David Marcus (Paypal) "L'avenir n'est pas au NFC mais au paiement mains libres"

Services de crédit, cartes de paiement physiques, facturation opérateur, achat en magasin, NFC... Que peut apporter Paypal pour améliorer l'expérience de paiement ? Son patron fait le tri.

JDN. Paypal étend peu à peu ses services à de nombreux domaines. Que voulez-vous couvrir exactement ?

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David Marcus, président de Paypal © S. de P. Paypal

David Marcus. Notre vision est simple : nous voulons rendre l'expérience d'achat plus agréable aux consommateurs et les données d'achat plus facilement accessibles aux marchands. Concrètement, cela signifie enlever de la friction aux étapes de paiement et ajouter de la valeur à l'expérience. Aussi bien online que sur mobile, où nous avons investi lourdement, et offline, où nous commençons à enregistrer une vraie traction.

Sans oublier notre activité de crédit, BillMeLater, qui se développe rapidement. Aujourd'hui, il s'agit surtout d'une capacité technique de proposer du crédit aux petits commerçants et aux consommateurs. Mais les offres existantes ne sont pas satisfaisantes et beaucoup de PME connaissent des difficultés de trésorerie. Nous allons donc accélérer le développement commercial de notre offre.

Jusqu'où pensez-vous étendre vos services face aux banques, par exemple sur le paiement en plusieurs fois ?

Aux Etats-Unis, nous proposons déjà aux marchands d'offrir le paiement en plusieurs fois à leurs clients. Cela fonctionne très bien et permet d'augmenter jusqu'à 30% les ventes des produits supérieurs à 300 ou 400 dollars. Nous prévoyons d'exporter bientôt ce service en Europe.

Par ailleurs, nous disposons d'un agrément bancaire en Europe depuis 2007. Notre banque européenne, installée au Luxembourg, se lancera l'an prochain dans le crédit à la consommation et le crédit aux entreprises.

Demain, y aura-t-il des cartes de crédit physiques Paypal, en plus des cartes de paiement ?

Nous avons commencé à déployer une carte de crédit plastique Paypal aux Etats-Unis, mais ce n'est pas une priorité. Car très franchement, personne n'a envie d'avoir encore une carte supplémentaire. Nous préférons travailler sur l'expérience mobile et sur l'expérience de paiement en magasin en prolongeant ce que propose Paypal Here aux Etats-Unis. Autant je ne crois pas beaucoup au NFC, qui ne rend pas l'acte de paiement plus fluide qu'avec une carte de paiement, autant je crois énormément au paiement "mains libres" en magasin, qui ne nécessite de manipuler aucun matériel. On le constate d'ailleurs dans le cadre de notre test dans 30 restaurants McDonald's en France : passer commande et régler sur l'application mobile pour récupérer sa commande dans une file d'attente à part constitue une expérience utilisateur bien meilleure que le paiement par carte physique.

Evidemment, dans 90% des commerces, il ne sera pas possible tout de suite de procéder ainsi. C'est pour cela que nous proposons des cartes de crédit physiques aux Etats-Unis. Mais c'est une solution de transition qui à plus long terme disparaîtra pour laisser la place au paiement mains libres. Qui dispose en outre d'un autre avantage majeur sur la carte bancaire : la possibilité de savoir qui est le client, de connaître son historique et ses préférences. Nous pourrons donc offrir aux magasins physiques toute une gamme de services spécifiques qui leur fait aujourd'hui défaut face à l'e-commerce.

Que vous inspire le rapide essor de Square ? Regrettez-vous de vous être fait distancer sur ce créneau du dongle, ce petit lecteur de carte bancaire à brancher sur le smartphone ou la tablette des marchands physiques ?

Il existe beaucoup d'acteurs sur le même segment que Square. Mais comme toujours, après une première phase de buzz, la réalité va reprendre le dessus. En l'occurrence, la réalité relève d'un véritable besoin des petits commerçants d'accepter les paiements électroniques plus facilement. Sauf qu'il est difficile d'y faire adhérer les consommateurs. Nous l'avons vécu nous-mêmes : Paypal n'a réellement décollé que lorsqu'il a résolu un problème fondamental pour les utilisateurs, la friction créée par l'achat par chèque sur eBay.

