Inévitables consolidations en vue dans le secteur des agences digitales ?

Le marché du numérique est l’un des rares à ne pas sombrer dans la décroissance. Pourtant, sa progression trop faible en France ne suffira pas à absorber la totalité de l’offre portée par une multitude grandissante d’agences. Une consolidation du secteur, probablement aussi forte que celle du début des années 2000, est inévitable.

Le marché des agences digitales françaises est à l'étroit. Beaucoup d'acteurs pour une croissance modeste du secteur, des tensions en trésorerie, un avenir prometteur à moyen terme mais imprévisible à court terme : toutes les conditions sont réunies pour qu'une consolidation s'opère.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, cette consolidation n’est pas une fatalité, mais une opportunité. Celle de créer de nouveaux champions, plus grands, plus solides financièrement, capables de se développer à l’international. Pourtant, peu d’acteurs de ce type émergeront, pas plus qu’ils n’ont émergé au début des années 2000.  Pourquoi ? L’incapacité française à créer des ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire), contrairement à l’Allemagne, trouve probablement sa meilleure illustration dans le secteur des agences digitales. L’ego surdimensionné des leaders français, persuadés que leur entreprise est la meilleure, qu’elle n’a besoin de personne pour se développer, confine parfois à l’aveuglement. L’impossibilité de faire cohabiter des personnalités dans un dispositif plus large et plus puissant, pour aborder des marchés plus larges, gèle les initiatives. Tout comme les survalorisations affichées. Ces freins conduiront paradoxalement des acteurs à fort potentiel vers la liquidation. Car au final, seul l’équilibre entre l’offre et la demande dicte sa loi.

Une situation d’autant plus affligeante que, pour bien servir les annonceurs, il devient impératif de faire converger les sujets : social media, brand content, content management… Impératif de faire converger les compétences également : la maîtrise de la data, par exemple, exige un haut niveau de technicité qui doit servir la stratégie, la créativité, le contenu. Cela nécessite des structures à taille critique que la consolidation du marché pourrait amener. Mais non.
Pire, même les grandes agences sont atteintes du syndrome : la multiplicité des petites agences en réseau, sous couvert d’agilité, de créativité, d’indépendance, cache souvent des guerres d’ego où chaque seigneur veut régner en maître sur ses terres. Dès qu’une initiative de regroupement s’amorce, elle finit dans bien des cas par des portes claquées et des leaders qui embarquent avec eux une partie du portefeuille client pour recréer une nouvelle agence. La boucle est bouclée.
Les annonceurs, pour certains, ont fini par s’accommoder de la situation.
Pas de partenariat à long terme avec des agences de toute manière instables, mais des successions d’appels d’offres sur des micro-périmètres. Que le meilleur (ou le moins cher) gagne. Peu importe les succès, les échecs et l’implication passés, tout le monde a droit à son ticket pour le tour suivant. Il n’est pas rare de voir une quinzaine d’agences sur la ligne de départ, pour un budget faible, sans que cela ne choque personne. Cette approche n’est finalement pas si contradictoire avec la vision parfois court-termiste des annonceurs qui eux même n’ont ni la visibilité ni les budgets pour construire une démarche ambitieuse, globale et cohérente, sur la durée.

Bientôt 20 ans dans ce circuit, dont 10 ans avec Brainsonic. Et je veux toujours croire à autre chose, chaque matin, avec la même énergie. Je veux croire au développement d’agences réellement intégrées (pas juxtaposées). Je veux croire que des développeurs, des créatifs, des motion designers, des consultants en stratégie, des spécialistes de l’édito ou de la vidéo peuvent réellement travailler ensemble, avec humilité. Pas à côté, mais ensemble. Je veux croire qu’il est possible d’avancer dans la durée avec des annonceurs, sur la base de partenariats, pour construire et mettre en œuvre ensemble des stratégies ambitieuses, ROIstes et pérennes, qui montrent que la France n’a rien à envier à d’autres pays sur ces sujets, bien au contraire.

Et ce qui me conforte, c’est que je ne suis pas le seul à y croire. Nous sommes nombreux, en agence, mais aussi chez les annonceurs, à travailler chaque jour à la réussite de ce modèle. Deux annonceurs me viennent à l’esprit : Microsoft et NetApp.
Deux annonceurs, qui chacun dans leur catégorie, se sont une nouvelle fois classés numéro 1 du « Great Place to Work ». Un classement qui ne s’obtient pas avec des visions court-termiste sur le parcours des collaborateurs dans l’entreprise.
Deux annonceurs qui ont aussi compris que la performance de l’entreprise passe par des partenariats avec leurs fournisseurs. Deux annonceurs qui chaque jour, en conjuguant exigence, écoute et partage de vision dans la durée, motivent leurs fournisseurs pour qu’ils donnent le meilleur d’eux même. « The Great Advertiser to Work With » en quelque sorte.