Pierre-Alain Baly (Auchan) "La vraie réussite de la marketplace d'Auchan, c'est sa crosscanalité"

Positionnement, articulation avec les magasins, contribution à la marge, axes de développement… Le responsable de la marketplace d'Auchan la décortique de pied en cap.

JDN. Auchan a ouvert sa place de marché en août 2015. Quel est son objectif ?

Pierre-Alain Baly, responsable des partenariats et activités commissionnées d'Auchan Retail © Amélie Magdo

Pierre-Alain Baly . D'abord, proposer davantage de produits. Lorsqu'un client vient sur Auchan.fr et ne trouve pas l'article qu'il cherche, le rebond est immédiat. Mieux vaut avoir une offre à lui proposer et prendre une commission. Deuxièmement, la marketplace nous a donné accès à certaines marques qu'Auchan.fr ne pouvait vendre en ligne lui-même, par exemple dans la puériculture. Nos vendeurs servent en quelque sorte de caution vis-à-vis de ces marques. Enfin, la marketplace nous a permis de développer un business model, le commissionnement, à la rentabilité plus vertueuse que le modèle d'achat-vente.

Comment a progressé votre offre en ligne ?

Nous avons ajouté 100 000 références aux 30 000 que nous vendions en propre. La place de marché a vocation à couvrir toutes les catégories non-alimentaires. Nous développons en priorité celles que nous travaillons déjà nous-mêmes en ligne, mais en ouvrons aussi de nouvelles. Comme les coffrets cadeaux, que nous ne commercialisions qu'en magasin. Aujourd'hui, toute l'offre de ce rayon est en ligne via la marketplace. C'est beaucoup mieux pour le client.

Y a-t-il des catégories que vous avez abandonnées en propre et déléguées à la marketplace ?

Nous préférons effectivement que certains produits soient pris en charge par la place de marché. Typiquement, c'est souvent le cas dans le gros électroménager. Plus largement, chaque chef de produit a pu reconstruire son offre de façon pragmatique.

Quelle a été la plus grande difficulté du projet ?

Nous avons estimé que pour réussir, notre marketplace devait coller parfaitement aux parcours d'achat existants d'Auchan.fr et, par conséquent, être crosscanale. La livraison est donc gratuite en magasin au-delà de 25 euros de panier. Nous sommes les seuls à le proposer ! Le retour en magasin est gratuit également. Enfin, il est possible de commander sur la marketplace depuis le magasin, de la même façon que sur le reste d'Auchan.fr. Cela nous a permis une extension de gamme intéressante en hyper, en particulier sur les équipements.

"Les commandes magasin peuvent constituer 10 à 20% des ventes marketplace d'une catégorie"

Pour le client, il n'y a donc qu'une seule promesse. Pas de "désolé, ce produit-là n'est pas retournable en magasin" ou "ce lave-linge-ci, il faudra l'acheter de chez vous". Cette contrainte a aussi facilité l'adoption de la place de marché par toutes les équipes, magasins et web : ne pas faire de différence entre les flux est plus simple pour tout le monde. La vraie réussite de notre marketplace, c'est cette unicité des parcours même crosscanaux.

Est-ce Auchan qui prend en charge la livraison en magasin des produits marketplace ?

Non, ce sont les vendeurs. Beaucoup d'entre eux pratiquent déjà la livraison gratuite. Par ailleurs nous travaillons avec Mondial Relay, donc les coûts restent maîtrisables. Ils les intègrent à leur business model.

Les ventes marketplace réalisées en magasin sont-elles significatives ?

Oui. Elles sont toujours pilotées par les vendeurs en magasin qui, lorsque l'offre n'est pas disponible sur place, peuvent commander sur Auchan.fr pour le client. A ce titre, la marketplace ne fait qu'enrichir un parcours d'achat qui existait déjà. Lorsque nous n'avons pas de vendeurs sur une catégorie, il n'y a pas de commandes magasin. Mais dans les rayons comme l'équipement, la puériculture ou les meubles de jardin, elles peuvent constituer 10 à 20% des ventes marketplace de la catégorie.

De quel œil les hypers voient-ils cette nouvelle concurrence ? Sont-ils intéressés sur les ventes marketplace crosscanales ?

