L’intelligence du commerce, c’est sa faculté d’adaptation

La "retail apocalypse" n'est pas pour 2019. Face à la déferlante Amazon, le retail devient de plus en plus "smart", non seulement parce qu’il se digitalise mais aussi parce qu’il démontre sans cesse sa capacité à s'adapter à son environnement.

L’année qui vient de s’écouler a largement témoigné de la capacité du secteur à innover, notamment dans le commerce de proximité. Et pour se réinventer aujourd'hui, les enseignes du retail agissent comme des startup...

En fin d’année dernière, Amazon dépassait le cap des 1000 milliards de capitalisation boursière. La firme de Jeff Bezos a été capable en 2017 d’expédier plus de 5 milliards de commandes. Et en posant ses pions dans d’autres secteurs comme l’e-santé, elle ne compte pas s’arrêter là. Amazon semble inarrêtable et fait planer l’ombre d’une "retail apocalypse" sur les acteurs traditionnels du secteur. Mais le retail résiste : il ne cesse de se réinventer, y compris ses acteurs historiques, et y compris en France, où la distribution a témoigné récemment d’une formidable énergie créative.

 

Le retail devient de plus en plus "smart" non seulement parce qu’il se digitalise - la littérature à ce sujet est vaste, et c’est un fait indéniable -, mais aussi parce qu’il démontre sans cesse sa grande faculté d’adaptation à son environnement. C’est une qualité inestimable, qu’il a déjà su prouver par le passé. C’est elle qui lui a permis de réussir là où les VPCistes avaient échoué, faute d’avoir su s’adapter. L’année qui vient de s’écouler a largement témoigné de la capacité du secteur à innover, notamment dans le commerce de proximité. Darwin, le nom du dernier concept de Franprix, est à ce titre révélateur, mais les exemples sont nombreux.  

Innover les services et l’expérience client, ou disparaître  

Pour le commerce de proximité, innover nécessite de se poser en permanence cette question fondamentale : qu’est-ce qui me rend plus proche du consommateur ? Et en France, nous avons trouvé au moins deux réponses : innover dans l’expérience client pour répondre aux envies des consommateurs d’une part, et innover dans les services pour répondre à leurs contraintes. Sur l’expérience client, on innove tous azimuts : le nouveau flagship store d’Etam sur les Champs Elysées est un magasin connecté et omnicanal qui redouble d’inventivité pour toujours placer le client au cœur du dispositif, en misant sur l’émotionnel, le "retailtainment". Les "Beauty Hubs" de Sephora permettent aux clientes de la marque de tester virtuellement de nouveaux looks. Le partenariat original entre L’Oréal et Franprix a donné le jour au concept innovant du Drugstore Parisien. Les magasins Franprix deviennent aussi des lieux de restauration.

Concernant l’innovation dans les services, le retail n’est pas non plus en reste. Franprix, encore lui, est la première enseigne à tester la livraison à domicile en l'absence du client, et pourrait très bientôt généraliser la démarche. E. Leclerc vient d’ouvrir sur Paris son premier E. Leclerc Relais, son service de drive piéton. Monoprix teste pour ses clients la possibilité de voir apparaître sur leurs smartphones le parcours qu'ils devront faire en magasin pour trouver des articles dotés d'étiquettes intelligentes – un gain de temps indéniable. Ikea veut se rapprocher de ses clients en regagnant le centre-ville, plus accessible pour eux : il ouvrira un magasin à Madeleine d’ici l’été 2019. Gain de temps, là encore. Et ce n’est pas fini : cette année, Intermarché ouvrira à Paris un magasin géant en click & collect.

Le corps d’un géant, l’esprit d’une startup  

Le retail de proximité est à la pointe de ces mutations grâce à son agilité. Désormais, les enseignes n’hésitent plus à expérimenter à la manière des startup, à nouer des partenariats stratégiques... Ces innovations, qui placent toujours le client au centre du dispositif, sont conçues avec un état d’esprit qui rappelle celui du design thinking : de l’empathie (partir des besoins réels des clients) au test and learn. On assiste à une multiplication des partenariats : le "Drugstore Parisien" existe aujourd’hui grâce à une collaboration "en mode startup" (dixit Jean-Paul Mochet, Directeur général des enseignes de proximité du groupe Casino) entre deux enseignes issues d’univers différents (la grande distribution et les cosmétiques). Franprix entame aussi un partenariat avec la startup Glovo pour la livraison à domicile en moins de 30 minutes. On assume parfaitement les temps courts : le pop store d’Etam a été monté en moins d’un mois. En permanence, on adapte l’offre aux réalités de la zone de chalandise. Et, donc, on fait du "test & learn" : moins figés qu’auparavant, les concept magasins deviennent des laboratoires où l’on expérimente de nouvelles offres et de nouveaux services sur une partie du réseau, tout au long de l’année.

Pour initier cette dynamique, la clé pour ces enseignes est d’être dirigées par des équipes sachant allier la connaissance de la distribution, l’esprit intrapreneur pour oser expérimenter, l’agilité pour s’adapter en permanence, et la force d’entrainement des équipes sur le terrain. Des skills incontournables pour faire avancer le secteur dans la bonne direction, dont le binôme Jean-Paul Mochet–Cécile Guillou (Directrice générale de Franprix) est un exemple particulièrement intéressant.

Renforcée par la data qui amène la connaissance client à un niveau inédit, cette agilité permettra de proposer à chaque client l’expérience qui lui convient le mieux. Elle réalise en fait un vieux rêve du commerce : considérer chaque client comme quelqu’un d’unique. Et sur ce point, le commerce de proximité dispose d’une force qu’Amazon n’a pas : la capacité à incarner cette agilité en femmes et en hommes sur les points de vente.