François Ozanne (Fnac Darty) "Fnac et Darty déploieront peu à peu leurs propres algorithmes de personnalisation"

Création d'une plateforme interne, AB tasting, IA, recommandations… Le point sur les algorithmes de Fnac Darty avec François Ozanne, directeur web et mobile.

JDN. La personnalisation de l'offre est le nerf de la guerre des sites e-commerce. Zalando, Amazon… Tous les grands e-commerçants misent sur les algorithmes. En tant que retailer omnicanal, qu'avez-vous mis en place en la matière ?

François Ozanne est directeur web et mobile chez Fnac Darty. © Fnac Darty

François Ozanne. Depuis septembre 2018, nous internalisons tout notre système de recommandation de produits en ligne via des algorithmes de personnalisation. Derrière ce changement, il y a un vrai enjeu business, celui de chercher du chiffre d'affaires additionnel, mais aussi d'améliorer l'expérience des visiteurs et rendre la navigation la plus simple possible. Aujourd'hui, l'e-commerce doit proposer les recommandations les plus adaptées aux parcours et à l'historique d'achat des clients.

Depuis de nombreuses années déjà, nous pratiquons le machine learning et misons sur la personnalisation. En 2018, nous avons décidé d'internaliser nos algorithmes. Nous avons créé notre propre plateforme hébergée sur Google Cloud. Cette dernière dispose d'une architecture solide, flexible, évolutive, scalable. Nous y avons injecté nos données de navigations et de ventes afin d'avoir toute la data nécessaire pour permettre aux algorithmes d'apprendre. Finalement, notre objectif est de créer des algorithmes qui s'adaptent en temps réel et en continu aux internautes pour leur proposer l'offre la plus pertinente.

Quels sont ces algorithmes ?

Il s'agit d'algorithmes d'intelligence artificielle auto-apprenants. Nous ne définissons pas des règles du genre "il se passe X, tu fais Y", mais nous encadrons la machine pour l'aider à apprendre. Prenons un exemple : notre IA doit comprendre d'elle-même qu'avec un achat d'une certaine typologie, le client est susceptible d'acheter certains produits connexes dans plusieurs semaines. Un client qui achète le tome 1 d'un livre est susceptible d'acheter d'ici quelques semaines le tome 2, etc. L'algorithme doit comprendre qu'il y a des comportements de ce type. Lors de nos communications par mail ou autres, le client doit par la suite être sollicité au bon moment pour son tome suivant. Cela vaut aussi pour les ventes croisées comme la coque de protection du smartphone acheté récemment. Nous avons créé de nombreux algorithmes de la sorte.

Quelle masse de data avez-vous injectée ?

Nous avons dû traiter des milliards et des milliards de données. Nous disposons en effet de dizaines de millions de produits, de centaines de millions de visiteurs, de milliards d'interactions… Nous avons récupéré ces données, puis nous les avons intégrées dans notre plateforme pour que nos algorithmes les exploitent. Dans ce genre de projet, l'un des grands enjeux reste celle de la volumétrie.

Quelles ont été les autres difficultés à affronter ?

Il nous a fallu isoler certains comportements complexes des internautes. A la Fnac, beaucoup de clients achètent des cadeaux pour leurs proches par exemple. Comment recommander le bon produit à une personne qui achète un livre sur Platon puis des disques de hard rock pour son fils ? Cela rajoute des couches de difficultés supplémentaires pour les algorithmes. Nous travaillons sur des pistes que nous ne pouvons pas encore dévoiler.

Il existe des solutions sur le marché qui accompagnent les retailers dans leur stratégie de personnalisation. Pourquoi avoir décidé de reprendre cela en main ?

"Actuellement, nous comparons nos anciens algorithmes par rapport à nos nouveaux algos auto-apprenants"

Nous pensons pouvoir faire mieux en interne. De nombreuses solutions technologiques proposent en effet des boîtes noires avec des algorithmes de recommandation. Chez Fnac, nous travaillons toujours avec la solution de personnalisation Early Birds. Cette dernière nous propose sa structure (framework) comme auparavant et assure la gestion des flux, les règles du merchandising, l'injection du catalogue, le temps réel… Ce qui nous permet de nous concentrer sur l'essentiel : la partie big data et les algos. Autrement dit, nous injectons nos propres algorithmes dans leur écosystème. La raison de cette évolution est simple, nous connaissons mieux que quiconque nos marchés, nos clients et notre catalogue.

Quel est le coût de ce genre de démarche ?

Le coût humain est le premier poste de dépenses. Il faut mettre des personnes compétentes sur le projet, notamment des data scientists. Cela prend plus de temps que d'utiliser uniquement une plateforme tierce. Il y a un coût technique aussi, autour du stockage et du cloud. Cependant, nous pensons rentabiliser cet investissement très vite. Nous ne pouvons pas encore communiquer au marché notre ROI, mais nous sommes très satisfaits des premiers résultats. Nous avons fortement amélioré nos performances de vente.

Quelles sont les prochaines étapes de ce développement ?

Actuellement, nous comparons nos anciens algorithmes par rapport à nos nouveaux algos auto-apprenants. Nous mesurons le gain généré via de l'AB testing. Ensuite, nous les déploierons progressivement sur tous nos sites en France, à la Fnac.com, puis sur Darty.com. Ensuite, ce sera l'internationalisation avec la Fnac Suisse, Espagne, Portugal… En 2019, tous nos sites utiliseront ces algorithmes. Par ailleurs, nous travaillons à leur amélioration : tests en permanence, création de parcours de ventes croisées avec les garanties d'assurances par exemple… Nous souhaitons être très innovants sur les ventes croisées (cross selling), mais également amener cette recommandation dans nos centres d'appels (call center) et dans nos magasins.

François Ozanne est directeur web et UX chez Fnac Darty, où il s'occupe notamment de l'expérience utilisateur, des équipe data , du contenu ou encore du SEO, ainsi que des sites internationaux. Il travaille à la Fnac depuis treize ans. Il est diplômé de la Neoma business school.