Aujourd'hui, ce sont essentiellement les habitudes de consommation, qui évoluent, qui tirent la croissance de la distribution dématérialisée. Cependant, les résultats des plates-formes de téléchargement sont de plus en plus significatifs. "Notre activité est en croissance de 10 à 30 % chaque mois, déclare Pierre Gaudet de Metaboli. Les réticences sont en train de céder." Ces plates-formes changent la physionomie de la distribution du jeu vidéo, en ce sens qu'elles constituent un nouvel intermédiaire, qui tend à remplacer les intermédiaires existant de la distribution physique, en apportant plus de valeur ajoutée. En effet, leur prestation ne correspond ni à un simple négoce, ni à une simple prestation technique.

 

 
Pierre Gaudet,
DG de Metaboli
 

Au vu du chiffre d'affaire réalisé par ces plates-formes via des partenaires distributeurs, il semble que la mise en place d'offres chez ces derniers soit un des principaux facteurs de croissance du marché à l'heure actuelle. Ces distributeurs ont en effet les budgets marketing nécessaires pour faire connaître ces offres. Par ailleurs, de nouvelles solutions de distribution digitale leur permettent aujourd'hui de mieux gérer leur catalogue dématérialisé, à l'image de Tycoon, la nouvelle plate-forme de Metaboli dédiée aux éditeurs et aux distributeurs (lire Metaboli : 5 millions d'euros pour développer le modèle de vente, du 01/04/08). Il s'agit d'un outil de pilotage permettant aux éditeurs de se "brancher" directement sur les réseaux de distribution partout dans le monde (dépôt de jeux, choix des réseaux, politique de DRM…), et aux distributeurs de pouvoir vendre le jeu dès qu'il est "posté" par l'éditeur. Cette solution permet par ailleurs de gérer les conditions de vente, les promotions, le merchandising, etc.

 

Autre facteur de croissance, la poussée des éditeurs indépendants, qui encaissent des marges supérieures en distribution dématérialisée et ont donc tout intérêt à être référencés sur les plates-formes de téléchargement, quitte à délaisser les circuits de distribution classiques. Les studios français, notamment, doivent faire face à la concurrence des pays de l'Est, de l'Inde, du Canada, où la fabrication des jeux revient moins cher. La distribution dématérialisée est une porte de sortie pour maintenir leurs marges.

 

 
MadTracks, le jeu de Load Inc.
 

C'est ce qui a conduit Load Inc, studio créé en 2004, à devenir le deuxième studio européen à développer pour le Xbox Live Arcade. "Nous gagnons trois fois sur Xbox Live Arcade plus qu'en boutique, alors que le prix en magasin est plus élevé", explique Denis Bourdain, vice président de la société. En un an, le studio a écoulé 70.000 pièces de son jeu MadTracks sur le XBLA, et a bien l'intention de réitérer son succès sur la boutique en ligne du Playstation Network. Avec des productions inférieures à 500.000 dollars, Load Inc. génère de cette manière assez de bénéfices en téléchargement pour rester indépendant et continuer à sortir de nouveaux jeux. "J'ai eu des déconvenues avec le système de distribution traditionnel, confie Denis Bourdain. Avec le téléchargement, j'ai l'impression de maîtriser la plupart des événements qui font la vie du jeu."

 

Si à long terme le téléchargement est amené à prendre plus de parts de marché, il est probable qu'en bout de chaîne, les magasins spécialisés tels que Micromania ou Score Game continueront à exister. Mais ces enseignes devront évoluer, en mettant en avant le conseil, les démos, l'essai des jeux et du matériel.

 

 
Cafe.com, la plate-forme multijoueur communautaire de Boonty
 

En ce qui concerne les modèles, la location n'est pas la seule piste d'évolution à exploiter. La gratuité en est une autre. De nombreux systèmes sont envisageables. Avec le téléchargement et la location, les mises à jour du contenu des jeux sont rendues plus simples et plus fréquentes. Mettre à jour des publicités contenues dans les jeux devient donc aussi plus facile à faire. Outre la publicité dans les jeux eux-mêmes, on peut aussi imaginer des téléchargements gratuits qui seraient précédés par de l'affichage. Mais la publicité n'est pas le seul moyen de financer la gratuité des jeux. La micro-monétisation est beaucoup plus prometteuse : paiement par niveaux, achat de contenu additionnel (accessoires, personnages…), abonnement pour accéder au multijoueur, fonds d'écran, avatars, etc.

 

Au final, la dématérialisation est donc porteuse d'évolutions beaucoup plus profondes, comme l'exprime le co-fondateur de Boonty Mathieu Nouzareth : "Le téléchargement ne va pas impacter uniquement la distribution du jeu vidéo. La dématérialisation n'est qu'une première étape, celle de la chaîne logistique. L'étape suivante sera l'avènement des nouveaux usages, comme le développement du jeu multijoueur communautaire, qui va aussi changer la façon de produire et d'éditer les jeux vidéo. Améliorer les jeux en permanence, ajouter toujours plus de niveaux, développer les contenus additionnels, tout cela va modifier les étapes de production et de vente."


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