Enseignes physiques : le logiciel à revoir...

Avènement du e-commerce, contraction du marché … Les enseignes physiques sont poussées à se renouveler. Toucher au système caisse et à l’ERP d’une enseigne, c’est ce qui renversera l’expérience magasin !

Avancer que les enseignes physiques sont dans la tourmente depuis déjà de nombreuses années relève d’une lapalissade. Nombreux sont les observateurs à le signaler, à chaque période de soldes, à chaque placement en redressement judiciaire, mais sans jamais pointer les véritables causes des maux en présence. Au final, le torrent de vérités niaises alimente un brouhaha général qui n’éclaircit en rien le débat. Coupons cours au torrent.

En premier lieu, depuis de nombreuses années, des tendances de fond sont venues impacter la part des dépenses faites par les ménages français dans les enseignes physiques. Ceci a abouti à une première contraction, d’ailleurs peu avancée comme explication à date.

En effet, l’augmentation des prix de l’immobilier depuis près de quarante ans, l’apparition de nouveaux types de dépenses tels que des forfaits téléphoniques sont autant de postes de dépenses qui ont créé un arbitrage des consommateurs en défaveur des enseignes physiques. Le fondateur d’un grand groupe textile m’avouait il y a un an que les magasins les plus performants de son réseau étaient ceux qui se situaient dans des zones au faible prix par mètre carré. Sur cet axe, les enseignes physiques ne peuvent que prendre acte.

Par-dessus cette contraction est venu s’additionner l’impact de l’avènement du e-commerce, plus précisément de la qualité de l’expérience client offerte par les pure players. Lorsque les pures players atteignent 10% des ventes de détail, la sur-contraction se transforme alors en crise pour des enseignes ceinturées par des portefeuilles moins généreux et par une expérience client ringardisée.

Dans un tel contexte où l’offre devient supérieure à la demande, les enseignes les moins bien positionnées (manque d’attractivité prix, manque de différenciation et/ou faiblesse de la marque) sont les premières victimes. Les enseignes ont subi la situation, et ont repris à leur compte le discours marketing des pures players consistant à avancer que les magasins physiques étaient morts. En conséquence, elles ont privilégié la tactique de suivre les pures players en essayant de faire aussi bien et oubliant par la même occasion leurs réseaux, s’avérant pourtant être un asset à l’avantage compétitif décisif en plus de représenter plus de 90% de leurs ventes. Le magasin n’est pas mort mais le logiciel, la philosophie de l’expérience client est à revoir.

En effet, habitué à l’e-commerce, près de 70% des consommateurs sont en attente de nouveaux services en magasin afin d’y vivre une nouvelle expérience, aussi moderne que l’e-commerce : ne plus se déplacer pour un produit finalement pas en stock, ne pas faire la queue pour payer, commander et se faire livrer à domicile, etc. En plus d’une expérience plus qualitative, ces services démontrent un ROI élevé. Ils sont le véritable atout décisif, pour sortir de sa tourmente. Les enseignes en sont déjà convaincues, même si le virage est entamé bien trop lentement. Préparer ce virage revient à sécuriser trois facteurs clés de succès :

  1. Accompagner les équipes de vente dans ces nouveaux services. Ceci n’est plus un enjeu puisqu’elles sont déjà séduites, mais demandent de disposer d’un outil simple et intuitif.
  2. Définir des schémas comptables inexistants à date : il s’agit principalement de traiter des cas où un produit est acheté sur un canal mais dont le stock est prélevé sur un autre. Aussi, il s’agit de déterminer où le chiffre d’affaires est affecté et où le stock est défalqué. Ce sujet est une problématique à traiter mais non un problème.
  3. Faire évoluer de manière inévitable leur infrastructure technique

C’est ce dernier point qui freine la transformation de l’expérience magasin. Toucher au système caisse et à l’ERP d’une enseigne revient à intervenir sur son "cerveau".

Mort programmée du système de caisse

Et pourtant, transformer l’expérience client actuel passe par la mort programmée du système caisse ancestral. Oui, sa mort est programmée, et ce pour plusieurs raisons :

En premier lieu, embarquer un nombre aussi important de nouveaux services au sein d’un système d’encaissement implique une redéfinition totale des interfaces vendeurs. Ces mêmes interfaces qui constituent l’outil quotidien des vendeurs et qui doivent être intuitives sous peine que ces derniers, par manque de compréhension, n’opèrent pas leurs tâches. L’afflux de ces fonctionnalités est tel qu’il ne s’agit pas de les aménager mais d’en changer drastiquement les codes historiques pour adopter un design semblable à des sites e-commerce. A date, les solutions d’encaissement historiques ne sont pas conçues pour d’autres fonctionnalités que de l’encaissement. Elles ne prévoyaient nullement l’insertion de ces nouveaux services, et conservent des interfaces anciennes et peu intuitives.

D’ailleurs, la plupart des versions actuellement déployées ne contiennent pas de telles fonctionnalités. Elles peuvent exister dans de toutes nouvelles versions logicielles de ces éditeurs qui alors tentent de convaincre les enseignes, pour en disposer, d’opérer une migration vers l’évolution la plus récente. Or, ces migrations sont longues (six mois à un an minimum), complexes, consommatrices de ressources, et chères ! Bref, un "tue l’amour", un "tue timing" car durant cette période, l’enseigne doit geler la plupart de ses projets de modernisation.

Pire, lorsque ces nouvelles versions disposent de ces fonctionnalités, ces dernières sont réalisées avec une certaine négligence. Elles n’ont que le nom de la fonctionnalité sans en avoir l’ADN pour qu’elle puisse être performante et apporter le ROI attendu. En effet, la performance de ces fonctionnalités passe par une approche de conception qui est étrangère aux éditeurs historiques : l’expérience vendeur et le ressenti du client final doivent impérativement être partis intégrantes de la conception. A date, les éditeurs historiques les conçoivent avec leur approche historique technico-technique dans laquelle le contact avec le client final n’existe pas, et le vendeur est considéré comme un simple exécutant. Un certain nombre d’échecs ont déjà été constatés, pas étonnant puisque dans cette nouvelle ère, le vendeur est le bras armé ultime de l’expérience client.

Ce changement de paradigme dans la philosophie de l’outil a laissé une place pour de nouveaux types d’éditeurs, plus modernes, fonctionnellement plus riches, plus intuitifs, mais aussi moins matures que les éditeurs historiques sur la partie encaissement. Un bras de fer a commencé entre ces deux écoles, qui ne sont d’ailleurs pas incompatibles tant elles peuvent être associées, et c’est certainement la meilleure solution à date.

Voilà où en sont les enseignes physiques. Le challenge est à leur portée ! Le retail en a sous le pied. Cependant, cela passe une situation délicate qui consiste à toucher au "cerveau central" de l’enseigne alors que le business doit être "as usual". Au final, c’est bien le logiciel de l’expérience client qui est à renverser, au sens figuré… comme au sens propre.