Un nom de domaine exploité est protégé

Un nom de domaine est protégé et constitue donc une antériorité opposable aux tiers, même s’il ne sert à identifier qu’une page d’accueil statique ne contenant que des informations de base sur la société qu’il exploite.

Une société qui exploitait un magasin sous la dénomination sociale, l’enseigne et le nom commercial « Les Vents du Nord » utilisait le nom de domaine « lesventsdunord.fr » pour identifier son site Web. Ce dernier était constitué d’une page unique portant la mention « site en construction ».



Dès le lendemain du jour où ce nom de domaine n'a plus été réservé - faute, pour la société Les Vents du Nord, d’avoir renouvelé son enregistrement, une société concurrente dénommée Cuivres et bois a réservé les noms de domaine «lesventsdunord.fr » et « lesventsdunord.com » à la seule fin de rediriger les internautes qui cherchaient à se rendre sur le site www.lesventsdunord.fr vers son propre site.


Après avoir mis en demeure la société Cuivres et bois de cesser tout usage du signe « les Vents du Nord » et de procéder au transfert à son profit des noms de domaine susvisés, la société Les Vents du Nord l’a assignée en concurrence déloyale et parasitisme.


Les juges du fond (arrêt de la cour d’appel de Douai, 13 février 2014) ont fait droit à la demande de la société Les Vents du Nord sur le terrain de la concurrence déloyale, estimant que le rachat immédiat du nom de domaine lesventsdunord.fr et la réservation du nom de domaine lesventsdunord.com par la société Cuivres et bois étaient de nature à faire naître une confusion dans l’esprit du public entre les deux sociétés concurrentes, permettant ainsi à la société Cuivres et bois de capter la clientèle de la société Les Vents du Nord.



Dans le pourvoi en cassation formé à l’encontre de cet arrêt de la Cour d’appel de Douai, la société Cuivres et bois prétendait que la société Les Vents du Nord n’était pas fondée à se prévaloir, à son encontre, de la protection antérieure du nom de domaine lesventsdunord.fr dans la mesure où ce dernier n’avait pas fait l’objet d’une exploitation effective publique par la société Les Vents du Nord, celle-ci ne l’ayant utilisé que pour désigner un site internet en construction.



La société Cuivre et bois invoquait ainsi une règle énoncée par la jurisprudence, selon laquelle un nom de domaine doit avoir été effectivement exploité pour constituer une antériorité opposable ; autrement dit, l’enregistrement d’un nom de domaine est en soi insuffisant à permettre à son réservataire d’agir à l’encontre de l’usage par un tiers d’un signe identique ou similaire (voir notamment dans ce sens : TGI Paris, 27 juillet 2000, RG n° 00/07681 ;  CA Paris 18 octobre 2000, JurisData : 2000-130874).  

Dans l’arrêt rapporté, la Cour de cassation rejette le pourvoi en relevant que la page d’accueil du site internet www.lesventsdunord. Fr, sur laquelle figurait effectivement la mention « site en construction », comportait néanmoins le logo de la société Les Vents du Nord, ses coordonnées, les horaires d'ouverture du magasin et l’objet de son activité, en sorte que ce nom de domaine avait bien fait l’objet d’une exploitation effective, conférant une protection à son titulaire.



En outre, la Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir condamné la société Cuivres et bois à 15.000 euros de dommages et intérêts au titre des actes de concurrence déloyale, dès lors que (i) la situation entre les parties a nuit à l’attractivité du site internet de la société Les Vents du Nord et a conduit à son déclassement dans les moteurs de recherche (ii) et que la confusion entretenue par la société Cuivres et bois a porté atteinte à l’image de la société Les Vents du Nord et a dilué le pouvoir attractif du signe « les Vents du Nord ».

Article coécrit par Camille Bertin, avocat.