Bertrand Gstalder (Fnac.com) "Les investissements d'Amazon dans les entrepôts sont payés avec l'argent du contribuable"

Omnicanal, diversification de l'offre, marketplace, livre numérique : le DG de Fnac.com dévoile les axes stratégiques de l'enseigne sur le Web... et tance à nouveau Amazon.

JDN. Quels sont les grands chantiers en cours chez Fnac.com ?

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Bertrand Gstalder, DG de Fnac.com © S. de P. Fnac

Bertrand Gstalder. Le premier axe sur lequel nous concentrons actuellement notre action est l'omnicanal, l'intégration du réseau de magasins et du Web. C'est une réalité à la Fnac depuis 2011, mais c'est en 2012 que les usages ont véritablement explosé. Sur Internet, les clients pouvaient déjà se faire livrer en boutique leurs commandes en ligne, consulter les stocks des magasins et y réserver leurs produits techniques. Mais le retrait en magasin, ramené à une heure après la commande au lieu d'une journée auparavant, est aussi devenu gratuit cette année. En novembre, 25 à 30% des produits techniques achetés sur Fnac.com ont été soit livrés soit retirés en magasin.

 

A l'inverse, de quelle façon le réseau se sert-il du Web ?

Les magasins pouvaient déjà proposer aux clients de commander en leur nom des produits culturels sur le site. Cette possibilité a été étendue cette année à toute l'offre de Fnac.com, marketplace incluse. Aujourd'hui, nous désirons donner aux clients un accès au site via des bornes d'achat et de consultation. Notre magasin connecté de Bercy teste sept de ces bornes que nous allons encore améliorer avant de les déployer.

En complément des bornes, nous permettons aussi aux clients d'accéder à la richesse de notre site au travers d'applications mobiles et du wi-fi gratuit. Entre notre appli de m-commerce, notre appli adhérent et notre appli Labo, plus de 2 millions d'applications Fnac ont été téléchargées. Enfin, comme à Bercy, nous allons doter tous nos vendeurs d'iPod Touch afin qu'ils disposent également de cet outil Web. Ce dispositif, qui remplacera les écrans verts que vous voyez aujourd'hui dans chaque rayon, sera déployé toutes les Fnac de France en 2013.

 

Fnac.com a par ailleurs beaucoup diversifié son offre, depuis 18 mois...

Il s'agit en effet de notre deuxième axe de travail. Après le petit électro-ménager l'an dernier, nous avons étendu notre offre aux arts de la table et ouvert la puériculture cette année. Actuellement, nous développons beaucoup notre offre de jeux et jouets. La diversification et l'extension de nos gammes est en outre relayée en magasin, où nous disposons à ce jour de 25 espaces enfants et 35 espaces petit électro-ménager, qui présentent une sélection de produits innovants et design.

Par ailleurs, nous avons également attaqué le gros électroménager au travers de notre marketplace. Mais n'avons pas vocation à en vendre en propre, en raison de sa logistique bien spécifique.

 

Jusqu'où allez-vous étendre cette diversification ?

Les marchés de la musique et de la vidéo sont plutôt en réduction, de même que certains produits techniques. L'enseigne devait trouver des relais de croissance. Nous nous sommes donc tournés vers les univers connexes aux nôtres, c'est-à-dire l'enfance et la maison. Plus largement, la diversification fait partie des axes du plan Fnac 2015, qui englobe les univers des loisirs et des technologies. Mais nous n'irons pas au-delà.

 

Quel bilan tirez-vous de votre marketplace ?

Parmi les acteurs click&mortar, nous sommes le seul à opérer une place de marché. Nous en avons fait un axe stratégique majeur de notre développement puisqu'à terme, nous voudrions réaliser 25 à 30% de notre volume d'affaires sur la marketplace. Soit un volume très significatif, qui plus est rapporté à un chiffre d'affaires en croissance. Et c'est aussi ce qui nous permet d'intéresser les vendeurs.

Nous comptons aujourd'hui entre 1500 et 2000 vendeurs professionnels. Quant aux particuliers, qui pouvaient déjà vendre leurs produits éditoriaux sur Fnac.com, ils peuvent maintenant aussi écouler leurs produits techniques. Mais nous attendrons que Noël soit passé pour communiquer sur ce sujet.

 

Etes-vous satisfait du volume de ventes de votre place de marché ?

