E-commerce : faut-il ouvrir une marketplace ? Faut-il ouvrir une marketplace ?

Dans l'e-commerce, si à 5 ans t'as pas ta marketplace, t'as planté ton business model. C'est en tous cas l'impression que donnent les e-marchands toujours plus nombreux à ouvrir une place de marché. S'il y a un moment que les grands pure players tels que Rueducommerce, Pixmania, Cdiscount, Le Redoute ou Mistergooddeal ont emboîté le pas à Amazon, eBay et Priceminister, succombent maintenant des pure players plus petits (Brandalley, Delamaison, Spartoo, bientôt Menlook...) et des click&mortar. Une fois que la Fnac a donné l'exemple, ont en effet suivi Darty, les Galeries Lafayette, Nature & Découvertes et bientôt Boulanger ainsi que, dans d'autres pays européens, Auchan et Carrefour. Certaines marques envisagent même de sauter le pas, pour proposer des produits complémentaires à leur offre. Que recherchent tous ces e-commerçants ? Que peut-on espérer en accueillant d'autres marchands sur son site ?

Accroître l'offre et retenir le client

L'intérêt numéro 1 consiste bien entendu à proposer une offre plus large aux visiteurs. "Même si la longue traîne n'apporte que 20% des ventes, il est nécessaire de la proposer, sinon le client s'en va la trouver ailleurs", affirme Philippe Corrot, dont la société Mirakl fournit aux marchands une plateforme de marketplace. Ceci d'autant que les consommateurs sont de plus en plus informés : s'ils veulent le téléviseur Samsung UE55ZF, ils ne veulent pas le UE55ZG. D'une façon ou d'une autre, il faut donc avoir les deux. S'appuyer sur des marchands tiers pour accroître son offre permet également de réduire le risque de rupture de stock, mais aussi d'améliorer son référencement naturel (si les articles ajoutés sont proches de l'univers d'origine) et par rebond son trafic. Les points de vente physique peuvent également en bénéficier, en témoigne la Fnac qui propose en magasins de commander parmi les 500 000 références de CD de son site : bien plus que les 25 000 références dont disposent en stock les plus grandes Fnac.

Certains tenants des marketplaces avancent en outre que la concurrence rendra plus compétitif le site qui en abrite une. Si l'e-commerçant qui opère la place de marché n'est pas capable de gagner de l'argent avec un prix aussi bas qu'un autre marchand, peut-être n'achète-t-il pas bien et devrait-il se recentrer sur d'autres catégories. Et comme il est impossible d'être bien positionné en prix sur toutes les références, au moins ne perdra-t-il pas le client et touchera-t-il une commission sur la vente.

Etendre son offre ne se décrète pas

Tel n'est pourtant pas l'avis d'Olivier Bernasson, fondateur et PDG de Pecheur.com, qui estime que l'offre revient moins cher à l'e-commerçant en étant chez lui plutôt que chez des tiers. "Dans le cas contraire, il faut aller lutter contre eux sur les Adwords, référencer soi-même tous ces produits supplémentaires que tout le monde proposera au même prix et en plus, pas forcément sur son univers de base. Je ne suis pas sûr que cela vaille le coup." Sceptique, l'entrepreneur admet que la marketplace peut se rendre très utile pour attaquer de nouveaux marchés en étalant notamment les charges marketing. Il s'interroge toutefois : "Si tout le monde ouvre une marketplace et que la même offre est proposée partout, comment se différencieront les sites ?"

Sur ce qui fait le propre d'un marchand, répond Philippe Corrot : la présentation de l'offre, le marketing, la chalandise, la fidélisation, les services... Le patron de Mirakl ne pousse pas non plus tous les e-commerçants à se prendre pour Amazon : il est important de s'assurer de la cohérence de l'élargissement de l'offre, par exemple à des catégories connexes où l'on reste légitime. De plus, étendre son offre ne se décrète pas. Pour que les marchands veuillent se brancher à une marketplace, encore faut-il qu'elle soit solide technologiquement, qu'elle leur fournisse les bons outils pour piloter leur activité. Sans oublier une équipe commerciale chargée de choisir les vendeurs, d'établir des relations avec eux puis de les fidéliser. "Enfin, 'il n'y a pas de la place pour tous' est un argument qu'on pourrait appliquer à tout l'e-commerce, ou à tout le commerce, souligne Philippe Corrot. Il est peu probable qu'il tienne davantage concernant les marketplaces..."