposeront de fonds et de trésorerie suffisants pour acheter des stocks importants