Choisir un nom de société : les règles à connaître

Lors de la création d'une société, il est indispensable de choisir une dénomination sociale, qui sera l'"appellation" de l'entité juridique à créer, au sens de l'article 1835 du Code civil. La dénomination sociale est aux personnes morales ce qu'est le patronyme pour les personnes physiques.

Même si, généralement, la société se fera plutôt connaître sous son enseigne ou son nom commercial, voire sous les marques qu'elle sera conduite à déposer, le choix de la dénomination social n'en demeure pas moins essentiel.
Or ce choix est gouverné par certaines règles que le Comité de coordination du Registre du commerce et des sociétés vient de rappeler dans un avis n° 2013-21 du 23 mai 2013.
Ce comité a en effet été interrogé par une Chambre de commerce et d'industrie sur le point de savoir si le greffier du Tribunal de commerce, chargé d'étudier les demandes d'immatriculation des sociétés, pouvait éventuellement refuser une immatriculation en cas de "non-conformité" de sa dénomination sociale. La réponse est positive. En effet, la dénomination sociale doit être conforme à certaines règles, dont certaines peuvent surprendre.
Par exemple, la dénomination sociale doit être exclusivement constituée de caractères alphanumériques, ce qui exclut toute présentation figurative particulière. A rebours d'une marque, par exemple, il n'est pas possible de choisir une dénomination qui serait présentée sous une forme semi-figurative ou un logo.
Plus étonnante est la condition selon laquelle le greffier peut refuser d'immatriculer une société dont la dénomination sociale serait composée de signes tels que dièse (#), des symboles monétaires (€, $,  £), des barres (/expert/, ) ou un astérisque (*). Heureusement, le célèbre arobase (@) est quant à lui autorisé. Il est assimilé à la lettre "a".
De même, le greffier peut considérer que la dénomination sociale n'est pas déterminée avec suffisamment de certitude. L'avis du Comité donne l'exemple d'une société qui avait choisi la dénomination X3. Cette dénomination a été refusée car le greffier a considéré que ce signe était susceptible d'interprétations différentes, le X pouvait être lu "x" (comme la lettre) ou "dix" (le nombre) et le chiffre 3 comme un chiffre, un multiplicateur ou un exposant.
Par ailleurs, le Comité rappelle que la dénomination sociale doit être conforme aux bonnes mœurs et doit respecter l'ordre public. Ainsi, les règles qui gouvernent le choix de la dénomination sociale se rapprochent de celles relatives au droit des marques. L'article L. 711-3 du Code de la propriété intellectuelle dispose en effet que "ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe (…) contraire à l'ordre public ou aux bonnes mœurs ou dont l'utilisation est légalement interdite".
 
Cela étant, le choix de la dénomination sociale est plus large que celui d'une marque dès lors qu'il n'est pas tenu compte de règles relatives à l'exigence de distinctivité du signe choisi ou même à sa disponibilité.
A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler que le greffier n'est pas tenu de vérifier que la dénomination sociale souhaitée ne porte pas atteinte à des droits de propriété intellectuelle antérieurs, comme des droits d'auteur ou des droits de marque. De même, le greffier ne peut pas refuser d'immatriculer une société si la dénomination sociale désirée est identique à une dénomination sociale antérieure, ce qui serait susceptible de constituer un cas de concurrence déloyale.
Ainsi, l'acceptation de la dénomination sociale par le greffier n'est pas un blanc-seing qui serait accordé à la personne morale quant à l'utilisation du signe en question.
Il est tout à fait possible qu'un tiers se plaigne a posteriori du choix validé par le greffier, notamment s'il considère que ce signe est susceptible de créer un risque de confusion dans l'esprit du public.
Or les cas de concurrence déloyale du fait du choix d'une dénomination sociale ne sont pas si rares.
Par exemple, la Cour d'appel de Paris a jugé le 20 mars 2013 que constituait un acte de concurrence déloyale par une société le choix d'une dénomination sociale phonétiquement proche de celle d'une société concurrencée et de nature à créer un risque de confusion entre les sociétés qui proposent leurs produits sur le même secteur (JurisData n° 2013-005714).
En d'autres termes, comme pour les marques, le choix d'une dénomination sociale suppose d'être bien conseillé avant d'entamer les démarches auprès du greffe.