La maîtrise des données permettra au secteur de l’industrie de briser les silos

Avec l’avènement de l’industrie 4.0 et l’essor de l’IoT, les secteurs de l’industrie lourde comme la production industrielle, la construction ou encore les transports sont de plus en plus connectés.

Selon les prévisions de Gartner, 25 milliards d’objets connectés seront utilisés à travers le monde d’ici 2021. Les importantes quantités de données produites par ces objets seront autant d’informations qu’il faudra savoir récolter, traiter et exploiter pour en tirer une véritable valeur ajoutée. Pour ce faire, les entreprises devront être capables de comprendre ces données. En d’autres termes, il leur faudra maîtriser la "data literacy" qui peut se traduire par le terme de "datalphabétisation".

Les bénéfices, si elles y parviennent, ne sont pas négligeables. Selon le Data Literacy Index réalisé par la Wharton School et le cabinet d’étude IHS Markit, les entreprises qui réussiront à améliorer leur capacité à utiliser les données pourraient voir leur valeur augmenter de 3% à 5%, soit une augmentation considérable de 324 à 534 millions de dollars.

Une culture de la donnée qui n’est pas maîtrisée

Pour le monde de l’industrie lourde, la tâche n’est pourtant pas aisée. Toujours selon ce même Index, les dirigeants de ces secteurs ont reconnu n’avoir pas confiance dans le niveau de data literacy de leur entreprise, soit leur capacité à comprendre, analyser et argumenter avec les données. Parmi les participants à l’étude, seuls 59% avaient entendu parler de culture de la donnée, là où la connaissance de ce concept atteint 67% en moyenne tous secteurs confondus, et ce malgré le fait que la quasi-totalité des participants (97%) reconnaît par ailleurs l’importance des données dans les prises de décisions de l’entreprise.

La valeur, ou plus précisément le peu de valeur, que les leaders de l’industrie lourde accordent à la maîtrise des données semble être en partie à l’origine du problème. Malgré les conversations soutenues au sujet de l’industrie 4.0 et l’essor de l’IoT, moins de la moitié des leaders interrogés dans le cadre de l’étude considèrent comme pertinente la maîtrise des données pour leur secteur. Et les choses ne semblent pas prêtes de changer puisque moins d’un tiers (30%) des participants estiment que la maîtrise des données est un facteur très important dans le cadre d’un processus de recrutement, ce qui laisse penser que les compétences liées aux données ne représentent pas une priorité pour l’ensemble des leaders de ce secteur.

Une richesse de données peu exploitée

Compter sur des usines intelligentes et des outils connectés d’un côté et, de l’autre, n’avoir qu’une faible volonté de comprendre les données produites par ces innovations semble contradictoire. Si une partie des dirigeants reconnaissent la valeur qu’il y a à connecter les lignes de production avec les processus et le matériel, beaucoup ont encore une approche très cloisonnée de leur métier. Cela peut se traduire, par exemple par des investissements dans des capteurs permettant d’effectuer un suivi des poids lourds à des fins d’entretien, tout en s’équipant d’une technologie distincte pour suivre leurs déplacements, sans réfléchir à la manière de faire fonctionner les deux ensemble. Ce type d’approche engendre la création de silos de données et empêche d’avoir une vision globale qui permettrait de tirer profit de ces données.

Ce constat se confirme dans les résultats de l’étude, où l’on constate les faibles attentes des dirigeants envers leurs employés en matière de maîtrise des données. Seuls 14% des participants issus des secteurs de l’industrie lourde incitent fortement leurs équipes à se familiariser avec les données, et moins d’un tiers (32%) offrent des formations de datalphabétisation. Fait encore plus révélateur, seulement un quart des participants déclarent qu’ils sont prêts à verser un salaire plus élevé aux employés capables de maîtriser les données.

Une réelle avance en matière d’analyse des données

Il y a certains points sur lesquels l’industrie lourde travaille néanmoins. Malgré un plus faible usage des données à des fins de prises de décisions que dans les autres secteurs, l’industrie lourde se place au-dessus de la moyenne, tous secteurs confondus, en matière d’analyse des données, comme le révèle le Data Literacy Index. 37% des participants issus des secteurs de l’industrie lourde déclarent que l’analyse des données a une influence sur la mesure de la performance et les prévisions en matière de demande, avec 11 points d’avance par rapport à la moyenne. En regardant de plus près l’industrie lourde, on constate que 73% des ingénieurs ont recours à l’analyse de données, loin devant les secteurs de la banque (54%), du retail (56%) ou des services (58%).

L’analyse de données étant souvent la première étape d’une bonne compréhension des données, ce constat est encourageant. Comme dans tout secteur, il existe au sein de l’industrie lourde des exemples d’industriels conscients de la puissance des données, tout comme il en existe d’autres qui rejettent les données en bloc. La plupart des entreprises se situent quelque part entre les deux, probablement aux prises avec leurs propres contradictions.

Une chose est sûre, multiplier les investissements technologiques pour obtenir de nouvelles opportunités n’est pas suffisant, et seule une meilleure maîtrise des données permettra aux entreprises de véritablement réussir. Les acteurs de l’industrie lourde ont donc tout intérêt à se mettre à la page, sans quoi ils risquent de perdre du terrain sur leurs concurrents et de passer à côté des opportunités de développement offertes par cette époque axée sur les données.