e-Commerçants, voici comment créer un skill Alexa

e-Commerçants, voici comment créer un skill Alexa Des premières questions à se poser aux impératifs techniques, découvrez pas-à-pas la marche à suivre pour concevoir une application fonctionnant sous Amazon Echo.

Les skills Alexa ne sont pas encore légion dans l'e-commerce aux Etats-Unis. Mais, parmi les plus connus, celui de Domino's Pizza permet par exemple au consommateur de prendre directement son menu via Amazon Echo, le haut-parleur connecté d'Amazon. "C'est complètement fou de voir comment il est facile de commander par la voix via Echo. Et la pizza arrive en 10-20 minutes", raconte Igor Gorin, CEO et cofondateur d'Astound Commerce, une agence digitale spécialisée dans l'e-commerce. Qu'est-ce qu'un skill ? C'est une application vocale dédiée à l'assistant Alexa, qui permet de dialoguer via Echo pour accéder à un service tiers. Uber a aussi son skill pour réserver un VTC sans clavier. Mais quelles sont les différentes étapes à franchir et les écueils à éviter pour créer son skill ?

Offrir de la valeur aux utilisateurs

Bien définir le use case… Cela peut paraître évident, pourtant cette étape est la plus difficile avec Alexa. "L'enjeu au niveau d'un skill n'est pas technologique. Son développement est accessible à n'importe quel développeur", assure Thomas Sabatier, CEO et cofondateur de la Chatbot Factory, un des leaders en France du développement de bot. La vraie difficulté est de bien définir l'interface vocale. Autrement dit, en quoi ce skill va vraiment aider mon client ?

"La plus-value est de pouvoir recommander en fonction des besoins de l'utilisateur"

"Une interface qui manque d'ambition, qui ne propose que de la commande produits, sans conseils ni recommandations, peut survivre aujourd'hui avec la faible concurrence. Mais ce skill sera dépassé demain", prévient-il. La plus-value est de pouvoir recommander en fonction des besoins du client. Imaginez : un utilisateur demande "que vais-je manger ce soir ?" à un skill de livraison à domicile. L'entreprise peut prévoir une application vocale qui répond simplement en donnant la liste d'un menu. Mais il faudra proposer plus pour se démarquer. "Aujourd'hui, passer commande de nourriture et être rapidement livré, c'est un standard. Avec Alexa, la plus-value viendra du conseil que fournit la marque à son client, via un coach nutritionnel vocal, en fonction des besoins caloriques et de ses activités de la journée, par exemple", complète-t-il.

Cependant, "les bots, qu'ils soient textuels ou vocaux, ne savent pas encore bien gérer le conseil produit", rétorque Nicolas Chollet, directeur général de Clustaar, une entreprise qui développe des bots sur Messenger et Facebook et qui fait de la R&D sur les assistants vocaux. Selon lui, les bots savent bien répondre aux questions les plus fréquentes ou gérer le service après-vente. Mais recommander des produits via un skill est une autre paire de manche. Cela est surtout possible quand peu de produits sont référencés, comme pour un opérateur téléphonique : un catalogue peu étendu permet d'indiquer une multitude de détails sur chaque produit.

Avoir des données structurées

Aujourd'hui, la difficulté pour créer un skill réside dans la qualité des données. "Une entreprise qui n'a pas de data structurées en interne aura des difficultés", affirme-t-il. Un skill met en relation la commande vocale de l'utilisateur avec les données de l'entreprise. Il faut donc quelle ait la data à disposition. "C'est ce qui contraint une marque soit à ralentir soit à annuler le projet", confie Thomas Sabatier.

Cependant, des entreprises sans données structurées complexes peuvent tout de même créer un skill. Il existe des solutions low-cost efficaces. "Pour savoir quel est le magasin le plus proche ou pour un système de question réponse, un fichier Excel peut suffire", rassure Nicolas Chollet. Ce n'est pas rédhibitoire, mais un skill nécessite quand même d'avoir regroupé et classé sa data.

Définir un dialogue en amont

Comme avec un être humain, le dialogue avec un skill commence par appeler ce dernier. C'est le nom d'invocation. "Il faut qu'il soit facile à retenir et à prononcer", résume Quentin Delaoutre, développeur du skill Jab, une application de messagerie pour enceintes connectées et auteur de The Ultimate Alexa Guide 2017. Souvent il s'agit du nom de la marque. L'utilisateur n'a qu'à dire "Alexa, ask domino's Pizza" pour qu'Alexa lance le skill de Domino's pizza. C'est le mot déclencheur qui lance l'interaction avec l'appli.

