Frank Zorn (Groupon.fr) "Le nouveau Groupon est une marketplace pour commerces locaux"

L'évolution de l'activité de l'ancien spécialiste des coupons se reflète sur son nouveau site et au travers des nombreux outils mis à la disposition des marchands partenaires, explique son DG France.

JDN. Groupon.fr annonce la mise en ligne de son nouveau site. Quels principes ont guidé sa refonte ?

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Frank Zorn, DG France et Belgique de Groupon © S. de P. Groupon

Frank Zorn. Le site accompagne l'évolution de l'activité de Groupon, site de daily deals qui se transforme peu à peu en place de marché pour commerces locaux. Avant, le deal du jour était très mis en avant avec un focus important sur le niveau de discount. Suivaient un empilement d'autres offres. Aujourd'hui, on trouve une barre de navigation et un moteur de recherche. La colonne de gauche qui reprend les catégories et sous-catégories permet de parcourir les offres bien plus facilement qu'auparavant, où l'on ne pouvait que scroller pour les faire toutes défiler.

En outre, si les catégories sont restées les mêmes, elles sont bien plus fournies aujourd'hui. Nous avons pour cela développé des outils qui nous permettent d'avoir bien plus de marchands présents sur le site à chaque instant. Le site met en valeur l'amplitude de notre offre et se concentre bien moins sur le niveau de remise. Un discount est encore indiqué - comme d'ailleurs la durée de l'offre et le nombre d'acheteur - mais il est moins agressif. C'était important pour certaines marques ou certains business locaux tels que des restaurants étoilés, qui craignaient qu'un rabais important ne dégrade leur image.

Comment l'offre s'accroît-elle ?

Prenez les voyages, nous avons toujours des offres. Il est possible de rechercher par hôtels, avec des prix non remisés mais, pour avantage, un crédit à valoir sur Groupon. Comme cela, même s'il n'y a pas de deal, le visiteur trouve tout de même les offres qu'il aurait trouvées ailleurs. Ceci nous permet d'accroître la "stickiness" du site et la fidélité des clients. Et bien sûr, cela nous aide à développer la marketplace. On passe d'un modèle push - un deal par email tous les matins - à l'offre plutôt pull de la place de marché.

Cela convient bien à nos marchands, qui généralement n'utilisent pas Groupon que pour des opérations one-shot. Nous avons par exemple 90 restaurants étoilés. Tous travaillent avec nous à plusieurs reprises. D'une part pour faire découvrir leur offre, qui se trouve en très bonne adéquation avec l'engouement du public pour les émissions TV culinaires, mais d'autre part aussi sur la durée, pour remplir leur restaurant à des périodes où la fréquentation est moins forte.

Vous offrez aussi la possibilité d'effectuer des réservations...

En effet, nous avons aussi mis en place des outils pour optimiser le taux de remplissage de nos partenaires. Avant, vous réserviez auprès du partenaire seulement après avoir acheté votre coupon. Maintenant, vous pouvez voir les créneaux disponibles et choisir celui qui vous arrange avant de payer. Nous pouvons faire du yield management pour les business locaux. C'est mieux pour eux car ils gagnent du temps, et c'est bien plus pratique pour les clients.

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Géolocalisation des offres sur Groupon © S. de P. Groupon

L'application mobile prend-elle la même direction ?

Nous avons mis à jour notre application début août pour accompagner l'évolution du site. Sur tous les canaux, nous avons multiplié les portes d'entrée : recherche, catégories et localisation, puisque vous pouvez maintenant géolocaliser les offres autour de vous. Résultat, notre offre est particulièrement simple à consommer. L'intersection entre le local et le mobile fonctionne donc vraiment bien. D'ailleurs, 92 millions de gens dans le monde ont téléchargé notre application. Aux Etats-Unis, plus de 50% des achats réalisés sur Groupon sont effectués sur mobile. En France, on est très proche de ce niveau.

Le nouveau site a été déployé fin 2013 aux Etats-Unis, quelques mois seulement avant l'Europe. Quels sont les autres grands axes de développement de Groupon outre-Atlantique ?

L'un d'eux est Gnome [prononcer Ji-nome, ndlr], le système de paiement pour points de vente que nous avons lancé en mai. C'est une application pour tablette permettant aux commerçants d'accepter les paiements, à la façon d'un Square. Lorsque le client arrive en boutique, son coupon Groupon est automatiquement utilisé. Gnome permet aussi d'accepter les clients non Groupon, de gérer un programme de fidélisation, de tirer profit de beacons installés en magasin... Pour nous, l'intérêt est de connecter plus de marchands encore à notre marketplace et d'établir une connexion permanente avec eux.

Continuez-vous à développer votre nouvelle activité d'e-commerce de biens ?

C'est une activité qui croît très bien, même si nous avons encore beaucoup à faire, à commencer par améliorer notre solution de panier. Mais ce n'est pas sur l'e-commerce traditionnel que nous allons nous différencier par rapport aux autres e-marchands. Ce n'est pas là que nous avons le plus de choses nouvelles à apporter. Nous préférons donc mettre l'accent sur le local.

