Comment les e-commerçants vont-ils répercuter ces coûts ? C'est une question
à laquelle les principaux concernés ne répondent pas encore précisément.
Difficile en effet d'anticiper le comportement des consommateurs au lendemain
de l'application de la loi Chatel, et donc l'ampleur de la réponse à donner.
Répercussion sur les prix :
Si la majorité affirme vouloir observer avant de réagir, elle est également
convaincue d'un point : à terme, cela se répercutera sur les prix. Laurent
de la Clergerie, PDG de LDLC, est ferme sur la question : "aujourd'hui, nous grignotons
nos marges, mais il faudra que nous les retrouvions un jour." Cela ne se
fera pas instantanément, ni brutalement, mais ça se fera.
"Aujourd'hui, nous grignotons nos marges, mais
il faudra que nous les retrouvions un jour" |
Mise à part une répercussion sur les prix, les acteurs du commerce en ligne
pourraient être également amenés à modifier leurs prestations.
Répercussion sur le service de hotline :
Impossible néanmoins de supprimer le service client par téléphone, puisqu'une
des 5 mesures impose de "fournir des coordonnées téléphoniques permettant
d'entrer effectivement en contact avec le vendeur". Rien n'empêche cependant
de réduire ce service au strict minimum et d'inciter les clients à faire
leur requête par e-mail.
C'est le choix qu'à fait depuis longtemps PriceMinister, après "avoir constaté
que la hotline ne suscitait pas une demande importante", explique son fondateur,
Pierre Kosciusko-Morizet. 35 personnes gèrent près de 5.000 e-mails par jour,
ce qui représente tout de même un coût global de près d'un million d'euros
par an.
Pour d'autres, peut-être faudra-t-il se poser la question d'une délocalisation
du service client, au risque d'en altérer la qualité.
Répercussion sur le service de livraison :
La prestation de livraison risque également d'être revue à la baisse, pour
réduire l'impact de leur remboursement en cas de rétractation. Les marchands
vont très probablement stopper les largesses qu'ils se permettaient pour
fidéliser leurs clients.
"C'est de l'anti-service qui se fera directement
au détriment du consommateur" |
Gauthier Picquart, directeur général de RueDuCommerce, ne décolère pas : "c'est
de l'anti-service qui se fera directement au détriment du consommateur". Son site
commencera probablement par raccourcir les délais de rétractation, qui
avaient été rallongés à 15 jours, voire 30 à Noël.
De la même manière, il faut s'attendre à ce que Maisonfacile ne soit plus aussi
généreux en période de fêtes. "Souvent, nous prenions à notre charge un envoi
en Chronopost, plutôt qu'en Coliposte, trop surchargé en ces périodes, explique
son co-gérant, Benoit Fargeot. Dorénavant, nous ne le feront plus gratuitement."
Même raisonnement pour certains services logistiques (installation d'une machine
à laver à domicile etc.) : "nous voulions les inclure par défaut dans nos prestations,
et ce gratuitement. Je ne suis pas sûr que nous le décidions", regrette-t-il
encore.
Mais encore une fois, ce que redoutent le plus les marchands, ce sont les
clients peu scrupuleux qui ont l'habitude de leur "emprunter" des produits,
le temps d'un week-end ou de quelques jours. "Il ne sont peut-être qu'un pour
1.000, explique Laurent de la Clergerie, mais c'est frustrant de voir que ça leur
sera encore facilité. Il faudra encore leur rendre la tâche plus ardue."
Le problème est tout autre pour Chapitre.com qui ne peut augmenter les prix
de ses livres, du fait de la réglementation. "La livraison est la seule prestation
que l'on peut facturer, se désespère Juan Pirlot de Corbion, peut-être l'augmenterons
nous
et encore, se repend-il, le standard est plutôt à la gratuité." Est-il
alors alarmé ? "Non, juste pris de court".