Les données d’usage TV sont personnelles selon la Federal Trade Commission

L’autorité de la concurrence états-unienne considère les informations de consommation TV comme étant des données à caractère personnel, ce qui a pour effet d’imposer l’obtention du consentement tacite et a des impacts sur le développement du programmatique en télévision.

Gros potentiel marketing et publicitaire des données d’usage TV

Les données d’usage TV suscitent les convoitises car elles fournissent des indications exhaustives des audiences des chaînes, des programmes et des consommations des services audiovisuels et digitaux transmises par la voie de retour grâce à une set-top-box ou un téléviseur connecté. Ces données intéressent  les acteurs de l’industrie publicitaire car elles offrent l’opportunité de connaître précisément les usages d’un foyer et à terme d’opérer un ciblage marketing et publicitaire en fonction de ces data. Ainsi, par exemple, un FAI pourrait développer des offres sur-mesure : bouquets de chaînes préférées par le foyer, mise en avant de genres de programmes, recommandation de thématiques, etc. Mais il pourrait également monétiser ces data auprès d’acteurs tiers.

 

C’est ce qu’a fait le constructeur de Smart TV Vizio, sans avoir préalablement demandé l’accord de 11millions de clients quant à la collecte et la vente des données liées à la consommation seconde par seconde de programmes sur ses téléviseurs, en direct ou différé, et l’utilisation de lecteurs DVD et de boîtiers connectés et ce, pendant 2 ans. Grâce à une fonctionnalité « Smart Interactivity » activée par défaut sur ses terminaux, la marque trackait ses utilisateurs et établissait des profils enrichis par croisement avec d’autres données (adresse IP, état civil, sexe, âge, taille du foyer, etc.), soit l'équivalent de 100 milliards de données par jour. Pour ces pratiques, Vizio vient d’écoper d’une amende de 2,2 millions de dollars. Et la FTC lui impose de supprimer les données collectées avant le 1er mars 2017. L’autorité profite de cette décision pour stipuler clairement que les données d’usage TV sont des données à caractère personnel.

 

Impacts sur la TV programmatique et addressable

« Dans ce cas, nous partons du principe que ces informations sont confidentielles et qu’il est nécessaire pour les entreprises d’obtenir le consentement positif (opt-in consent) » déclare Kevin Moriarty, procureur au sein de la division vie privée et protection de l’identité de la FTC. Cela met les données des téléspectateurs au même niveau de confidentialité que les informations concernant l’état de santé et les finances d’un individu, les numéros de sécurité sociale, les données sur les enfants et la géolocalisation. Elles sont donc sujettes à des restrictions d’utilisation plus élevées.


Cette décision impactera le développement du programmatique et de l’addressabilité en télévision, en termes de crédibilité tout d’abord car l’affaire Vizio a soulevé les inquiétudes de la part des utilisateurs, mais également en termes de process d’obtention du consentement à chaque étape de la collecte et de l’enrichissement, par tous les acteurs de la chaîne. Ainsi, les outils programmatiques mis en place par les networks et les distributeurs TV doivent prouver qu’ils sont en conformité. Cela a également un impact sur la confiance des annonceurs sur le modèle programmatique.


En France, les réflexions sur le programmatique et l’addressabilité en télévision sont très avancées et ce, malgré l’interdiction du décrochage publicitaire sur le linéaire (cf. article 13 du décret du 27 mars 1992). Les groupes audiovisuels profitent de toutes les ouvertures possibles : les services de télévision de rattrapage et les live online ne seraient a priori pas concernés par cet article. A l’égard du linéaire, selon le 1er alinéa de l’article 13, l’interdiction ne s'applique pas aux éditeurs de services qui comptent au nombre de leurs obligations la programmation d'émissions à caractère régional, pour cette programmation. SFR vient d’ailleurs d’annoncer des tests cet été sur sa chaîne locale BFM TV de publicités ciblées en fonction des foyers. De son côté, TF1 élargit son expérimentation de géociblage en TV de rattrapage sur les box de Bouygues Telecom, après celles d'Orange. France télévisions est également dans les starting-blocks. Toutefois, des précautions seront à prendre car il est fort probable que la position de la CNIL sur la question vis-à-vis de l’information et du consentement à la collecte de l’utilisation des données, notamment d’usage TV, se rapprocherait de celle de la FTC.