Calcul de la rentabilité de la publicité numérique : attention, terrain piégé

Le retour sur investissement (ROI) des campagnes publicitaires numériques. Du calcul de conversion post-clic à la face obscure du post-view et la nécessité d’une mesure scientifique.

Le retour sur investissement (ROI) est, à juste titre, la première préoccupation des annonceurs publicitaires du numérique, en particulier sur les campagnes de bannières sur lesquelles ils consacrent beaucoup de budgets.
Cela se résume souvent de manière brutale à cette question récurrente : « En ai-je vraiment pour mon argent ? ».
Le point de départ de toute mesure du ROI d’une campagne publicitaire est la définition d’un indicateur de performance. Dans le cas d’un site de e-commerce ou de voyage, on utilise simplement les ventes directes générées à partir de la campagne— ou, pour être plus précis, les visites générées par ces bannières publicitaires et les conversions qui en résultent. Pour d’autres secteurs comme l'automobile pour lesquels l’acte d’achat ne s’effectue pas directement sur Internet, on va suivre d’autres indicateurs, comme le nombre de formulaires remplis par les Internautes pour des demandes d’essai de véhicule, qu’on est ensuite capable de corréler avec les ventes futures dans le réseau..

Une fois la métrique choisie, il convient de décider de manière précise comment attribuer une conversion à telle campagne publicitaire particulière. C’est à ce stade que les choses se compliquent.

Pour un utilisateur exposé à l’affichage d’une bannière publicitaire, il y a deux scénarii qui l’amènent vers votre site web. Dans le premier scénario, l'utilisateur arrive sur le site directement après un clic sur la bannière et décide ensuite d’acheter. C'est ce qu'on appelle une conversion post-clic. Dans le second scénario, l'utilisateur décide de sa propre initiative – et sans interagir directement avec la publicité - de visiter votre site web. C'est ce qu'on appelle dans le jargon du métier une  conversion post-view ou post-impression.
Les conversions post-clic ne soulèvent pas de problème particulier. Parvenir à ce qu’un internaute interrompe sa navigation pour cliquer sur une bannière publicitaire est extrêmement difficile. C’est donc un signal marketing puissant. Il est en outre très facile de contrôler la qualité des conversions post-clic. Il suffit de suivre les conversions de ces visiteurs post-clic pendant une période définie que l’on appellera la fenêtre d'attribution, et qui est généralement de 30 jours. Les annonceurs le font déjà depuis des années sur des campagnes de search. Ils sont pour la plupart devenus experts à repérer la différence entre les clics de qualité générant des conversions post-clic et les clics sans valeur qui doivent être éliminés du mix marketing. Un canal marketing mesuré uniquement à la conversion post-clic est donc une garantie de qualité pour les annonceurs.
Le problème est que cette attribution post-clic nécessite des technologies très sophistiquées pour fonctionner sur le display. De fait, très peu de fournisseurs sont capables d’offrir un ROI attractif à leurs clients sur ce modèle rigoureux mais très exigeant.  
En conséquence, beaucoup de gens sont tentés d’ajouter au pot des conversions post-view en plus des conversions post-clic de la campagne. Et bien sûr, le ROI s’améliore soudain de manière spectaculaire. L’idée derrière la conversion post-view est qu’une bannière publicitaire vu mais non cliquée, aurait quand même une certaine « influence » sur l’internaute. Le principe se défend, mais en réalité, cette pratique conduit malheureusement à une perversion complète du calcul de ROI. Voyons pourquoi.

