Comment le marché de l'affiliation a renoué avec la croissance

Comment le marché de l'affiliation a renoué avec la croissance Le secteur sort la tête de l'eau après plusieurs années difficiles. Grâce notamment à une véritable autocritique et un repositionnement sur le marketing d'influence.

Les patrons des principales plateformes d'affiliation présentes en France ont accueilli avec soulagement les chiffres communiqués cet été par l'Observatoire de l'e-publicité. Avec une croissance de 8% des investissements au 1er semestre 2016, l'observatoire de référence notait "un retour en puissance de l'affiliation". Un euphémisme alors que le secteur est sorti d'une des plus profondes crises de son existence, avec des investissements en chute libre entre 2013 et 2014, passant de 219 millions d'euros à 208 millions d'euros.

Cette dégringolade s'expliquait d'abord par un report d'une partie des dispositifs de performance vers le programmatique, plus riche en data et donc plus ROIste. Ce dernier pèse aujourd'hui près de 50% du display. En outre, le recours accru à la déduplication multicanal au dernier clic, qui favorise souvent le retargeting et le search, a aussi porté un coup dur au secteur. Enfin, le basculement des usages vers le mobile, peu favorable aux acteurs de l'affiliation du fait des problèmes de tracking et de reconnaissance des ventes qu'il entraine, a failli l'achever.

Le secteur semble pourtant avoir laissé ces mauvais jours derrière lui. Le patron de Zanox France, Guillaume Gélis, s'attend cette année à une croissance "de 5 à 10%. Même enthousiasme du côté de son concurrent Effinity dont le patron, François Deltour, vise les +14%.

Le ménage côté emailing et couponing

Pour retrouver le chemin de la croissance, les acteurs du secteur ont fait leur autocritique. "Le collectif de la performance et de l'acquisition, CPA, a su procéder à une vraie régulation des pratiques via des chartes de bonne conduite. D'abord dans l'emailing où les bases jusque-là essorées au possible ont été assainies, ensuite dans le couponing où il s'est agi d'apporter de l'incrémentalité aux ventes", juge Guillaume Gélis.

De plus en plus d'acteurs pondèrent désormais la contribution d'un bon de réduction selon qu'il a été activé avant ou après une mise au panier, par exemple. "On met en place des mécaniques plus fines, avec un coupon dynamique qui évolue selon la taille du panier ou qui n'est attribué qu'aux nouveaux utilisateurs", ajoute François Deltour.

Le ménage touche jusqu'aux acteurs eux-mêmes, devenus moins nombreux. "Il était facile, il y deux ou trois ans, de monter une plateforme et les nouveaux entrants se sont multipliés. Tous n'ont pas été très honnêtes et certains ont dégradé l'image du secteur avec leurs pratiques douteuses en matière d'apport de clics", affirme Guillaume Gélis. La morosité du secteur en a échaudé certains qui sont partis monnayer leurs "talents" ailleurs et la maturité des annonceurs, forcément moins dupes, a fait le reste, évinçant les mauvais élèves.

Entre annonceurs et plateformes, le courant passe mieux. "Les plateformes ont compris l'importance de renouer le dialogue avec les marques", estime Guillaume Gélis. Un dialogue qui concerne aussi leur réseau d'affiliés. "C'est le cœur de métier d'une plateforme d'affiliation : la connaissance et l'optimisation de son réseau", rappelle Emmanuel Arendarczyk, directeur général de Netbooster en France et au Royaume-Uni.

Les plateformes ne se contentent plus d'activer les ficelles qui ont fait leur succès  (coupons, emails…) lorsqu'il s'agit de décider un utilisateur déjà bien engagé dans son parcours d'achat. Elles remontent aujourd'hui le tunnel de conversion et vont sur le terrain de l'influence, là où il s'agit d'améliorer le taux de notoriété d'une marque et son attractivité. "Les plateformes qui marchent sont celles qui peuvent proposer des dispositifs sur-mesure qui se rapprochent de l'OPS", confirme le patron d'Ecselis France, Bertrand Fraboulet.

Le levier de croissance Instagram

C'est le sens du repositionnement opéré il y a un an par Effinity, qui se retrouve désormais à la croisée du métier de plateforme de mise en relation et de celui d'agence Web. "Nous avons cherché à renouer avec tous ces influenceurs du marché : blogueurs mais également youtubers, instagramers et autres détenteurs de communautés en ligne", nous explique François Deltour.

Son cœur de métier : créer une affinité entre la marque et son réseau d'influenceurs dans le cadre de campagnes qui veulent inspirer l'internaute. Même si l'acquisition pure et dure n'est pas négligée. "Instagram est désormais un tel relais de croissance que nous avons lancé une offre dédiée, baptisée Effipics, qui permet à un annonceur de créer des 'miroirs' à ses photos Instagram. Des pages au sein desquelles l'utilisateur peut acheter les produits présents sur les photos qui ont attiré son attention." Effinity permet même à la marque de retargeter les internautes qui ont atterri sur ces pages. Sarenza est un des premiers annonceurs à profiter du dispositif. 

Chaque image dispose d'un lien cliquable vers le produit mis en scène. © Capture d'écran

Si les principaux acteurs du secteur, Zanox, Effinity, Netaffiliation et autres Tradedoubler ont le vent en poupe, ce sont peut-être les e-commerçants eux-mêmes qui ont le plus contribué à la résurrection du secteur… en décidant d'internaliser la gestion de leur réseau d'affiliés. "Une grosse partie des investissements provient de ces gros e-commerçants qui intègrent leur réseau d'affiliés au sein d'une véritable stratégie marketing et évitent de passer par une dizaine de plateformes qui captent chacune 25% de commission", avoue Emmanuel Arendarczyk. Une internalisation qui permet aux e-commerçants d'alimenter leurs campagnes d'affiliation en data CRM et de faire remonter les informations obtenues via ces campagnes vers leur DMP.

L'écueil de la data

Car en matière de data, les plateformes d'affiliation semblent avoir du mal à combler le retard. "C'est d'autant plus dommage que leurs audiences sont conséquentes, regrette Bertrand Fraboulet. Mais c'est dingue de se dire qu'on a parfois généré 10 000 clics en affiliation et qu'on a quasiment aucune information dessus." A l'heure de la gestion du multicanal et de l'importance de maîtriser la pression publicitaire, un tel cloisonnement peut rebuter plus d'une agence ou annonceur.

Toutes les plateformes d'affiliation ne sont toutefois pas logées à la même l'enseigne. Du côté de Zanox France, on se targue de proposer une technologie de cross-device tracking depuis près de 6 mois. Une solution qui se nourrit de la data des autres filiales du groupe Axel Springer… mais qui reste circonscrite au Web mobile. "C'est compliqué de développer et intégrer un SDK au sein des applications de nos partenaires", avoue Guillaume Gélis. Les résultats semblent pourtant au rendez-vous. Zanox, qui réalise 17% de son chiffre d'affaires sur mobile, revendique 10 à 15% de ventes en plus depuis l'arrivée de sa technologie de tracking cross-device.