Le paradoxe du progrès technologique dans le digital marketing : pourquoi innover ?

Paradoxal: dans l'univers du digital marketing on ne cesse de répéter les mots de 'ciblage', de 'personnalisation', 'bon endroit au bon moment', mais ceci contraste très fortement avec le ressenti des internautes... qu'en est-il vraiment ?

'Half the money I spend on advertising is wasted; the trouble is I don't know which half' John Wanamaker, fin des années 1800. Cet adage, très connu des annonceurs et des agences de publicité, et qui constitue une très grande parties des pitchs d'introduction et des conférences en digital marketing de la place, n'a finalement pas bougé d'un iota en 150 ans.
Il y a 1 semaine, Google dans le cadre de la promotion de son nouvel outil 'Active view' publiait cette statistique, finalement pas très différente : '56,1 % des publicités servies aujourd'hui' sont mesurées comme non vues (la moyenne étant de 50 % pour une régie donnée).
Une étude publiée par le cabinet Augusta va plus loin et chiffre cette perte à 82 %, en ajoutant aux publicités non vues les publicités 'mal vues' et les publicités vues 'trop tard' (par exemple le retargeting alors que l'achat est déjà effectué).

Alors que s'est t-il passé en l'espace de 150 ans ? La part du gâchis n'a pas bougé et a même empiré! Qu'en est-il de la promesse 'à la bonne personne, au bon endroit, au bon moment ?' A quoi servent les milliers de sociétés technologiques mise en évidence par le LUMAscape
La réponse est encore une fois de plus à rechercher dans la technologie: si la technologie de ciblage s'est améliorée avec le développement du digital marketing, des failles technologiques, plus ou moins volontaires sont apparues également :
  • Multiplication des robots, générateurs de faux clics, pour améliorer les ratios des publicités,
  • Explosion des outils de blocage de publicités, comme ABP, commercialisé par AdBlock, qui est aujourd'hui pris très au sérieux par les éditeurs : l'Union des Annonceurs annonces qu'en moyenne 15 % à 20 % des publicités sont bloquées, TF1 communiquait sur 25 %, pour des sites 'geek friendly' comme JDN, ce ratio peut même atteindre 45 % à 50 %.
  • Perte d'information, due à la multiplicité des intermédiaires (parfois plus de 7 ou 8 ! : agences, régies, ad network, réseaux d’affiliation etc.).
  • Mauvaise prise en considération du timing dans des offres très précises de ciblage (par exemple retargeting pour un objet acheté la veille),
Face à ce risque, dans ce cas précis, les recours technologiques sont nombreux: outres les outils de ciblage de plus en plus utilisés aujourd'hui - lorsque l'on utilise des solutions d'achat programmatique, en direct ou via un DSP, l'ajout de la donnée permet de renforcer son ciblage - des outils de mesure et de contrôle de la fraude se mettent en place :
  • Outils de 'viewabilités', de mesures très précis, comme par exemple la possibilité de mesurer si une impression vidéo a été vue plus que X secondes,
  • Outils d 'analyse de point de contacts pour étudier les parcours moyens des clients et estimer les parcours les plus profitables,
  • Modèles de contribution ou d'attribution, afin de pouvoir non seulement estimer les parcours client les plus récurrents, mais aussi estimer le rôle de chacun des canaux dans l'acquisition d'un client, pour pouvoir réaffecter son mix média.
On voit donc que la technologie apporte son lot de réponses, mais également sont lot de problématiques, et la situation est finalement un équilibre entre technologie d'offre et de demande, entre annonceur et éditeur, entre lecteur et propriétaire de contenu, qui ne semble pas évoluer. Gageons que demain, le chiffre de 50 % de perte sera sensiblement similaire.
Mais alors, faut-il en déduire qu'il faut arrêter le progrès ? Au contraire! Pour tirer leur épingle du jeu les acteurs du digital marketing sont 'condamnés' à être en avance sur leur pairs, et à maintenir cette avance afin de garder un avantage concurrentiel au risque de perdre du 'share of voice' ou de la part de marché et voir l'équilibre se rompre en leur défaveur (c'est une situation opposée au dilemme du prisonnier que les économistes connaissent bien).
Mais attention: une des difficultés supplémentaires réside dans la particularité du secteur : on ne peut pas jouer cavalier seul et il faut tirer l'ensemble de l'écosystème vers soit pour en profiter.
Par exemple, pour pouvoir tirer pleinement parti des modèles d'attribution, dont la conclusion est de diminuer certains canaux pour en faire profiter d'autres, il faudra convaincre l'ensemble des fournisseurs de sources de trafic (rémunérés aujourd'hui au CPC, CPM, CPA) de bien vouloir basculer sur une nouvelle métrique propre à un annonceur spécifique !