Fraude : aidez-nous à vous aider

C'est sans doute l'un des problèmes les plus importants du marché de la pub online en ce moment. Quelques simples précautions permettent pourtant d'obtenir des résultats probants.

La scène est célèbre. Jerry Maguire (Tom Cruise), désespéré, supplie Rod Tidwell (Cuba Gooding Jr) « Aide-moi à t'aider ».  Après plusieurs mois de négociation sans succès, alors que Jerry et Rod ont une conversation houleuse, Rod rugit : « Fais ton boulot ! ».

Attention, spolier ! Rod intensifie ses efforts, et Jerry lui décroche un contrat faramineux. Bien que la comparaison entre la ligue nationale de football américain et notre écosystème publicitaire soit ténue, je pense que l’on peut en tirer un enseignement : seulement lorsque tous les protagonistes s'investissent vraiment qu’ils obtiennent des résultats – et dans notre cas c’est particulièrement vrai quand on veut lutter contre la fraude. 

Pourquoi la fraude est-elle si fréquente dans le milieu de la publicité digitale ? Est-ce dû à une technologie pauvre, à un investissement insuffisant, à des intermédiaires malhonnêtes ? Sans aucun doute, la réponse à toutes ces questions est oui. Nous faisons face à un déluge d'articles négatifs concernant les emplacements publicitaires douteux et le trafic non-humain, avec un intérêt particulier porté sur l'identité de la victime (insérez le nom marque) et celle du coupable (insérez celui de l'éditeur). Bien que la trame de l'histoire soit correcte (les marques gaspillent leur budget publicitaire et parfois les vendeurs en bénéficient), il faut préciser que les fournisseurs d'inventaires de qualité honnêtes sont tout autant victimes. Mais surtout, pour y mettre fin, les acheteurs doivent également cesser de récompenser les comportements douteux. Comme Rod et Jerry, vendeurs et acheteurs doivent reconnaître qu'ils sont tous dans le même bateau, et n'obtiendront pas ce qu'ils veulent s’ils ne travaillent pas ensemble.

 Vous pensez peut-être que mon opinion est biaisée, après tout je représente les éditeurs et une société proposant des solutions de diffusion de vidéos publicitaires. Cependant, je ne défends pas que les éditeurs ne sont pas tout autant responsables que le reste de l'écosystème. Ceci dit la responsabilité incombe les propriétaires de médias et leurs fournisseurs de technologies publicitaires de par le fait qu’ils sont sur la ligne de front. Et nous sommes bien conscients de cela ; c'est pourquoi, après le personnel et l’infrastructure, les coûts des partenariats mis en place avec des parties tierces pour surveiller les activités frauduleuses et non-humaines sur les marchés ouverts et privés au sein desquels nous opérons représente une des dépenses principales de notre secteur. Enfin, les fournisseurs de technologies publicitaires emploient une petite armée qui ont pour mission de vérifier constamment la qualité des emplacements publicitaires, les URL, et autres anomalies statistiques, ainsi que de maintenir un nombre toujours croissant de listes blanches et noires.  

Mais tout cela est vain si les acheteurs continuent de récompenser les comportements répréhensibles. Vous trouverez ci-dessous une liste de mesures que les acheteurs - plateformes DSP, agences, plateforme d'échange d'annonces et marques - doivent prendre en compte pour réduire les fraudes.  

Sites premium dans les marchés ouverts : Achetez-vous des emplacements incroyablement premium à des prix incroyablement bas ? Il serait intéressant que vous évaluiez la légitimité de ces emplacements. Il est possible de le faire en opérant à partir de listes blanches ou en tenant à jour des listes noires d'URL premium qui ne devraient pas être disponibles sur les marchés ouverts. Les acheteurs devraient uniquement acheter en direct ou s'adresser à des « revendeurs » accrédités et ce sur des marchés privés. Si un emplacement à prix bas vous paraît trop beau pour être vrai, c'est sûrement le cas. 

