La "délivrabilité" des emails : jargon marketing ou notion incontournable ?

Le mot "délivrabilité" est absent des dictionnaires et aucun organisme officiel ne l'a encore défini. C'est la porte ouverte aux abus, car dès qu'il est question d'emailing, ce terme est omniprésent. Avec des promesses vides de sens, du type : "99% de délivrabilité garantie".

Derrière ces formules clinquantes et faites pour vendre, il n'y a pourtant rien de tangible. On le constate dès que l'on creuse un petit peu. Voyons cela en détail.

Selon Return Path, presque
25% des emails légitimes n'arrivent pas à destination !
Ce chiffre impressionnant signifie que l'on rate tous des emails très importants : confirmation de commande, ou newsletter à laquelle on s'est abonné, par exemple. Il m'est ainsi déjà arrivé de rater un événement, à cause d'une invitation passée en spam... Ce genre d'événement est aussi gênant pour le destinataire que pour l'envoyeur.
Le problème est dû au fait que la proportion de spam a explosé au cours des vingt dernières années : elle est passée de 5% à 95%. En 2012, sur 10 emails envoyés, plus de 9 sont du pourriel ! Pour se protéger, les FAIs ont dû réagir et mettre en place des règles de filtrage drastiques. D'où cette multiplication d'emails non-reçus, y compris pour des messages légitimes. C'est dans ce contexte qu'est né le terme "délivrabilité".
Un mot orphelin et sans définition
Le terme "délivrabilité" a d'abord été employé en anglais. Mais si "deliverability" retourne 1,5 millions de résultats dans Google, il est par contre impossible de trouver une définition officielle. Cette notion étant devenue un critère clé, lors du choix d'une solution emailing, c'est un souci énorme : tout le monde en parle mais personne ne semble savoir de quoi il retourne.  
Pour éviter cela, les notions clés de l'emailing avaient pourtant été définies par le projet S.A.M.E. On doit cette initiative à l'Email Experience Council (EEC), une organisation liée à l'influente Direct Marketing Association (DMA). Le but était était d'éviter que les fournisseurs de services emailing choisissent des modes de calcul disparates pour les taux de clic, d'ouverture, etc. En juin 2010, l'EEC avait ainsi remis un document établissant les définitions à adopter. Mais... le terme "délivrabilité" a malheureusement été laissé de côté. Devant ce vide, le mot est galvaudé.
Ce que la "délivrabilité" n'est pas
Quasiment à chaque fois que quelqu'un parle d'un "taux de délivrabilité", il parle du taux d'emails "délivrés", ce qui correspond en réalité à la proportion d'emails "acceptés". Un email est en effet considéré comme "délivré", s'il ne produit pas d'erreur (bounce). "99% de délivrabilité" signifie donc juste que "99% des emails ont été acceptés par le serveur du destinataire". Cela ne permet ni de savoir si le message est placé en boîte de réception, ni même si le message a été signalé en spam.
Parfois, l'expression "taux de délivrabilité" se rapporte aussi au "Inbox Placement Rate" (IPR) : cet indicateur est mesuré avec des listes témoins. L'IPR n'est donc pas un absolu, mais une évaluation de la probabilité que vos emails ont d'arriver jusqu'à la boîte de réception. L'IPR est un indicateur puissant, mais il est complexe à obtenir et coûte donc cher.
Ce qu'est la "délivrabilité", proposition d'une définition
On comprend la délivrabilité lorsque l'on se rend compte que ce n'est pas un indicateur, mais objectif qualitatif. Si je devais proposer une définition, je la formulerais ainsi : "Délivrabilité : capacité d'un email à atteindre les boîtes de réception de ses destinataires."

En résumé...
La délivrabilité peut être évaluée (notamment) avec les outils susmentionnés : nombre d'emails "délivrés" ou "IPR". Mais elle n'est pas équivalente à un outil de mesure. Pour être clair, j'aime prendre cette image : si vous voulez améliorer la "sécurité routière", vous mesurerez le nombre d'accidents de voitures. Mais il paraît évident que le nombre d'accidents n'est pas assimilable à la notion globale de "sécurité routière". Il en va de même pour "l'IPR", les "'emails délivrés" et la "délivrabilité".
En marketing comme ailleurs, un objectif n'est jamais l'équivalent des outils que l'on utilise pour voir s'il est atteint. En d'autres termes : (c'est mon côté philosophe qui ressort) : "une qualité n'est pas une quantité".