Comment les commerces de proximité utilisent (ou pas) Internet

Comment les commerces de proximité utilisent (ou pas) Internet La moitié des petits commerces ont un site Web, mais il n'est souvent qu'informatif. Les marchands ont de plus en plus recours aux marketplaces web-to-store, selon Xerfi.

La revitalisation du commerce de proximité est un enjeu de taille, étant donné sa valeur et ses fonctions économiques et sociales. Or Internet, parfois encore perçu comme un "voleur de ventes", apporte de nombreux outils pour envoyer du trafic en magasin ou aider les petits commerçants à mieux transformer. Xerfi-Precepta a donc décidé de réaliser une analyse concurrentielle et stratégique du commerce indépendant de proximité face à Internet et à l'e-commerce.

Il apparaît tout d'abord que les commerces indépendants de proximité sont maintenant 46% à détenir un site Internet, selon une étude BVA-Mappy de décembre 2014. Parmi eux, 62% en assurent la gestion eux-mêmes, 30% la confient à un prestataire extérieur et 8% optent pour une autre solution. Ces sites ont avant tout été conçus dans un but informatif : à 74% pour présenter les produits et services du commerce et à 74% aussi pour indiquer son adresse ou ses horaires d'ouverture. Les fonctionnalités de prise de contact – demandes d'informations via un formulaire ou demandes de devis – sont respectivement présentes sur 37% et 32% des sites de commerces locaux. Mais seuls 31% commercialisent effectivement les produits ou services du magasin et 30% permettent de prendre rendez-vous. Quant aux 54% de commerces indépendants qui ne possèdent pas de site, une large majorité (83%) n'envisage pas non plus d'en créer, ajoute cette étude BVA-Mappy.

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Proportion de commerces indépendants dotés d'un site Web © BVA Mappy, décembre 2014

Pourquoi ce manque d'intérêt ? Peut-être parce que la visibilité de ces sites est très compliquée à assurer et qu'optimiser leur référencement ne fait généralement partie ni des compétences ni des priorités des commerçants. C'est là qu'entrent en jeu un nombre croissant de plateformes qui jouent le rôle d'intermédiaires entre les internautes et eux. Xerfi-Precepta les répartit en deux catégories : les marketplaces et les services de vente de deals.

Côté marketplaces d'abord, deux modèles se distinguent. Le premier est celui du web-to-store, comme le pratiquent Cdiscount avec sa disponibilité immédiate, ou encore Localismarket.fr, Lalibrairie.com, BoutiquesLocales.fr ou Boutiquesenfolie.com. Les commerces mettent leurs produits en vente sur la marketplace et les cyberacheteurs viennent retirer leur commande en magasin dans la journée sans frais supplémentaires. La marketplace apporte au commerce de la visibilité, joue le rôle de tiers de confiance et se rémunère par une commission sur les ventes. Evidemment, le succès du programme est lui-même tributaire de la visibilité de la marketplace. On miserait donc plus volontiers sur celle de Cdiscount, qui après Bordeaux, Nantes, Lyon et Toulouse vient de s'étendre à Paris et Marseille.

Aux côtés du web-to-store, la livraison à domicile

Un second modèle commence aussi à émerger : les marketplaces qui organisent elles-mêmes le ramassage de la commande dans le magasin pour la livrer à l'acheteur dans la foulée. Un service sur lequel, aux Etats-Unis, se sont positionnés eBay (avec eBay Now), Google (avec Google Express) et maintenant Uber (avec Corner Store pour les produits d'épicerie et Uber Merchant Delivery pour toutes les livraisons).  Sauf que ces acteurs Web, qui auraient pu couvrir les commerces locaux, ont finalement préféré travailler avec des réseaux d'enseignes implantés localement afin de ne pas laisser les coûts élevés de la livraison amputer plus que nécessaire la rentabilité de leurs services. Quand ils n'ont pas mis leur service entre parenthèses faute de ressources, comme l'a fait eBay.

Mais ces intermédiaires peuvent également se charger du picking en magasin, à l'instar d'Instacart aux Etats-Unis ou de TokTokTok en France, qui l'un comme l'autre envoient des particuliers faire les courses à la place de l'acheteur. Là encore, ces acteurs se rémunèrent par une commission sur les ventes. Ce modèle-ci se prête a priori davantage aux paniers élevés, aux clients CSP+ urbains et aux produits de consommation courante ou alimentaires.

Marketplaces mises à part, Xerfi-Precepta note que les services de deals peuvent également servir à générer du trafic en magasin, à condition bien sûr d'accepter de sacrifier ses marges. Groupon est bien entendu l'exemple-type du site de coupons de réduction utilisables en boutique qui a bâti un important réseau de petits commerces partenaires. Mais l'Américain n'est pas seul sur ce marché, puisque le leader français des ventes événementielles, Vente Privée, a lui aussi développé une offre de coupons à valoir en magasin, Rosedeal, ainsi qu'une application de deals géolocalisés, Le Pass. En outre, ces acteurs enrichissent leurs prestations pour prendre pied au sein même des points de vente. Groupon offre des outils de gestion des ventes et des stocks, d'encaissement ou de comptabilité, quand Vente Privée mise décidément sur le mobile et propose aux enseignes de déployer pour elles des beacons.

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Axes de développement des services de vente de deals © S. de P. Xerfi-Precepta

"Les plateformes d'intermédiation représentent de formidables opportunités pour le petit commerce, mais une présence sur ces portails ne saurait revêtir un caractère nécessaire et suffisant", conclut Xerfi-Precepta, qui ajoute que si les villes mènent de multiples actions pour dynamiser leurs commerces de proximité, les services digitaux demeurent largement sous-exploités. Sur les 46 plus grandes villes françaises, "seules 36% ont développé une plateforme spécifiquement dédiée aux commerces locaux", comme Marseille-centre.fr, Commercesdetoulon.com ou Vitrines-de-rouen.com. Et parmi ces portails, seul celui de Douai, Douaishopping.com, est marchand.

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Répartition de l'action communale d'appui digital aux commerces © S. de P. Xerfi-Precepta


Source

Le rapport d'analyse concurrentielle et stratégique "Le commerce indépendant de proximité face à Internet et au 'e-commerce" est publié par Xerfi-Precepta, éditeur indépendant d'études économiques sectorielles.