La face obscure du post-view

Comment savoir si un visiteur a vraiment été influencé par une bannière publicitaire, ou bien s’il s’est rendu sur le site pour une toute autre raison? Dans la pratique, il n'est pas possible de faire cette distinction. Les partisans du post-view essaient de contourner ce problème en prenant une fenêtre d'attribution qui semble conservatrice. Par exemple, alors que les conversions post-clic ont généralement une fenêtre d’attribution de 30 jours, ils mesurent fréquemment le post-view sur une fenêtre de 24 heures ou même juste de quelques heures. Cette fenêtre d'attribution limitée parait très raisonnable à première vue. Mais en réalité, même une fenêtre de post-view très courte peut fausser complètement le calcul du retour sur investissement.
Pour expliquer pourquoi, il convient de revenir sur un petit secret bien gardé de l'industrie, à savoir qu’une grande partie des bannières publicitaires se situent sous la ligne de flottaison, c’est-à-dire qu’il faut faire défiler un ou plusieurs écrans pour les voir (on dit qu’elles sont « below the fold  »).
Ces emplacements, quasi-invisibles pour la plupart des internautes, peuvent représenter plus de 70 % des impressions sur certains médias. Ces bannières sont bien sûr très bon marchés, précisément parce que presque personne ne les voit.
Pour augmenter artificiellement les conversions post-view, il suffit donc juste d'acheter à prix cassé de grandes quantités de ces impressions below the fold. Les internautes ne les verront pas, mais peu importe : le coût est minime, et le seul objectif de la manœuvre est de déposer un cookie de tracking pour chacune de ces impressions. Ensuite, on a beau jeu de s’attribuer les ventes post-view qui s’ensuivent, même si en fait les internautes n’ont jamais été exposés à ces bannières publicitaires. C'est ce que les experts appellent le « cookie stuffing » ou « bourrage de cookie ».  Pour une somme dérisoire, on peut estampiller presque tous les internautes du pays. Malheureusement, beaucoup annonceurs ne sont pas conscients de cette pratique, qui sans outils sophistiqués est d’ailleurs assez difficile à détecter, ce qui rend la rend d’autant plus tentante pour les prestataires indélicats.

Si la campagne publicitaire concerne principalement du reciblage (ou retargeting, technique qui consiste à cibler en priorité les internautes qui ont déjà visité son site) prendre en compte les conversions post-view dans le calcul du ROI est particulièrement pervers. En effet, les utilisateurs qui quittent votre site web sont, par définition, ceux qui ont la plus forte probabilité d’y revenir spontanément. Donc, presque tout votre  trafic naturel se retrouve en fait estampillé sur la campagne publicitaire, via des cookies below-the-fold, et vous verrez apparaître un nombre important de conversions, en fait illégitimes. En apparence, le ROI paraîtra très bon, mais en réalité, votre campagne ne sera qu’un énorme  gaspillage d'argent.

La nécessité d’une mesure scientifique

En fin de compte, la seule façon de mesurer l’impact précis d’une campagne display est d’effectuer un A/B test statistiquement significatif, au cours duquel vous exposerez un seul groupe à votre campagne, de manière à pouvoir mesurer la différence avec les résultats du groupe non-exposé. Pour éviter tout biais d’échantillonnage, les A/B tests nécessitent un protocole très précis, aussi rigoureux que celui mis en œuvre dans l’industrie pharmaceutique.
Sur la base de centaines d’ A/B  tests réalisés auprès de nos clients, on constate en moyenne une augmentation réelle de chiffre d'affaires de 20% par rapport à une simple mesure des conversions post-clic qui sont prises en compte. En d'autres termes, on peut considérer que les fameuses conversions post-view génèrent autour de 20 % de la valeur globale des campagnes de bannières publicitaires.

Les conversions post-view, cela fait certes très joli dans un bilan de campagne, mais si votre ROI intègre plus de 20 %, de conversions post-view vous devez commencer à vous inquiéter. Une part de 50 % ou plus sur les conversions post-view surestime probablement de manière très grossière votre ROI.

Enfin, afin d’éviter tout conflit d’intérêt avec vos prestataires, la sécurité impose de ne les juger que sur les conversions post-clic. C’est aussi la seule solution rigoureuse pour pouvoir comparer la performance relative de différents fournisseurs et choisir le bon partenaire.
Alors ne soyez pas dupe. Votre budget marketing est trop précieux pour ça.