La fraude publicitaire : une menace mondiale persistante

La fraude publicitaire semble avoir enfin marqué le pas. Les actions mises en place dans de nombreux pays en faveur de plus de transparence dans l’univers du numérique participent sans conteste à cette dynamique.

Le montant annuelle de la fraude publicitaire est par définition difficile à évaluer. Dans un rapport publié en 2016 par la WFA (Association mondiale des annonceurs), nous estimions à plus de 50 milliards de dollars le montant que pourrait atteindre la fraude publicitaire d’ici 2025 dans le monde, sur un marché global de la publicité digitale estimé alors à 500 milliards de dollars.

Mais ce chiffre était fondé sur le maintien de la part de la fraude à 10 %. Or, il n’est pas irréaliste d’imaginer que les fraudeurs de publicité pouvaient augmenter leur gain au-delà de 10 %. Si ce chiffre était multiplié par deux, soit 100 milliards de dollars en 2025, la fraude publicitaire deviendrait probablement le deuxième revenu des activités criminelles dans le monde, après le trafic de drogue. 

Aujourd’hui, trois ans après la publication de ce rapport, il semble que le temps soit venu de faire le point sur la menace que représente la fraude. 

Selon le rapport publié en mai dernier par WhiteOps et l’ANA aux États-Unis (Association of National Advertisers), la fraude semble avoir enfin marqué le pas. Cette longue étude montre que, sur 2 400 campagnes et 50 clients, la fraude publicitaire a diminué de 11 % en 2 ans, pour tous les formats mesurés (vidéo et affichage). Cette diminution de l’importance de la fraude publicitaire observée aux Etats-Unis, si elle se confirme, est une excellente nouvelle. Elle ne peut être obtenue sans une mobilisation mondiale de tout l’écosystème mondial de la publicité digitale et des annonceurs en particulier. Les actions mises en place dans de nombreux pays en faveur de plus de transparence dans l’univers du numérique participent sans conteste à cette dynamique.

C’est notamment le cas de l’initiative française Digital Ad Trust portée par le SRI, l’UDECAM, le GESTE, l’Union des marques, l’ARPP et l’IAB France. Ce label a déjà été attribué à 136 sites qui remplissent un cahier des charges précis en matière de lutte contre la fraude, d’optimisation de la visibilité, d’amélioration de l’expérience utilisateur, de sécurité pour les marques des environnements et de protection des données personnelles. Plusieurs agences et annonceurs se sont déjà, eux aussi, engagés à plus de responsabilité. En février dernier, 15 grandes marques signataires du programme de communication responsable de l’Union des marques et leurs agences se sont engagées en faveur du développement de leurs communications digitales sur les sites offrant un environnement numérique responsable.

Des développements importants ont également été opérés pour détecter et punir la fraude. Les médias numériques, et le programmatique en particulier, sont une industrie jeune. Les résultats des recherches de la WFA ont récemment montré que 92 % des annonceurs s'accordent pour dire que la fraude publicitaire est perpétrée par l’organisation même de l'écosystème des médias numériques. En effet, les procédures pour authentifier les acheteurs et les vendeurs ont jusqu’à maintenant été absentes. La norme internationale Ads.txt initiée par l’IAB en 2017, obligatoire pour monétiser un site, a permis d'introduire des procédures permettant de déterminer si un vendeur est autorisé à vendre un inventaire donné. Cela aide à réduire l'usurpation de domaine.

Malgré la complexité et le temps requis pour obtenir des résultats, il est extrêmement encourageant de voir des inculpations fédérales aux Etats-Unis prononcées notamment à l’encontre des opérations 3ve et Methbot. Ces deux réseaux cybercriminels avaient en effet réussi à piéger annonceurs et régies publicitaires en détournant plusieurs millions de dollars chaque jour. Ces inculpations démontrent que les cybercriminels peuvent aujourd’hui être tenus responsables de leurs actes et faire face à de réelles conséquences.

Ces résultats et initiatives sont essentiels mais nous souhaitons vivement mettre en garde contre une menace mondiale persistante. Il va être difficile pour les vertueux de rester en avance sur les criminels. La fraude publicitaire ne suit pas le même modèle dans le monde et il existe des nuances régionales et locales importantes. La Chine en est le parfait exemple, avec un marché axé sur l’offre qui ne permettait, jusqu’à récemment, aucune forme de vérification.

L’identification de réseaux de bots tels que 3ve est une grande avancée, mais nous ne devons pas négliger les data centers qui génèrent des données dénuées d’utilisateurs humains et ne cessent de se multiplier. Bien que nous comprenions que les acteurs de l’ad-verification, dont les outils sont essentiels à la lutte contre la fraude, sont en concurrence les uns avec les autres, nous souhaitons encourager un plus grand partage des techniques et des technologies au sein de cette communauté et favoriser leur contrôle. Des méthodologies exclusives limitent le potentiel de ce qui peut être réalisé collectivement.

Malgré des premiers progrès constatés dans la lutte contre la fraude publicitaire, nous faisons preuve d’un optimisme prudent quant à l’avenir. La fraude reste un problème profondément enraciné et capable d’un renouvellement permanent, qui nécessite un examen continu, une plus grande normalisation des outils et des moyens de lutter et une collaboration mondiale plus large.

La WFA, l’Union des marques et les 60 associations nationales d’annonceurs seront toujours engagées et actives dans ce combat pour plus de transparence et de responsabilité.    

Jean-Luc Chetrit, Directeur général de l’Union des marques et Stephan Loerke, CEO de la WFA (World Federation of Advertisers)