LeWeb 2014 : les nouvelles frontières du Web

« Faire des tendances d’aujourd’hui les opportunités de demain ». C’est le thème de la onzième conférence LeWeb, qui réunit à Paris comme chaque année les entrepreneurs du numérique.

L’an passé, Travis Kalanick, le fondateur et PDG d’Uber, ironisait sur la valorisation assez folle de certaines sociétés comme Snapchat. La question se pose aujourd’hui régulièrement pour sa propre société, désormais valorisée plus de 40 milliards de dollars.

Une nouvelle bulle ?

Pas vraiment selon Fred Wilson, Managing Partners d’Union Square Ventures. Certes il y aura des déconvenues et beaucoup d’échecs mais certainement pas de la même ampleur que la bulle Internet du début des années 2000. Après tout, Uber n’est valorisée que près de 20 fois ses revenus tendanciels ! Au final, la société réconcilie l’offre et la demande en temps réel à travers une application mobile. Une approche qui lui permet de remettre en cause les modèles économiques et de rentrer sur de nouveaux marchés, sans se limiter à l’univers des taxis. L’économie collaborative, symbolisée par des sociétés comme Lyft, BlaBlaCar, ou encore AirBnB toutes présentes sur le premier panel de la conférence plénière – va s’étendre à d’autres domaines que les transports ou l’hôtellerie. Toutes ces sociétés sont confrontées à des enjeux réglementaires liés à la sécurité, à la vie privée et à l’utilisation des données personnelles.
Au-delà de l’économie collaborative, le sujet qui a le plus alimenté les conversations de la première journée était celui des objets connectés. James McQuivey, Vice-Président et Principal Analyst de Forrester l’a rappelé en introduction du panel sur les « wearables » : le mobile est en train d’exploser – faisant référence à la multiplication des capteurs et de la connectivité dans les objets du quotidien, des montres en passant par les lunettes, les casques audio ou nos vêtements. La demande consommateur pour ce type de devices est forte et le lancement de l’Apple Watch, dont on attend plus de dix millions d’exemplaires vendus en 2015, va légitimer l’ensemble de la catégorie. Mais la demande des entreprises est également forte.
J.P. Gownder de Forrester l’a rappelé en présentant une nouvelle étude dévoilée lors de l’événement. Aujourd’hui, 68 % des décideurs technologiques dans le monde estiment que les wearables sont une priorité pour leur entreprise. 51 % d’entre eux estiment que c’est une priorité moyenne, importante, ou cruciale. Les usages potentiels en entreprise sont nombreux et devraient tirer l’usage des lunettes connectées type Google Glass, qui auront plus de mal à s’imposer auprès des consommateurs.

L’enjeu ne repose pourtant pas sur le succès de tel ou tel type de produit

Il y aura de nombreux échecs. La vraie valeur viendra de la capacité à mieux comprendre les individus et à anticiper leurs comportements en corrélant les données liées à leurs corps et à l’environnement immédiat.
Par exemple, le t-shirt intelligent Polo Tech de Ralph Lauren, conçu avec la technologie OMsignal, détecte les paramètres biométriques lors d’un exercice physique, notamment la fréquence cardiaque. Autre exemple, sur votre table de nuit et sous votre oreiller, le système Withings Aura surveille et améliore votre sommeil. Un nouveau système de données contextuelles va apparaitre, permettant aux entreprises d’offrir des services personnalisés. Les entreprises tournées vers l’avenir dans tous les secteurs créent des services innovants – soutenus par des modèles économiques entièrement nouveaux – qui touchent les consommateurs dans les moments mobiles où ils en ont besoin.
Au lieu de se précipiter pour lancer une app sur ces nouveaux objets, les marques feraient mieux de se poser la question de savoir si elles sont en mesure de mieux servir leurs consommateurs dans des micro-instants mobiles, où les individus vont vouloir glaner des informations contextuelles sans avoir nécessairement à ouvrir les applications de leur smartphones. Cela suppose de créer de nouvelles expériences qui doivent changer la vie des individus au quotidien et devenir indispensables.
C’est la raison pour laquelle, David Rose, chercheur au MIT Lab et fondateur de la société Ditto Labs préfère parler d’ « objets enchantés » plutôt que de « wearables » : il faut réintroduire de la magie dans notre quotidien !
Si cette nouvelle frontière du Web fait peur, elle n’est pas seulement un enjeu sociétal mais de plus en plus un enjeu économique.
La France bénéficie de très nombreux atouts et de nombreuses start-up innovantes : Withings, Netatmo, Sigfox, Citizen Sciences, Sen.se, Parrot pour n’en citer que quelques-unes. Il va falloir que les dirigeants français et européens prennent conscience rapidement que la bataille du numérique se joue maintenant pour permettre l’évolution du cadre réglementaire et macro-économique qui permettra à l’Europe de revenir vraiment dans la course.