De même que pour Auchan.fr, ils ont vu les bons côtés de la marketplace : leur permettre de faire des ventes sur des produits qu'ils ne possédaient pas et attirer chez eux une partie du trafic web. Les magasins sont intéressés à la vente mais pour que tout soit simple et lisible, leur commission est la même sur la marketplace et la vente en propre. En outre nous partageons le même compte d'exploitation, donc nous avons dépassé la question de l'attribution des ventes.

Quel volume d'affaires va réaliser votre marketplace sur 2016, son premier exercice complet ? Quelle part de la croissance de vos ventes représente-t-elle ?

C'est un volume d'affaires à huit chiffres, donc nous sommes très satisfaits. D'autant qu'en nous permettant de repenser la structure de notre offre, elle nous a surtout permis de revoir la composition de notre marge, dont elle est aujourd'hui une contributrice majeure. C'est certes le rôle des places de marché, mais la nôtre le joue à plein.

"Un volume d'affaires à huit chiffres"

La croissance des ventes n'est pas pilotée de la même façon pour les deux activités. Lorsque nous transférons des gammes vers la marketplace, cela pèse sur la croissance de l'achat-vente. Mais la marge globale progresse et c'est ce qui compte.

Comment convainquez-vous des vendeurs de vous rejoindre ? Ont-ils réellement besoin d'une place de marché de plus ?

La première chose qui les intéresse est la clientèle d'Auchan : une clientèle d'hyper, différente de celle d'Amazon ou Cdiscount. D'autre part, toutes les marketplaces ne se valent pas techniquement. Nous avons choisi la solution de Mirakl notamment parce que c'est la plus facile à utiliser pour les vendeurs, qu'ils s'y connectent directement ou via un agrégateur de flux.

La réussite de notre place de marché est aussi due à l'expertise de l'équipe en matière de retail, d'IT… et de marketplaces : nous venons de La Redoute, de la Fnac, nous connaissons très bien Amazon et eBay… Nous avons fait des erreurs comme tout le monde, mais pas trop. Et bien sûr, les équipes de Mirakl connaissent vraiment bien leur sujet. Pour un projet aussi compliqué, cette expertise de part et d'autre est primordiale. Car logistique mise à part, la marketplace touche tous les éléments du site, du merchandising au paiement. Or Auchan.fr est un site très "vivant". Donc il ne s'agissait pas de brancher trois connecteurs, mais de toucher à tout, avec de vrais enjeux de stabilité.

Combien de vendeurs marketplace comptez-vous actuellement ?

2015 a été l'année du démarrage, où nous avons réglé ces questions de stabilité. 2016 a été l'année de la consolidation, où nous sommes passés de 10 à 100 vendeurs et avons mis en évidence la contribution de la marketplace à la marge. Le prochain pallier sera le millier, que nous souhaitons atteindre d'ici 2019.

"Nous n'avons pas mis Auchan en concurrence avec les vendeurs tiers"

Sur quelles catégories allez-vous recruter et quels sont vos autres axes de développement ?

Sport, bricolage, vin et alcool, mode, puériculture, jeux vidéo… A la fois des catégories où nous pouvons encore progresser et de nouvelles. Nous allons aussi poursuivre l'évangélisation des magasins afin qu'ils contribuent davantage encore aux ventes d'Auchan.fr, notamment en leur faisant mieux connaître les gammes marketplace. Et nous allons commencer à associer nos vendeurs et leurs produits à nos différents temps d'animation commerciale.

A son lancement, votre marketplace commercialisait de l'alimentaire. Avez-vous renoncé ?

Nous développons en priorité les catégories où le potentiel est immédiat. Sur l'alimentaire, on voit des initiatives mais pas de réel business. Personne ne sait encore faire cela à grande échelle. A l'inverse, les places de marché non alimentaires enregistrent déjà des volumes d'affaires très importants.

Vos fiches produits ne sont pas multi-offre : à une référence ne correspond qu'un vendeur. Comment le choisissez-vous et cela va-t-il évoluer ?

Pour faciliter l'adoption en interne, nous n'avons pas mis Auchan en concurrence avec les vendeurs tiers et avons opté pour des fiches mono-offre qui sont aussi plus simples techniquement. Mais nous réfléchissons à les rendre multi-offre, éventuellement aussi sur nos 30 000 références.

Selon vous, combien de grandes marketplaces généralistes peuvent cohabiter, sur le marché français ?

C'est vrai, le gâteau ne grossira pas indéfiniment. Mais il y a encore de la place et la répartition des parts de marché n'est pas du tout stabilisée. De gros acteurs manquent encore.