PIM et DAM, les frères ennemis...

La rationalisation de la collecte et de la diffusion des informations produits fait partie des défis du e-commerce. Les débats opposent DAM (gestion des fichiers médias) et PIM (gestion des données produits) avec, en trame de fond, l’idée qu’il ne peut en rester qu’un. Découvrez pourquoi il faut plutôt parier sur la complémentarité de ces outils spécialisés.

L’explosion des ventes e-commerce bouleverse toute la chaîne de collecte des données produits. Il faut désormais diffuser, le plus rapidement possible, des informations fiables vers les canaux de distribution digitaux. À la clé: justesse et rapidité, nécessaires à la souplesse et à la réactivité exigés par le retail. Mais quelle plateforme choisir ?

L’enjeu est majeur, notamment sur le plan légal. Les nouvelles réglementations, dont la norme INCO ou l’étiquetage Nutri-Score encadrant les informations de composition des denrées alimentaires, sont de plus en plus exigeantes sur l’exactitude des informations communiquées au e-consommateur. Les conséquences financières pour les contrevenants sont particulièrement dissuasives. 

Conscients de ce nouvel enjeu, les industriels et les distributeurs démarrent des dizaines de projets pour rationaliser la collecte et la diffusion de ces informations produits. On parle de PDM (Product Data Management), de MDM (Master Data Management), de PIM (Product Information Management) et de DAM (Digital Asset Management) à tous les étages des DSI. Derrière chacun de ces acronymes se cache une expertise propre et souvent un nouveau logiciel à mettre en place. Les architectes des systèmes d’information se demandent, avec raison, s’il n’est pas possible de mutualiser les plateformes pour ne pas multiplier les projets, les logiciels et les coûts. Les différents métiers concernés (produit, qualité, marketing, juridique, opérations, fabrication) vont alors chacun apporter leur point de vue…et cela peut donner lieu à des échanges très animés sur les choix de la plateforme fédératrice.

En particulier, de nombreux débats opposent les défenseurs du DAM (gestion des fichiers médias) et les promoteurs du PIM (gestion des données produits) avec, en trame de fond, l’idée qu’il ne peut en rester qu’un.

Est-ce pourtant souhaitable ? Ne sommes-nous pas face à une fausse bonne idée qui balaye d’un revers de main les besoins spécifiques à chaque domaine et qui ignore les usages des utilisateurs concernés ?

La tentation de la plateforme unique

Dans une logique d’efficacité et de réduction des coûts, il semble pertinent de disposer d’une seule et même plateforme pour centraliser toutes les informations produits : données commerciales, techniques, photos, vidéos, documents de production, vues 3D, etc. Dans ce schéma, on imagine donc d'uniformiser les processus d’acquisition, d’organisation et de diffusion de ces données, pourtant de natures différentes.

Deux plateformes sont éligibles pour assurer cette mission suprême : le PIM ou le DAM, chacune disposant de technologies pour gérer des données structurées et stocker des fichiers médias. Cependant, quelle que soit l’option retenue, cette stratégie se confronte à une réalité qui aboutit sur un maintien des deux solutions.

Pourquoi les tentatives de créer un référentiel médias au sein d’un PIM échouent ? Un premier écueil est de vouloir missionner le PIM pour être non seulement le gardien du temple des données produits mais également des fichiers médias associés. Cette stratégie se heurte à plusieurs difficultés.

Une richesse de contenus médias difficilement organisable dans le PIM

Pour un même produit, plusieurs dizaines d’assets, principalement photo et vidéo, sont recensés et nécessitent d’être indexés. Dans le secteur du textile par exemple, chaque produit sera décliné en plusieurs dizaines de photos, selon différents angles, tailles ou couleurs. Une photo packshot, quant à elle, sera décrite au minimum par une dizaine de champs : titre, type de vue, résolution, format, type de fichier, profondeur de couleur, auteur, date de fin de droits, etc.

Les bibliothèques des PIM sont malheureusement sous-dimensionnées pour permettre une indexation fine des médias. Souvent, elles ne permettent que d’attacher les médias aux produits sans possibilité d’affiner les descriptions. De plus, au-delà de descriptions objectives (références, couleurs, etc.), les descriptions de ces médias peuvent également inclure des données subjectives (ambiance, sentiment) non processables dans un PIM.

Or,ces informations sont indispensables pour gérer le cycle de vie des médias dans le temps. Sans ces données, il est compliqué de les retrouver et de choisir la bonne image pour le bon usage. Le phénomène s’accentue lorsqu’on adresse d’autres nature de médias (vidéos, 3D…), nécessitant des champs d’indexation encore plus détaillés et spécifiques. Autant dire que recenser des photos produits dans les bibliothèques des PIM relève d’une mission impossible pour les fonds conséquents !

