Les MVNO sont-ils forcément liés à une logique de tarif low cost ?

Les MVNO sont aujourd’hui plus de 800 dans le monde, avec des positionnements variés (low cost, ethnique, corporate, M2M…) et différents modèles économiques (licence de marque, service provider, full MVNO).

Le lancement par Virgin de son MVNO en 1999 fut le premier pari réussi en la matière.

Deux grandes catégories de MVNO peuvent être distinguées, à savoir ceux ciblant la totalité d’un marché, et ceux ciblant une niche. En France, La Poste Mobile est l’exemple phare d’un MVNO ayant utilisé la puissance de son réseau de distribution pour gagner très rapidement une part de marché significative. Les MVNOs issus du monde du « retail » ou de la banque suivent cette même logique. Virgin Mobile a quant à lui utilisé la notoriété de sa marque pour adresser une large clientèle centrée sur les segments jeune et entrée de gamme.
Dans tous les cas, les MVNO gagnent des parts de marché grâce à des prix plus compétitifs que ceux des opérateurs historiques permis par des prix de gros avantageux. En Europe, ce phénomène est susceptible de s’amplifier encore compte tenu des nouvelles règles d’itinérance qui vont permettre aux opérateurs étrangers d’accéder aux clients du Vieux Continent. Ces opérateurs utiliseront leur base de coût moins importante pour proposer de nouvelles offres toujours moins onéreuses.
C’est dans la logique de niche que l’on peut trouver le « haut de gamme » des MVNO. Dans un monde certes en récession, nombreuses pourtant sont les marques dites « luxueuses » qui affichent des profits records. Après les terminaux de luxe (Vertu, etc.), ce modèle pourrait-il être appliqué à un MVNO ?

Portrait-robot d’un MVNO Premium
Commençons par imaginer les principales caractéristiques d’un tel acteur. Une gamme de services élargie pourrait compléter une offre de terminaux haut de gamme fréquemment renouvelables et personnalisables par des enseignes prestigieuses. Parmi ces services, difficile de ne pas citer le SAV 24/7 avec déplacement systématique sur site, la conciergerie, les services à la personne, une gamme d’assurances ou encore le coaching digital. La tarification serait alors conforme au positionnement : élevée et sous forme d’abonnement mensuel.
Un certain nombre de garde-fous devraient être mis en place par le MVNO afin de générer une marge suffisante.
En effet, dans une logique haut de gamme, un service client devra être irréprochable dans ses prestations, et donc imaginer comment éviter de devoir prendre à sa charge le renouvellement trop fréquent de terminaux perdus ou volés. Les populations ciblées pourraient être les grandes fortunes ou encore les touristes à fort pouvoir d’achat cherchant une offre temporaire adaptée pendant leur séjour. De même, les professions libérales et petites entreprises à prestations intellectuelles pourront être visées via des offres corporate (VPN, applications métiers sécurisées, etc.).
En termes de distribution des partenariats avec des maisons haut de gamme pourraient être conclus afin de matérialiser la présence physique de la marque.
Des corners événementiels seront également privilégiés dans le cadre de manifestations VIP (Grands Prix, festivals, club « pro », etc.), de même que la communication ciblée (presse économique, annuaires de grandes écoles…). En termes d’offres, 2 pistes pourraient être étudiées.
La première serait celle du « tout inclus » pour les gros consommateurs connectés en permanence, qui comprendrait notamment les communications à l’international.
La seconde concernerait une clientèle peu sensible au prix et non nécessairement ultra-connectée, mais souhaitant un accompagnement de tous les instants, avec une facturation à l’usage par exemple. En termes de fidélisation et d’image, la notion de club fermé pourrait permettre aux clients de bénéficier d’événements privés en partenariat avec d’autre marques (luxe, business, etc.), tout en leur permettant d’agrandir leur réseau de relations.

Conditions de succès
Des pays ou zones offrant un cadre législatif stable et favorable à l’arrivée de nouveaux entrants devront être privilégiés. Un MVNO Premium devra choisir avec précaution son opérateur hôte en fonction de la qualité de son réseau, et prévoir des SLA fortement contraignants que les clients finaux exigeront en retour. Un segment de marché à forte pénétration mobile et fort ARPU, mais où l’opérateur hôte peine à croître constitue une cible possible afin d’éviter une concurrence frontale avec ses propres offres.
Sécuriser l’engagement et la qualité du service fourni par l’opérateur hôte est incontournable: une prise de participation ou la création d’une joint-venture associant le MNO à l’opération est à considérer, surtout dans une logique de stratégie de marque différenciée par le haut. Ceci a déjà été réalisé par le passé, notamment lors de différentes implantations internationales de Virgin Mobile, ou lors de la création de La Poste Mobile (joint-venture avec SFR). Par la suite, un développement international du MVNO Premium pourrait être envisagé, en répliquant le modèle d’origine tout en s’adaptant aux besoins d’accompagnement spécifique de chaque population locale ciblée.
Si un tel pari est ambitieux, un tel acteur pourrait contribuer à élargir l’offre de télécommunications proposée tout en prenant le contrepied du low cost, un pari déjà réussi par des acteurs d’autres secteurs industriels.

Jean-Michel Huet, Directeur Associé BearingPoint, Antoine Schmidt, BearingPoint, Olivier Darondel, BearingPoint