Passer des daily deals à une marketplace d'offres moins discountées implique aussi de transformer une clientèle chasseuse de promotions à des consommateurs plus classiques. Comment vous y prenez-vous ?

Les chasseurs de deals sont un peu un mythe. Si nous avons les mêmes marchands partenaires depuis 4 ans, c'est bien parce qu'ils arrivent à fidéliser les clients que nous leur envoyons. Donc que ces clients ne sont pas des chasseurs de deals.

De plus, nous sommes beaucoup plus flexibles aujourd'hui vis-à-vis des marchands et pouvons proposer aux internautes des remises bien moins importantes. Voire aucune remise : le simple fait de faire découvrir peut suffire, ou de faire revenir des gens qui ne venaient plus. La preuve : quand nous avons mis en vente une offre à 340 euros sans remise chez Guy Savoy, 170 coupons ont été vendus en une seule journée.

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Analytics fournis au marchand partenaire par le Merchant Center de Groupon © S. de P. Groupon

Le facteur prix est-il moins important aujourd'hui ?

Oui. On a réduit les remises, on travaille plus finement avec les partenaires sur leur niveau, sur le nombre de clients qu'ils peuvent absorber, sur le yield management... Cela a un impact sur leur rentabilité et, par rebond, sur la nôtre. Et nous conservons des deals pour les consommateurs les plus attentifs aux prix.

N'oubliez pas enfin que la fidélisation n'est que l'un des leviers de rentabilité. Il en existe d'autres, comme le travail sur la construction de l'offre. Qui englobe la remise, notre commission - sur laquelle nous sommes aussi plus fins, par exemple en l'abaissant pour un petit restaurant qui supporterait beaucoup de coûts variables – mais aussi ce que le marchand pourra vendre lui-même en up-sell, par exemple les boissons non comprises dans le repas. Autre levier de rentabilité : la notoriété de la marque. Prenez le restaurant montpelliérain Chez Doumé. 77% des clients Groupon n'y étaient jamais allés et 88% déclarent vouloir revenir. C'est aussi dans cette optique que nous avons ajouté un système d'avis clients, qui sont notifiés dès qu'ils ont utilisé l'offre. Cette fonctionnalité fait partie du Merchant Center mis en place en 2013, qui fournit aux marchands une série d'analytics leur permettant de mieux piloter leur activité.

 

Pouvez-vous nous donner un exemple de calcul de votre commission en fonction de l'activité du restaurant ?

Notre outil Coffee calcule la commission de Groupon pour que le marchand soit au minimum à l'équilibre sur l'opération. Tout ce qui est ventes additionnelles, fidélisation, taux de retour est en plus, pour lui.

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Simulation de calcul de la commission de Groupon et de la profitabilité du marchand © S. de P. Groupon

Groupon a annoncé des pertes nettes de 22,9 millions de dollars au 2ème trimestre 2014, trois fois plus importantes qu'un an avant. Comment s'expliquent-elles ?

Nous avons accru nos investissements marketing, indispensables pour accompagner l'évolution de notre business model. Nous devons aider les clients habitués aux emails push à changer d'habitude, en créant chez eux le réflexe de venir chercher une offre sur Groupon. C'est d'ailleurs pour alimenter ce réflexe que nous lançons le 8 septembre l'opération Local Star, pour laquelle des blogueurs créeront des contenus texte, photo et vidéo sur leur expérience d'offres Groupon dans plusieurs villes d'Europe. Nous les enverrons chez nos partenaires au plus hauts taux de satisfaction ou chez ceux avec qui nous souhaitons travailler.

De plus, nous avons créé de nombreux outils tels que Gnome, Coffee, Merchant Center et d'autres encore, qui nous aident à développer notre activité de façon beaucoup plus sereine qu'à nos débuts et qui nous permettent de mettre en place la gigantesque marketplace qui est la nôtre : nous travaillons avec pas moins de 650 000 marchands partenaires ! Tout cela prend du temps et ce n'est pas encore fini.

Frank Zorn a suivi des études commerciales à l'université de Viadrina à Francfort-sur-l'Oder. Il entame sa carrière chez eBay Allemagne en tant que responsable du marketing online et des partenariats stratégiques, puis prend la tête de l'équipe contrôle de gestion et planning stratégique. Il effectue ensuite un MBA à l'Insead en 2008. En 2009, il rejoint Rocket Internet, l'incubateur des frères Samwer, à Berlin. Il travaille sur plusieurs business plans pour préparer les lancements de nouvelles start-up dont celui de Citydeal Europe, en décembre 2009. Il prend la tête de Citydeal France qu'il lance en février 2010. Citydeal Europe fusionne avec Groupon en mai 2010. Frank Zorn est aujourd'hui directeur général de Groupon pour la France et la Belgique.