Un skill n'est pas omniscient. Le dialogue ne peut pas partir dans tous les sens. "Des marques viennent parfois nous voir pour un bot qui ferait tout. C'est impossible ! On prévoit avec eux le parcours du client pour revenir à la réalité", explique Nicolas Chollet de Clustaar. Quelle est la première phrase que dit Alexa à l'utilisateur ? Que lui proposer ensuite ? Comme pour tout projet, mais particulièrement avec un skill, il faut réfléchir en amont à tous les échanges possibles.

Il existe des outils qui permettent d'anticiper les questions les plus probables

"Il faut prévoir les interactions entre l'utilisateur et l'assistant vocal", confirme Quentin Delaoutre. Autrement dit, l'entreprise doit créer des phrases modèles, regroupées dans un fichier nommé Sample uterances. Il s'agit des phrases que les utilisateurs diraient pour interagir avec votre skill, explique Amazon. Elles doivent être facilement prononçables pour être comprises par Alexa. Comme par exemple : "donne-moi la liste des magasins à Paris", "quels sont les horaires ?", "lis moi la carte pour que je passe une commande en ligne", "allume la lumière" ou "lis mois les news". "Il faut donner des exemples d'utilisations du skill pour permettre à l'intelligence artificielle de faire son boulot de récupération des données, même quand la phrase sera exprimée différemment", complète Remi Cattiau, senior developer qui a développé un skill pour son employeur Nuxeo.

Il existe en outre des outils qui permettent d'anticiper les questions les plus probables. Pour un e-commerçant, on va piocher dans ses données clients pour trouver les questions les plus fréquemment posées", affirme Nicolas Chollet de chez Clustaar. Pour un opérateur téléphonique, cela pourrait être : "imprimez ma facture". Puis dans un second temps, Clustaar déclinera cette demande sous toutes ses formes possibles, avec un process d'extensions des requêtes. "Ma facture", "je voudrais avoir ma facture", "quelle est ma facture" ou encore prévoir une erreur d'interprétation d'Echo comme "je voudrais avoir ma fracture". Plus les phrases sont nombreuses, meilleur sera le résultat, précise Amazon. Grâce au machine learning, les algorithmes détectent le vocabulaire, la structure des phrases et les variables dans la requête.

Serverless ou pas

Aujourd'hui, deux options sont proposées par Amazon pour héberger un skill. Soit l'e-commerçant utilise son propre serveur, à l'instar de Voyages-Sncf. com. Ce qui induit des coûts variables à prévoir en interne en fonction du trafic prévu. Soit il loue des capacités sur AWS, l'offre cloud d'Amazon. Cette dernière option est la plus fréquemment utilisée aux Etats-Unis. "Cela revient à moins d'un centime par interaction en général via le serveur AWS Lambda", assure Remi Cattiau, développeur chez Nuxeo. Lambda coûte peu cher car Amazon tarifie le service à chaque invocation de l'utilisateur.

Les coûts varient : d'une dizaine de milliers d'euros à sans limite

A cela s'ajoute le coût du développement du skill qui varie beaucoup. De quelques milliers d'euros pour un projet simple à une dizaine de milliers d'euros voire plus pour les projets complexes. "On peut faire un skill très rapidement et présenter une démo en une journée. Mais plus les commandes sont complexes, plus cela prend du temps", ajoute Laurent Bernaille, CTO chez D2SI, une entreprise de conseil dédiée au cloud.

Les fourches caudines d'Amazon

Amazon certifie le skill avant de le publier. Ses développeurs prennent de quelques jours à plusieurs semaines pour vérifier le fonctionnement. Un processus long et compliqué, même si les délais ont grandement été réduits. "Il faut respecter un cahier des charges très précis fourni par Amazon", explique Quentin Delaoutre. Amazon peut très bien dire non s'il manque un critère, obligeant l'entreprise à revoir sa copie.

"Une mauvaise application vocale nuirait à l'image d'Amazon"

L'éditeur vérifie tout d'abord si le contenu est licite. Puis, il vérifie la syntaxe du skill. Mal développé, ce dernier entraînerait des incompréhensions pour le bot et un usage décevant pour le client. "Une mauvaise application vocale nuirait d'abord à l'image d'Alexa et donc à Amazon", rappelle Thomas Sabatier. A quand Alexa en français ? Le groupe n'a pas encore donné de dates précises. "Ce serait pour fin 2017", croit savoir Laurent Bernaille, de D2SI. Début 2018 pour d'autres. Depuis début 2017, Alexa fonctionne en allemand. En attendant, il est toujours possible de créer son propre skill en anglais dans l'Hexagone.