Les principaux freins au développement de la distribution dématérialisée ne sont pas forcément là où on les attendrait. A l'heure actuelle, ni les débits, ni le piratage ne sont un obstacle. Les accès haut débit représentent désormais 90 % du marché Internet en France selon l'Arcep. Quant au piratage, le phénomène ne revêt pas l'ampleur qu'il a dans l'industrie musicale et ne concerne que les grosses productions. Selon une étude citée par le studio indépendant français Load Inc, les jeux qui se vendent à moins de 200.000 exemplaires ne sont quasiment pas piratés. Ce qui représenterait 95 % de la production annuelle. Par ailleurs, avec les nouvelles plates-formes de téléchargement comme Steam, qui mettent à jour les jeux en temps réel au fur et à mesure de leurs mises à jour par les développeurs, toute tentative de "craquage" d'un jeu devient rapidement caduque.

 

Par conséquent, l'obstacle principal aujourd'hui vient des conséquences que le développement du téléchargement entraîne sur la chaîne de valeur de l'industrie. Chaque maillon de la chaîne cherche à préserver ses plates-bandes. Selon Emmanuel Forsans, président de l'AFJV, les distributeurs traditionnels feraient notamment pression sur les éditeurs, et eux à leur tour sur les plates-formes de téléchargement, pour que les prix de vente soient les mêmes en téléchargement qu'en magasin. Leur moyen de pression : le nombre de mises en place en boutique.

 


Répartition moyenne des marges sur le prix de vente d'un jeu PC hors TVA en France
© AFJV, décembre 2006

 

Des prix que justifient ensuite les distributeurs comme Boonty ou Metaboli par les coûts de bande passante, mais l'explication laisse de marbre beaucoup de gamers. En effet, un certain nombre de coûts disparaissent à diverses étapes de la chaîne de valeur : fabrication, stockage, transport, retour pour invendus… Mais les marges de ces intermédiaires disparaissent aussi… Ainsi, Denis Bourdain, vice président de Load Inc., précise que sur un jeu vendu 29,90 euros en magasin, il ne gagnait que 3,10 euros. Avec un prix de vente de 9,90 euros sur Xbox Live Arcade, sa marge est supérieure.

 

 
Mathieu Nouzareth, président de Boonty
 

L'autre pression est liée aux dates de mise en vente des jeux. Si Metaboli indique que de plus en plus d'éditeurs acceptent de sortir leurs jeux en dématérialisation au même moment qu'en magasin - Atari, THK, Codemaster, Eidos en sortiraient même certains en jour 1 dans le cadre des systèmes de vente par abonnement -, Boonty confie qu'il faut encore "convaincre les éditeurs de sortir leurs jeux, et au même moment que dans la distribution physique." Car ils ont peur de la cannibalisation.

 

C'est pourquoi, en dehors des jeux casual, qui ne sortent pas en magasin, une faible proportion des jeux vidéo sort en téléchargement. Entre 20 et 30 %, selon Boonty. Certains jeux sortent aussi en "back catalogue", c'est-à-dire au bout de trois ou quatre mois, quand le cycle de vie du produit est déjà sur le déclin, afin de lui donner une deuxième vie commerciale. Certains éditeurs, comme Electronic Arts, choisissent quant à eux d'éviter les ventes dans le cadre des abonnements, c'est-à-dire hors des modèles les plus avantageux pour les joueurs.

 

Aujourd'hui, parmi les acteurs historiques de l'industrie, l'innovation dans les modèles vient plutôt des consoliers et de leurs boutiques en ligne. Les fabricants, qui sont aussi éditeurs, cherchent à développer plusieurs marchés de front, tout en intégrant les réseaux de magasin à leur stratégie afin de ménager la chèvre et le chou.


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