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Marc Lolivier |
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- Délégué général de la Fevad
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JDN. Avez-vous espoir de faire changer d'avis le ministère
au sujet de la loi Chatel ?
Marc Lolivier. Aujourd'hui, la loi est adoptée et doit
être appliquée au 1er juin, mais nous espérons pouvoir avoir une influence sur
son interprétation. Mardi dernier, le 15 avril, le président de la Fevad, François
Momboisse, accompagné de quelques adhérents du Nord, a enfin été reçu par le ministre
grâce à l'intervention du député M. Bernard Gérard. La Fevad a déjà, à plusieurs
reprises, fait mention du manque de clarté de la loi sur certains points, entraînant
des flous quant à leur application. Nous avons également beaucoup réfléchi à la
façon d'interpréter la loi pour pallier ces lacunes et nous cherchons à faire
valider notre interprétation.
Quelle forme prendrait alors cette interprétation ?
"Pour un dialogue utile et productif, il faut
que les pouvoirs publics jouent le jeu" |
Elle pourrait être entérinée sous forme d'application administrative
par exemple, via une note de la DGCCRF, mais pour cela il faut qu'il y ait
une vraie volonté politique. La DGCCRF a un rôle important à jouer, mais
ce sont les tribunaux qui devront trancher si jamais des plaintes sont déposées
contre les marchands.
Avez-vous rencontré Eric Besson, le secrétaire d'Etat
au développement de l'Economie numérique ?
Nous l'avons rencontré dans le cadre de Renaissance Numérique,
mais n'avons pas parlé de la loi Chatel. Notre demande est en cours. Néanmoins,
nous nous réjouissons que quelqu'un ait été désigné pour réfléchir à l'Economie
Numérique : il était temps que cette dernière soit reconnue. Derrière tout
cela, c'est la question de la régulation d'Internet qui se pose : doit-on
passer en force ou jouer le jeu de la concertation ? Je pense qu'il faut
prendre le temps d'écouter les uns et les autres, ce qui n'a pas été fait
dans le cas de la loi Chatel. Rappelons que deux ans de discussion ont été
nécessaires à l'instauration d'une loi pour les hotlines des FAI. Seulement
72 heures, en ce qui nous concerne, et sans qu'aucun marchand n'ait été consulté
La démarche a été d'autant plus brutale que les acteurs du e-commerce sont
dans une démarche positive où ils essaient continuellement de faire avancer
le marché. Le secteur a besoin de ce dialogue avec les pouvoirs publics,
ainsi que d'un socle législatif, afin d'encourager les initiatives de co-régulation.
Pour un dialogue utile et productif, il faut néanmoins que les pouvoirs publics
jouent le jeu. La Fevad avait participé à la recommandation du Forum des
Droits de l'Internet, mais la plupart des mesures de la Loi Châtel ne figurent
pas en tant que telles dans la recommandation (lire article e-commerce
: le Forum des droits sur Internet fait ses recommandations au gouvernement,
du 26/09/07).
D'un côté il y a la loi Chatel qui risque, à priori, de
faire monter les prix, et de l'autre Christine Lagarde qui a commandé un
rapport sur les mécanismes possibles de baisse de prix. Quelle est votre
analyse de la politique du gouvernement ?
Le paradoxe que vous mettez en lumière ne nous a pas échappé,
mais ce n'est pas notre travail que d'en juger. Le nôtre est de sensibiliser
les pouvoirs publics sur l'importance de notre secteur et les répercussions que
peuvent avoir de telles mesures. Certes, Internet effraie parfois car il fait
bouger les lignes du commerce, mais il apporte aussi énormément au consommateur.
Or créer une telle incertitude juridique n'est pas favorable à l'épanouissement
d'un secteur. Le e-commerce regroupe 37.000 sites qui méritent un peu plus de
considération. Les pouvoirs publics devraient prendre le temps d'analyser nos
revendications, car elles ont bien été réfléchies et ont été formulées en concertation
avec nos adhérents.
Cette mesure risque-t-elle de faire baisser la compétitivité
des sites français face à des concurrents étrangers ?
"La loi risque de créer des distorsions
de concurrence au niveau européen" |
Nous essayons de sensibiliser les pouvoirs publics à cette
problématique, car la France n'est pas du tout à la page sur cette question.
Le e-commerce est le premier marché de détail qui soit confronté, de manière
aussi frontale, à la concurrence internationale. Je rappelle que 24 % des
internautes, sur 30 millions, ont déjà réalisé un achat à l'étranger
sur la Toile. La loi Chatel risque alors clairement de créer des distorsions
de concurrence. Par ailleurs, la Commission Européenne devrait présenter
son projet de révision de la directive cadre VAD de 1997 avant la fin de
l'année. Dans ce contexte, la loi Chatel n'est pas justifiée, puisque que
le cadre européen va être revu pour introduire plus d'harmonisation.