E-Privacy, un tsunami pour les annonceurs ?

Encore en examen au Parlement et au Conseil européen, le règlement e-privacy devrait entrer en vigueur en 2019. Mais l’une des mesures phares du règlement fait couler de l’encre : le recueil de l’opt-in pour le dépôt de cookies qui ne se fera plus au niveau de chaque site mais au niveau du navigateur. Ce nouveau principe aura t-il des conséquences pour les éditeurs, les annonceurs et les entreprises de l’adtech ?

Vers un écosystème publicitaire bouleversé ?

Dans le monde du webmarketing, les cookies, petits fichiers textes stockés sur le navigateur servent à suivre anonymement grâce à des identifiants (ID) les activités des internautes. Ses témoins de connexion permettent aux développeurs de sites web de mesurer et d’analyser finement le comportement des utilisateurs dans le but d’améliorer les différentes actions marketing opérées par les publicitaires.
Jusqu’à aujourd’hui, les cybernautes pouvaient accepter ou refuser l’utilisation des cookies directement sur le site de la marque à travers un module de gestion de cookies mais l’article 10 de l’e-privacy prévoit dorénavant le consentement de l’internaute à la pose des cookies. Cette autorisation se fera directement et définitivement, à l’ouverture du navigateur, et s’appliquera sur tous les sites de la même manière.
De leur côté, les professionnels du digital s’inquiètent de voir une chute drastique des taux d’acceptation des cookies puisque ces derniers sont aujourd’hui la clé de la mesure publicitaire. Et pour les annonceurs ayant opté pour l’utilisation des cookies c’est tout aussi dangereux puisque l’essor de l’achat publicitaire en programmatique ces dernières années a boosté leurs investissements en ligne de plus de 60%.

Vers un marché de plus en plus déséquilibré ?

Si les GAFA ou les nouveaux médias, se retrouvent en interaction directe et permanente avec les internautes, ce n’est pas toujours le cas des médias traditionnels qui seraient fortement impactés par cette mesure. « La concurrence asymétrique entre les acteurs dans un marché plurimédia entraîne une captation de croissance par un duopole, et un affaiblissement croissant des médias traditionnels» a récemment précisé Anthony Level, Directeur des Affaires Réglementaires du Groupe TF1.
Dans cet environnement où les utilisateurs sont « logués », les GAFA captent la majorité de l’information observée et inférée. Les traceurs et les mesures d’audience leur ont permis de se constituer d’immenses bases de données sociodémographiques et comportementales additionnées aux investissements dans l’intelligence artificielle. En conséquence, ces amas de données leur donnent la possibilité de mettre à disposition de larges inventaires publicitaires au service des annonceurs. Google et Facebook par exemple captent 78% de la valeur du marché de la publicité en ligne français ( source : 19ème observatoire du SRI, 2017)
Et les utilisateurs, qu’en pensent-ils ?
Dans le souci de ne pas être sollicités continuellement et de naviguer librement, 66% des consommateurs français seraient prêts à partager des informations sur leurs préférences avec les marques pour avoir plus d’offres personnalisées. Ils approuvent l’utilisation des traceurs qui seraient un levier puissant pour mieux cibler les prospects et minimiser les sollicitations des éditeurs de l’adtech. Ainsi, la data se trouve entièrement au service du consommateur. Les données d’identification, de contact, de navigation sont traitées en objectifs distincts pour améliorer l’expérience client.
Tout est-il à revoir dans le règlement e-privacy ?
Le projet européen qui soulève plusieurs problèmes propose à la fois un cadre harmonisé au niveau européen, un renforcement de la confidentialité des communications électroniques et une réponse au phénomène de « consent fatigue » (fatigue des internautes face à la validation répétée de leur consentement).
Toutefois elle impacte fortement le modèle économique de nombreuses entreprises européennes. Le développement des start-ups, des entreprises innovantes, des opérateurs de télécom, de la presse sera affecté par la maîtrise des géants américains sur l’information.

Quelle sera donc la décision de l’Europe face à la fronde des entreprises et des médias ? Rendez-vous en 2019 pour le savoir !