Des processus de collecte et de fabrication dissociés

Au-delà des contenus, les femmes et les hommes, qui en ont en charge la collecte ou la production travaillent souvent dans des entités différentes et selon des processus distincts.

Pour un fabricant, la collecte des données produits va faire intervenir différents corps de métiers : le marketing, le commerce ou encore la supply chain. Les informations seront remplies au fil de l’eau par les collaborateurs, à partir du moment où le produit est susceptible d’être commercialisé.

Les visuels vont, de leur côté, être réalisés par le studio graphique (interne ou externe) de façon autonome. Dans de nombreux cas, les cycles de vie des données et des visuels sont décorrélés :

●   Les visuels peuvent exister avant que le produit ne soit référencé,

● Il peut déjà y avoir un produit référencé, alors que le produit et son packaging n’existent pas encore.

Et même une fois le produit commercialisé, des évolutions de son packaging peuvent nécessiter de nouveaux visuels, sans rien changer au niveau des données qui y sont liées.

Au-delà de la difficulté d’un PIM à accueillir des fichiers médias, il se révèle bien démuni pour formaliser convenablement des workflows créatifs nécessaires à la coordination des intervenants et à la gestion des allers-retours entre équipes marketing et studios graphiques.

Hormis les petits projets disposant de quelques centaines de produits, la majorité des projets conséquents abandonnent donc cette stratégie de plateforme unique.

Un écosystème qui dépasse l’univers des produits

Par ailleurs, le DAM a pour vocation de centraliser l'ensemble des médias de l’entreprise et ne se limite pas aux contenus des produits. De nombreux outils marketing viennent se sourcer au sein du DAM pour leurs besoins propres : outils de campagnes emailing, de PAO, sites intranet et internet, press room, etc. Les contenus ainsi publiés peuvent parfois concerner des produits mais dépassent largement ce périmètre : photos d’ambiance, logos et pictos, photos de stock, communiqués de presse, vidéos corporate… Autant de médias qui n’ont aucune chance d’être stockés dans le PIM puisqu’ils n’ont aucun lien avec les produits. Le PIM est dans l’impossibilité d’embrasser toute la richesse des contenus médias de l’entreprise, ce qui limite sa capacité à être le référent des visuels produits.

Alors pourquoi ne pas tout stocker dans le DAM ?

Les projets de DAM ont souvent été précurseurs dans les entreprises et cela a donné lieu à de nombreuses tentatives pour y stocker les informations produits. Pourtant, ces stratégies ne donnent pas non plus de très bons résultats et elles ont, elles-aussi, souvent échoué.

La structure de données reste trop complexe pour le DAM. En effet, les DAM sont avant tout conçus pour organiser et classifier des fichier médias. Ils disposent généralement d’un méta-modèle flexible pour permettre d’indexer les médias avec quelques dizaines de champs (titre, description, auteur, etc.). Cela n’est cependant pas suffisant pour adresser les centaines de champs nécessaires à l’indexation complète des produits. Même si l’on arrive à paramétrer le DAM avec tous ces champs, en général l’ergonomie ne suit plus et il devient très laborieux de saisir les informations. Et si on pousse l’ambition à vouloir versionner chaque champ de description alors, à l’usage, le DAM se révèle hors course.

Dans le DAM, l’entité primaire est donc le média. Dans le PIM, c’est le produit. Lorsqu’on essaye de gérer ses produits dans le DAM, on est vite confronté à la notion de média principal ; c’est-à-dire le média qui va porter les informations du produit. Il faut alors gérer les liens entre le média principal et les médias secondaires pour constituer la grappe complète de médias liés au produit.

La gestion de ces contenus dans le temps devient extraordinairement complexe, car les données et les visuels n’ont pas les mêmes cycles de vie (le versionning du média est décorrélé du versionning des données). Il en résulte la nécessité de développer des règles complexes de recopie des données et de versionning.

Cette gestion des grappes de données soulève des questions à chaque niveau de l’application. Par exemple, il faut adapter la recherche native du DAM pour n’afficher que les médias principaux représentant les produits. Sinon, l’utilisateur se retrouve avec tous les médias liés à un produit lors de sa recherche et ne sait lequel choisir pour ajuster une donnée produit. Encore une fois, la structure orientée médias du DAM rend trop complexe la gestion des produits, au quotidien comme au long de leur cycle de vie.

