Quatre défis que les fabricants devront relever dans l’implémentation de nouvelles technologies

Le secteur industriel – comme beaucoup d’autres – se tourne aujourd’hui vers un modèle commercial basé sur les abonnements, connu sous le nom de servitisation.

Alors que les industriels implémentent les procédés et ressources nécessaires pour établir la servitisation, la mise en place de nouvelles technologies constitue un élément clé du succès. Plus particulièrement, le machine-learning et l’analyse prédictive seront essentiels pour la maintenance prédictive, l’optimisation des procédés et la gestion de la supply chain. Ces technologies génèrent de nombreuses opportunités d’établir un avantage concurrentiel significatif, elles confrontent également à de nouveaux défis spécifiques au secteur de l’industrie.

Voici quelques-uns des principaux défis à relever :
1. Une connectivité des données efficace et sure

Les équipements complexes et capitaux (pensez aux équipements de construction, équipements agraires ou la machinerie industrielle) sont construits et conçus pour durer, en moyenne, 30 à 40 ans. En conséquence, ces machines se doivent d’être robustes. Aujourd’hui, la majorité des équipements de service a encore plus de 20 à 30 d’espérance de vie devant elle. Cependant, la plupart de ces produits n’ont pas été conçu pour une connectivité IoT – générant un défi à relever à posteriori pour adapter les équipements à l’aide de pièces de connectivité IoT.

En parallèle, une majorité de ces équipements opère dans les environnements les plus rudes et accidentés du monde. Qu’il s’agisse d’une électro-pompe immergée à 1000 mètres sous la surface de l’eau ou d’un camion minier dans une mine isolée avec peu de réseau, connecter efficacement ce genre d’équipements pour collecter des données pertinentes constitue un défi difficile à relever et souvent très onéreux. Et même si l’industriel arrive à connecter son équipement, il y a un nouveau challenge pour le faire de manière à assurer le niveau de cybersécurité. Des entités indépendantes pourraient accéder de manière malveillante à ces équipements et causer des conséquences économiques et de sureté conséquentes – qui peuvent aller jusqu’à toucher la sécurité nationale dans certains cas.

2. Des données clairsemées

De nouveaux algorithmes de machine-learning, comme le deep learning et les réseaux neuronaux récurrents, ont généré des avancées considérables de certaines capacités comme la reconnaissance vocale et visuelle. Cependant, ces algorithmes nécessitent beaucoup de donnés, des millions – voir des milliards – de point d’entrées similaires sur des millions d’utilisateurs. Parce que les équipements industriels complexes sont conçus pour survivre à des décennies, les défaillances sont rares. Pensez-y : il n’y a eu que très peu des défaillances mécaniques au cours des vols de l’ensemble de la flotte commerciale internationale, qui s’élève à près de 30 000 appareils ! En comptant 2,5 moteurs par avion, le nombre de moteurs de cette flotte atteint à peine les 100 000. Bien qu’il s’agisse d’un nombre important en soi, il paraît minime lorsqu’on réalise qu’il y a une grande variété de moteurs. En conséquence, chaque catégorie de moteurs compatibles réunit donc un très petit nombre d’engins.

Les fabricants d’équipements industriels ou de biens durables sont réticents au partage de données, particulièrement vis-à-vis de la concurrence. La problématique d’une connectivité efficace, des défaillances rares et du nombre relativement restreints d’équipements similaires au sein d’une flotte mène à des problèmes de données clairsemées dans la réalité industrielle de l’IoT.

3. Connaissance du milieu

Alors que la connaissance du milieu est nécessaire pour implémenter avec succès le machine-learning et l’analyse prédictive dans le monde de la consommation, dans le milieu industriel, c’est encore plus critique. Les machines et les procédés sont conçus sur la physique et des principes d’ingénierie.  Le contexte au sein duquel chaque machine opère et se comporte est essentiel pour les modèles d’entrainement et l’analyse des résultats. Sans un contexte adapté, un effet de "garbage in, garbage out (GIGO)" se crée car les capteurs de données et les machines ne peuvent capter ou fournir le contexte par elles-mêmes. C’est là que le rôle des experts du milieu, qui peuvent donner un sens aux données historiques pour une formation pertinente et une interprétation exacte des résultats sont essentiels.

L’impact d’une décision erronée peut avoir des résultats onéreux – et parfois catastrophiques – qui ne sont pas perceptibles dans l’univers de la consommation. Par exemple, le détournement d’un avion en cours de vol peut coûter des millions de dollars à une compagnie aérienne. Si la décision est prise sur les recommandations d’une mauvaise donnée ou d’une prédiction incorrecte, c’est une erreur coûteuse ! En tant que particuliers, nous avons des notions d’expertise dans le domaine de la consommation, tandis qu’une équipe d’ingénieurs avec les qualifications adéquates de conception, d’opération et de maintenance est très rare. Ce fait, combiné au problème de la retraite de baby-boomers qui génère une perte d’expertise significative, constitue un défi pour retenir les connaissances et les meilleures pratiques nécessaires pour créer de la valeur.

4. La propriété des données

Aujourd’hui, dans l’univers industriel, il n’y a pas de normes pour la sécurité des données, leur propriété ou leur accessibilité. De nombreux industriels se démènent pour déterminer qui possède ou peut accéder à leurs données. Est-ce l’industriel qui fabrique et gère l’équipement ? Ou le tiers-parti qui le loue et l’utilise ? Ou encore, l’entité financière qui en est peut-être propriétaire légale ? Qu’en est-il du fournisseur qui fournit les pièces détachées d’un équipement plus complexe (par exemple un moteur d’avion qui marche dans un appareil, avec des pièces fabriquées par différentes entités) ?

Les industriels étant en général plutôt frileux face à la prise de risque, sont très conservateurs dans leur interprétation et leur application des réglementations issues des autres industries, dont celles des normes de sécurité des données. Cela les limite dans l’adoption de procédés et de stratégies connectés. Le monde de l’industrie doit accélérer ses efforts pour établir des standards ainsi qu’un réseau de régulations concernant la propriété des données, le partage, l’interopérabilité et les tests de systèmes et de sécurité finale, de manière à surpasser les blocages pour une adoption rapide de ces technologies et atteindre les bénéfices attendus.

Le changement vers la servitisation exigera des industriels de revoir complètement leur manière d’opérer – grâce à de nouvelles structures organisationnelles, et des ressources qualifiées, de nouveaux modèles d’incitation, de nouveaux KPI pour mesurer la réussite et de nouveaux procédés. Ils devront centrer leur organisation sur les données en investissant dans les technologies nécessaires pour connecter et suivre les produits, collecter les données et analyser efficacement un grand nombre de données opérationnelles et de service, en employant des technologies telles que l’IoT, le machine-learning et l’analyse prédictive. Cela mettra à rude épreuve les organisations existantes et les infrastructures IT, en exigeant des investissements dans des solutions cloud évolutives pour établir la fondation des succès futur. Les industriels qui adhéreront à ces changements seront gagnants, quand les autres seront en difficulté pour se maintenir. En effet, ceux qui peuvent s’adapter à ces nouveaux modèles gagneront un avantage compétitif conséquent ainsi que des parts de marché.