Utilisez les paramètres d'offre : Les acheteurs doivent faire attention aux signaux communiqués dans l'appel d'offre. L'enchère optimale en temps réel (ORTB ou optimal real-time bidding) permet d'améliorer la transparence des transactions entre acheteurs et vendeurs. Des paramètres clés, tel que la taille du lecteur, le type d'initiation, le domaine et le bundle sont quelques indicateurs qui déterminent la qualité d’une opportunité. Et utiliser ces indicateurs en temps réel permet aux acheteurs d'éliminer les offres indésirables. Par exemple, voulez-vous arrêter d'acheter des bannières vidéos pré-roll ? Sélectionnez alors les offres sur la base des dimensions du lecteur et ajustez les paramètres de ciblage de la campagne pour éliminer les lecteurs de petite taille.  

Exigez la transparence : Si vous achetez un inventaire vidéo VAST pour desktop et mobile, vos achats sont exposés à un inventaire qui n'est pas vérifié et parfois même une présentation totalement fallacieuse du site ou de l'emplacement en question. Les intégrations VPAID et directes offrent une plus grande visibilité du placement réel. La fraude et le trafic invalide étant les préoccupations principales de tous, les acheteurs doivent s'assurer que leurs partenaires coté vente passent des données vérifiées sur le site en particulier celles liées au placement et la taille du lecteur, et les acheteurs ne devraient plus uniquement accepter les emplacements VAST.

Arrêtez de récompenser le volume d'appels : Les DSP récompensent le volume d'appels. C'est aussi simple que cela. Envoyez une offre unique à une DSP, et vous recevrez peut-être une réponse. Envoyez la même opportunité d’impression 100 fois à cette même DSP, et il y a plus de chance qu’au moins une soit considérée. Malheureusement, la plupart des plateformes supply side (SSP) ne prennent pas les mesures nécessaires pour réduire ce volume d'appels. Pourquoi le feraient-elles, quand les gros volumes sont récompensés par les acheteurs ? Les acheteurs doivent cesser de récompenser les gros volumes d'appels et concentrer leurs achats sur des emplacements de haute qualité fournis par des éditeurs premium au sein des places de marché privées et organisées. 

Éliminez l'arbitrage : Les acheteurs exigent de plus en plus d'acheter des inventaires en passant par des revendeurs d'inventaire vérifiés, ce qui réduit le nombre d'intermédiaires dans l'écosystème. Si l’ensemble de l’industrie adopte des solutions pour identifier l'origine des inventaires vendus alors les propriétaires de médias, les éditeurs et les services d’OTT (Over-The-Top) bénéficieront financièrement. Les acheteurs devraient s’assurer que les vendeurs sont propriétaires de l'inventaire ou s'ils ont un droit contractuel leur permettant de le vendre.

Transférez vos budgets vers les places de marché privées : Pour plus de transparence et de contrôle, il est préférable que les éditeurs et les annonceurs créent des places de marché sur invitation, où les éditeurs premium offrent leur inventaire vidéo à un groupe d'annonceurs choisi, les transactions étant effectuées à l'aide d'un Deal ID. Ces relations individuelles donnent aux acheteurs une transparence et un accès contrôlé a un inventaire haut de gamme dans des environnements protégés. Au second trimestre, 57 % des transactions effectuées sur la plateforme SpotX ont été exécutées via des places de marché privées, et les 43 % restants sur le marché ouvert. D’ici la fin de l'année, nous espérons que 70 % du marché sera constitué de places de marché privées. Nous nous réjouissons de cette tendance, en particulier pour les éditeurs premium.

Les négociants d’inventaire honnêtes comprennent la responsabilité qu’ils ont de débarrasser l'écosystème de ces « maux ». Cependant, cela est souvent frustrant, démoralisant et, pire, dommageable lorsque les acheteurs récompensent les comportements qui discréditent le système. Chaque jour, des millions d'impressions de la plus haute qualité, venant des meilleures marques de médias du monde, restent invendues du fait de l'existence d'impressions plus attirantes, moins chères (et potentiellement frauduleuses). Il est grand temps de récompenser les comportements honnêtes.

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