Square ne répond-il pas à un besoin ?

Le problème du dongle pour carte bancaire est qu'il ne s'accompagne d'aucune incitation à payer de cette façon. Côté marchand, ce n'est pas un moyen de gagner de l'argent, et côté consommateur, cela ne résout aucun problème. On se retrouve donc avec une solution de paiement en point de vente qu'il faudrait plutôt comparer à celles d'Ingenico ou même de Verifone. Sans parler de comparer la valorisation de Square et consorts avec celles de ces sociétés... Or Paypal s'intègre déjà à de multiples solutions de paiement en point de vente, dont ces deux-là, d'ailleurs. Mais surtout, nous pouvons nous baser sur nos 120 millions d'utilisateurs dans le monde pour rendre nos services économiquement viables à long terme.

Beaucoup de paiements se font sur les appstores, via la facture opérateur, en achat in-app... Comment Paypal réagit-il par rapport à ces méthodes qui représentent une bonne part des paiements mobile ?

Paypal dispose d'une solution de facturation opérateur qui compte 250 opérateurs partenaires. Elle fait partie de l'offre Paypal et à ce titre est proposée sur des plateformes aussi incontournables que Facebook ou X-Box, elle est intégrée nativement sur Windows 8... Paypal est également présent sur iTunes aux Etats-Unis où il constitue la seule méthode de paiement non propre à Apple sur iOS. Bref, nous sommes tout sauf absents des nouvelles méthodes de paiement mobile !

Si demain les constructeurs de terminaux mobiles donnent la possibilité de payer nativement sur les devices, les consommateurs pourront utiliser cette méthode pour acheter sur les sites marchands. Est-ce un danger pour Paypal ?

Le paiement est un métier très complexe. En témoigne l'annonce d'Apple US mi-septembre qui propose d'acheter des places de cinéma avec Siri... et de les payer avec le service de billetterie en ligne Fandango, plutôt qu'avec sa propre méthode de paiement.

Plus largement, dès qu'il doit être possible d'accorder un remboursement, d'accepter un retour produit, de fournir un SAV à contacter, de surveiller les tentatives de fraude, mais aussi de respecter les exigences de la loi dans des dizaines de pays pour avoir le droit d'accepter de l'argent pour des tiers, le paiement devient un monde de complications. En dehors de son métier de vente de contenus numériques, Apple et les autres constructeurs vont donc avoir du mal à aller dans cette direction.

Paypal se réorganise et supprime 325 postes pour acquérir l'énergie et la réactivité d'une start-up, mais nombre de vos réponses s'appuient sur l'ampleur de l'activité et de l'adoption de Paypal. N'est-ce pas contradictoire ?

Etre gros mais aussi agile qu'une start-up sont deux atouts parfaitement complémentaires. C'est notre taille qui fait notre force. Mais ce sont toutes les expériences que nous proposons, qui résolvent des problèmes de fond pour les consommateurs comme pour les marchands, qui font notre valeur. Or c'est à ce sujet que nous parlons d'énergie de start-up, qui nous apporte la vélocité, la réactivité, la souplesse et l'innovation nécessaires pour trouver ces expériences.

David Marcus est le président de Paypal, filiale d'eBay spécialisée dans le paiement électronique. Franco-suisse diplômé en économie de l'Université de Genève en 1994, il fonde en 1996 GTN Telecom, qu'il revend en 2000 à World Access. Il fonde alors Echovox, société de monétisation mobile qu'il dirige pendant 10 ans. En 2008 il fonde Zong, fournisseur de services de paiements mobiles pour jeux et réseaux sociaux. Lorsqu'il cède Zong à eBay pour sa filiale Paypal en août 2011, il devient vice-président mobile de Paypal. Il est depuis avril 2012 le président de Paypal.