Un besoin de traitements avancés des métadonnées

Corollaire de la gestion des grappes de données, les PIM proposent de nombreux dispositifs pour simplifier la gestion des métadonnées : versionning par champs, héritage des informations, déclinaisons et variantes des produits, import et export automatiques de fichiers structurés, détection des métadonnées manquantes. Ces dispositifs sont essentiels pour assurer une bonne productivité et pour piloter la qualité des données.

Ils sont cependant rarement présents dans les outils de DAM, qui n’ont pas besoin d’une telle sophistication. La flexibilité naturelle du DAM pour classer les contenus médias se confronte alors à l’indispensable rigueur de la gestion des données du PIM. 

Sans ces fonctionnalités d’automatisation, la gestion des données produits est là-aussi laborieuse et les utilisateurs finissent par l’abandonner.

Pour une intégration croisée vertueuse 

Nous arrivons à la conclusion qu’il est vain d’essayer de remplacer le PIM par le DAM ; et vice versa. En revanche, les faire communiquer entre eux est une excellente approche ! Il s’agit donc d’opter pour une intégration bilatérale entre les deux systèmes.

Dans cette architecture, chacun conserve son expertise : le PIM a en charge la gestion des données produits, et le DAM la gestion des médias. Ils s’échangent les informations pour s’enrichir l’un l’autre.

Du PIM vers le DAM

Le nerf de la guerre du DAM est de diminuer le temps passé à indexer les contenus. Il s’agit donc ici de s’appuyer sur le PIM pour enrichir automatiquement les fiches des médias.

Les utilisateurs remplissent un minimum d’information (dont le code produit) et un process de synchronisation permet de récupérer toutes les autres données du produit. Ces informations permettent non seulement de remplir les métadonnées liées au produit, mais également de gérer son cycle de vie (par exemple, en cas d’archivage de produits obsolètes).

Ainsi, les données nécessaires au classement automatique des photos produits restent à jour. Idéalement le PIM expose une API temps réel permettant d’indexer très rapidement les nouveaux contenus et de mettre à jour les contenus historiques.

Du DAM vers le PIM

Le PIM doit, de son côté, disposer des visuels produits - a minima pour les afficher dans la fiche produit et permettre aux gestionnaires de disposer d’une interface agréable. Le DAM est là pour le servir et l’alimenter avec des médias à jour.

Plusieurs principes d’intégration peuvent alors être mis en œuvre :

  1. Recopie physique des médias : le DAM déverse les médias dans le PIM, physiquement et de façon asynchrone. Si cette manipulation est simple à mettre en œuvre, elle soulève en revanche de nombreuses questions sur la gestion de la cohérence des médias entre les deux référentiels.
  2. Intégration des URL vers les médias : le second principe d’intégration possible consiste à fournir au PIM uniquement des URLs vers les médias éligibles du DAM. Ces URLs de référence sont fixes, garantissant ainsi la fraîcheur des images au PIM, pour qui les variations et les modifications des médias sont transparentes.

L’arbitrage entre l’une ou l’autre de ces passerelles repose principalement sur des choix d’architecture SI. Cependant, il implique la prise en compte des besoins métiers concernant la fraîcheur des informations requises. La solution consiste donc à créer une intégration vertueuse entre les deux dispositifs.

Au final, qui alimente le e-commerce ?

N’oublions pas que l’enjeu initial est d’alimenter les canaux de commercialisation des produits (site eCommerce, place de marché…). Dans une architecture hybride telle que décrite ci-dessus, c’est bien le PIM qui pousse ses données produits vers la plateforme eCommerce.

Concernant les médias, le PIM peut également les pousser s’il les a récupérés du DAM par recopie ou par lien URL. Solution alternative : c’est le DAM qui créé son propre canal d’export pour alimenter directement en médias le site de vente en ligne, grand bénéficiaire de cette nouvelle organisation.

Pour conclure

Qu’il s’agisse du DAM ou du PIM, il est impensable de demander aux utilisateurs de saisir à nouveau des informations produits déjà présentes dans un autre référentiel. Par leur chaîne d’alimentation et les types de contenus traités, PIM et DAM possèdent des expertises et répondent à des besoins trop différents pour rendre leur centralisation possible.

Bien qu’attrayante dans une logique de rationalisation des outils et des coûts, la tentation d’opter pour des solutions logicielles qui veulent adresser tous les sujets est clairement dangereuse dans la gestion des informations produits. Les systèmes logiciels monolithiques sont un mirage : leur manque de souplesse et de réactivité sont incompatibles avec la nécessaire agilité face à un marché vivace. Il est finalement plus ROIste de parier sur la complémentarité d’outils spécialisés et d’investir sur une intégration intelligente. Complémentaires et indispensables, PIM et DAM peuvent désormais avancer main dans la main !