Tout à fait. En un an, nous avons gagné un point de part de marché sur la vente en ligne de produits techniques, secteur qui a lui-même progressé de plus de 5%. En outre, ce serait une erreur de comparer notre marketplace à celles de Pixmania, Cdiscount ou Amazon, qui ouvrent un maximum de catégories de produits. Ce n'est pas notre objectif. Comme LaRedoute.fr sur la mode et la déco, nous désirons rester sur notre univers.

 

Envisagez-vous de monter un service de stockage et d'expédition pour les vendeurs de votre marketplace, à l'image du programme FBA d'Amazon ou du futur RSL de Priceminister ?

Pas forcément, en tous cas pas dès 2013. En revanche, nous serons attentifs à ce que ces prestations de fulfilment n'entraînent pas un détournement de chiffre d'affaires. Aujourd'hui, lorsqu'un vendeur qui a confié son stock à FBA vend sur la marketplace de Cdiscount, le colis et la facture qui arrivent chez l'acheteur sont estampillés Amazon. Cette absence de neutralité dans la prestation logistique est un vrai problème. Nous serions prêts à sélectionner les marchands de notre marketplace sur ce critère.

 

Si vous avez abandonné la vente de fichiers musicaux, vous nourrissez de grandes ambitions dans le livre dématérialisé. Quels sont vos projets ?

C'est effectivement l'un de nos axes stratégiques, qu'incarnent à la fois les liseuses et tablettes Kobo et notre librairie en ligne de livres numériques, qui comporte 2,7 millions de titres dont 260 000 en français et plusieurs milliers de BD. Notre objectif est de faire du Kobo la première liseuse du marché français.

 

Partagez-vous l'agacement d'Alexandre Bompard, PDG de la Fnac, à propos des subventions publiques dont bénéficie Amazon en dépit de ses pratiques d'optimisation fiscales ?

Amazon ne fait rien d'illégal. Le problème qui se pose est éthique et moral. Car les investissements qu'il réalise, notamment dans ses entrepôts, dans son système informatique, etc., qui lui donnent donc les moyens d'améliorer son positionnement prix et sa part de marché, sont en réalité payés avec l'argent du contribuable.

Alors quand, en plus, Amazon bénéficie d'aides publiques pour s'installer en France, c'est la cerise sur le gâteau. Et ce problème d'équité ne fera que s'accentuer avec la croissance d'Amazon. Les gouvernements français, britannique et allemand en ont d'ailleurs pris conscience. Il est plus que temps : en Allemagne, Amazon est devenu tellement puissant qu'il remonte maintenant ses prix.

 

Le premier point fort d'Amazon réside dans l'expérience client. Que faites-vous dans ce domaine ?

L'amélioration de l'expérience client est notre dernier axe de développement. Le premier élément, qui n'est pas directement visible pas le client, était l'ouverture en septembre dernier d'un troisième entrepôt logistique de 21 000 mètres carrés à Wissous dans l'Essonne, doté d'une chaîne mécanisée pour les produits éditoriaux et le petit électroménager. Il nous permet d'accroître notre capacité de stockage et donc d'élargir notre offre. Nous voulons aussi proposer une expérience client complète sur le mobile, ce qui nous amènera à améliorer notre site mobile en 2013 et à lancer de nouvelles versions iPhone et Android de notre application de m-commerce.

Nous oeuvrons également à améliorer les fonctionnalités du site.  En octobre nous avons refondu le processus de commande et les fiches produits pour mieux intégrer la multicanalité. Nous allons continuer d'améliorer les fonctionnalités de Fnac.com ainsi que le service de livraison, pour le rendre encore plus fiable et plus rapide. Enfin, nous développerons l'an prochain davantage de contenus éditoriaux, qui présenteront des nouveautés et des sélections de produits.

 

Bertrand Gstalder est directeur général de Fnac.com. Diplômé de l'ESCP-EAP en 1994, il débute sa carrière à la direction financière d'Elf Petroland (Elf Aquitaine) avant d'intégrer la billetterie France 98 Comité Organisation Coupe du Monde FIFA en tant que Chef de Projet Ventes, entre 1995 et 1998. Il rejoint ensuite le Club Méditerranée pour développer le site Clubmed.com avant de cofonder Cityvox en 1999, dont il devient le directeur des opérations. Il rejoint la Fnac en 2004 en qualité de directeur de Fnac Voyages. Il se voit confier l'ensemble des activités de billetterie de l'enseigne en 2005, regroupées sous l'entité France Billet en 2009. En 2010, il prend la direction d'un pôle Musique, vidéo et jeu vidéo regroupant les activités de billetterie et de distribution de produits. Il est nommé DG de Fnac.com en juin 2011.