L'Email a 40 ans : itinéraire d'un canal surdoué pour la relation client

L'Email a 40 ans : itinéraire d'un canal surdoué pour la relation client Les cofondateurs de 1000mercis, Yseulys Costes et Thibaut Munier reviennent sur le succès de l'email marketing et surtout son avenir aux côtés des réseaux sociaux.

Ray Tomlinson ne pouvait pas imaginer l'impact de son invention en ce jour d'automne 1971 quand il réussit à envoyer le premier email de l'histoire. Comment aurait il pu concevoir qu'il venait de révolutionner la façon dont nous allions communiquer ?

40 ans plus tard l'email est devenu une technologie à la fois omniprésente et banalisée, utilisée quotidiennement par plusieurs milliards de personnes pour converser, travailler, se rencontrer, communiquer avec d'autres personnes ou avec des organisations et en particulier avec des marques. Le développement de l'email a nourri celui du Web, cette "conversation planétaire" comme l'appelle Cécile Moulard dans Mail Connexion [1].

L'extraordinaire succès de l'email tient évidemment à sa simplicité, son coût, sa précision, son caractère asynchrone et néanmoins extrêmement rapide. D'un point de vue Marketing sa traçabilité au niveau de l'envoi et des réactions, son exceptionnelle capacité de personnalisation et la facilité de rapprochement avec les bases de données transactionnelles en font un canal surdoué pour le Marketing Relationnel. Les internautes ne s'y trompent pas et citent spontanément l'email comme le canal le plus efficace pour les inciter à visiter un site Web [2]. Ce succès fulgurant ne doit pas toutefois faire oublier les deux grands défis de l'email comme canal relationnel pour ces prochaines années.

Moins de messages mais plus pertinents : capter les signaux faibles grâce aux réseaux sociaux

Le premier défi que devra relever l'email comme canal clé de la relation client est celui du nombre de messages. La critique la plus fréquente à l'égard de l'email c'est en effet le trop grand nombre de messages reçus et le temps passé à les traiter. L'email est victime de son succès : trop simple et trop peu coûteux pour empêcher le spam, trop efficace pour dissuader les marques d'envoyer toujours plus d'emails légitimes, trop facile d'utilisation pour ne pas encourager les collaborateurs d'une organisation à mettre en copie leurs collègues.

Si le spam semble mieux jugulé aujourd'hui, c'est surtout aux marques à présent de montrer l'exemple dans leurs envois de messages légitimes. Leurs envois sont en effet devenus trop fréquents. Les annonceurs en abusent car ils ont l'impression que le coût d'envoi est négligeable face à aux revenus qui en découlent. Le coût réel de l'email n'est pas tant son routage ni sa création mais bien le risque de lassitude ou de désinscription qu'il provoque chez le destinataire.

C'est un coût non monétaire (à court terme en tout cas) qui finit par peser sur la performance d'une politique relationnelle sur un portefeuille de clients. Plutôt que de jouer sur le levier fréquence, beaucoup d'annonceurs font aujourd'hui le choix de la pertinence dans leurs messages par des stratégies de plus en plus sophistiquées de personnalisation ou de trigger marketing utilisant mieux les données de navigation et les algorithmes de recommandation. Et on est en droit d'être optimiste quand on voit qu'avec le retargeting par email l'emailing de conquête n'a par exemple jamais été aussi performant, l'efficacité étant multipliée par 10 sur certains segments pour des volumes d'envoi beaucoup plus raisonnables.

Dans 5 ans, l'enjeu sera de savoir capter les " signaux faibles " émis par les consommateurs en particulier sur les réseaux sociaux pour optimiser la qualité des messages envoyés et leur adéquation avec les besoins des consommateurs.

 

Réseaux sociaux et email : deux canaux interdépendants

Le deuxième défi de l'email comme canal relationnel c'est celui de son positionnement vis-à-vis des réseaux sociaux. Beaucoup d'analystes ont cru voir avec le développement rapide des réseaux sociaux la fin de l'email. Avec quelques mois de recul il apparait que les réseaux sociaux grand public et en premier lieu Facebook viennent surtout capter le flux des conversations interpersonnelles amicales. C'est ainsi la messagerie instantanée qui a le plus été touchée par l'émergence de facebook.

De même, dans le domaine professionnel les réseaux sociaux d'entreprise semblent prometteurs pour aider les collaborateurs d'une organisation à mieux travailler ensemble en regroupant tous les échanges autour de chaque projet. Le recours systématique à l'email et à la fonction " copie " provoquent en effet souvent un accroissement des volumes d'emails envoyés, une dilution des responsabilités et une perte d'efficacité organisationnelle. On constate ainsi que les réseaux sociaux polarisent des usages liés aux communications interpersonnelles fréquentes tout en vivant en interdépendance avec l'email (pour les notifications, pour les échanges avec l'extérieur). Il n'y a donc pas d'effet de substitution clair et massif entre l'email et les réseaux sociaux aujourd'hui.

Tout au plus peut on parler d'une redistribution des cartes par le consommateur de ses communications interpersonnelles. Facebook et Google ne s'y sont d'ailleurs pas trompés en créant une messagerie @facebook pour l'un et en liant les usages gmail et Google+ pour l'autre.

La performance relationnelle des marques résidera dans leur capacité à s'adapter aux usages des consommateurs, et une chose est sûre, ces usages seront différents dans 5 ans !

Les communications entre les marques et les consommateurs se cherchent quant à elles encore beaucoup sur les réseaux sociaux. L'essentiel est clairement à inventer. Et comme toujours, ce sont les usages qui trancheront ! Aux marques de savoir écouter les consommateurs en inventant avec eux de nouveaux modes de communication efficaces c'est-à-dire qui permettent d'assurer une interaction simple à l'initiative soit de la marque, soit du consommateur, une protection pour le consommateur de la confidentialité de ses données et une capacité de contrôle du volume de messages qu'il reçoit, une capacité enfin pour la marque de personnalisation et de mesure d'efficacité.

Ce qui comptera demain dans la performance relationnelle des marques c'est leur capacité à s'adapter face aux usages des consommateurs qui vont continuer à évoluer très vite notamment dans le domaine des canaux relationnels utilisés et leur capacité à intégrer ces différents canaux pour assurer une cohérence de discours qui leur fait parfois défaut.

Dans 5 ans, quelle que soit la technologie utilisée pour envoyer des messages, ils seront lus sur des mobiles, des tablettes, des télévisons connectées, des ordinateurs ou d'autres devices qui seront apparus entre temps. L'email comme les réseaux sociaux et les autres canaux relationnels devront s'adapter à cette diversité d'usages.

Merci à l'email, aux réseaux sociaux, aux smartphones, et par avance à toutes les innovations et à tous les nouveaux usages à venir : l'aventure du marketing relationnel ne fait que commencer !

[1] Cécile Moulard, Mail Connexion, Au Diable Vauvert, 2005.

[2] Etude Ifop, Mai 2011.