Amazon envahit le monde avec son intelligence artificielle Alexa

Amazon envahit le monde avec son intelligence artificielle Alexa Fabricants IoT, constructeurs automobiles, fournisseurs de services… Amazon tisse sa toile pour intégrer son assistant personnel dans un maximum de produits.

Alexa, l'assistant personnel d'Amazon, est devenu une pieuvre tentaculaire capable comme dans les contes de changer de forme comme bon lui semble. Cette solution basée sur la reconnaissance vocale est intégrée dans plus d'une centaine d'objets connectés fabriqués par des constructeurs tiers. Le Consumer Electronics Show de Las Vegas, qui s'est déroulé en janvier dernier, a permis à de multiples entreprises d'annoncer des partenariats avec le géant du e-commerce : Whirlpool, Lenovo et LG utilisent par exemple le système pour commander respectivement leurs lave-linge, enceintes et réfrigérateurs communicants. L'ensemble des véhicules de Ford équipés du système d'information Sync 3 seront équipés d'Alexa cet été. L'assistant pourra lire des livres aux occupants de la voiture ou encore ouvrir les portes de leur garage à la demande.

Les partenariats avec les spécialistes de l'IoT sont essentiels pour Amazon, qui n'est pas un fabricant d'objets physiques

Amazon avait au départ intégré son IA à un haut-parleur intelligent maison baptisé Echo, sorti aux Etats-Unis en mars 2015. Cet appareil permet notamment à ses utilisateurs de commander des articles sur le site de vente en ligne du groupe. Grâce à ce nouveau canal de commercialisation, la branche e-commerce du géant pourrait réaliser 7 milliards d'euros de chiffre d'affaires supplémentaires d'ici 2020, selon la banque japonaise Mizuho. "Amazon a compris qu'il gagnerait la partie face à ses concurrents en intégrant des entreprises extérieures à sa démarche pour construire un écosystème plus riche, comme l'a fait Apple en ouvrant son Apple Store aux développeurs tiers", souligne Mouloud Dey, directeur stratégie et nouvelles technologies chez l'éditeur SAS. "En multipliant les partenariats, la compagnie espère s'infiltrer dans de nouvelles verticales de marché comme l'énergie, la banque ou encore l'automobile et faire gonfler son chiffre d'affaires", complète Julien Maldonato, directeur conseil spécialiste des sujets d'innovation dans l'industrie financière chez Deloitte.

Pour tisser sa toile, l'entreprise a construit des accords de différentes natures. "Elle travaille avec des fabricants d'objets connectés. Certains, comme Philips et ses ampoules communicantes Hue, sont pilotés par le haut-parleur intelligent d'Amazon. C'est ce dernier qui analyse la voix et transmet les commandes à l'appareil, qui n'est qu'indirectement lié à Alexa", explique Sébastien de la Bastie, directeur général du fabricant IoT Invoxia. "D'autres, comme nos enceintes connectées portables Triby, sont immédiatement reliés à l'IA. Ils doivent être capables de capter le son et de le transmettre au logiciel de reconnaissance vocal, c'est plus complexe". La multinationale collabore également avec des fournisseurs de service qui intègrent Alexa dans des applications mobiles ou sur leur site web pour communiquer avec leurs clients et étendre leur offre.

Les partenariats avec les spécialistes de l'IoT sont essentiels pour Amazon, qui n'est (à l'exception de son haut-parleur Echo et de ses deux petits frères, Amazon DOT et Amazon Tap) pas un fabricant d'objets physiques. "Les êtres humains interagissent avec l'ensemble de leurs sens. La voix et l'oreille bien sûr, mais également le toucher et la vue. Pour développer des relations étroites avec ses utilisateurs et donc les garder sur le long terme, Alexa doit être intégrée à des objets du quotidien, adaptés à un contexte donné. Notre Triby est une enceinte destinée à la cuisine. Amazon a noué des relations avec d'autres fabricants de matériel électronique pour des contextes différents comme la chambre à coucher ou la voiture", note Sébastien de la Bastie.

Triby est le premier objet connecté à intégrer directement Alexa. © Invoxia

La jeune pousse Invoxia a été directement contactée par Amazon pour intégrer Alexa à son objet connecté Triby. "Le groupe nous a choisi pour notre expérience dans le captage du son à distance. Nos enceintes sont capables de traiter une voix qui a rebondi sur les murs et le plafond d'une pièce et qui est donc enregistrée par l'appareil avec un écho. Le signal que Triby transmet au logiciel est 'propre'. Contrairement aux fabricants traditionnels d'enceintes comme Bose, qui sont également des spécialistes du traitement des ondes sonores, nous avons construit notre système sur la base d'un logiciel cloud qui a facilité l'intégration d'Alexa", détaille le dirigeant. Et de poursuivre : "Lorsque nous avons répondu, les ingénieurs de la firme avaient déjà réalisé une série de tests de qualité poussés sur nos produits."

Le géant du net a investi en octobre 2015 un montant tenu secret dans Invoxia via son fonds d'investissement Alexa Fund, doté de 100 millions de dollars. "Nous sommes la première entreprise européenne à avoir bénéficié d'un tel investissement. Amazon nous a soutenu car nous somme le premier fabricant IoT à intégrer directement Alexa à l'un de nos produits. Nous avons été leur poisson-pilote car la plateforme était encore en cours de finalisation. Cette intégration a demandé six mois de travail à nos ingénieurs qui ont collaboré étroitement avec le laboratoire acoustique du groupe", raconte le patron.

Maintenant que la plateforme est finalisée, Alexa a une force d'attraction suffisante pour qu'Amazon n'ait pas besoin d'investir directement de l'argent dans les entreprises partenaires. "Les fabricants IoT sont intéressés par cette interface vocale car le clavier et la souris vont progressivement tomber en désuétude. Les interactions homme-machine évoluent progressivement vers quelque chose de plus naturel", souligne Julien Maldonato, de chez Deloitte.

"Amazon fait face à un goulet d'étranglement technique pour intégrer son IA à des appareils physiques"

Mais pour que le système de reconnaissance vocale fonctionne parfaitement et qu'Alexa garde la réputation d'être une interface de qualité, cette intégration demande tout de même un investissement en temps des ingénieurs d'Amazon. "La multinationale fait face à un goulet d'étranglement technique pour intégrer son IA à des appareils physiques. Je pense que de très nombreuses entreprises l'ont contacté mais qu'elle n'a pas suffisamment de ressources techniques à consacrer à ce projet en interne pour satisfaire toutes les demandes", suppose Sébastien de la Bastie. L'incorporation d'Alexa à des objets connectés pourrait aller encore plus vite.

"Les règles qui régissent les relations tissées par Amazon avec sa nouvelle galaxie de partenaires, qu'ils soient issus du monde des services ou des produits, ne sont pas encore gravées dans le marbre", affirme Mouloud Dey, de SAS. Pour le moment, ils payent au groupe une certaine somme, qui augmente en fonction de la quantité d'informations vocales traitée par Alexa. Mais la compagnie ne va pas se contenter de ce business model. Amazon, qui stocke les données collectées par sa plateforme IA dans ses data centers et est capable d'en comprendre le sens va monétiser directement le contenu de ces informations. Exemple : "Le chinois Huawei a intégré par défaut Alexa à son nouveau smartphone, le Mate 9. Le traitement par l'entreprise de Jeff Bezos des données vocales captées par ces appareils fait évidemment partie du deal", souligne le consultant de Deloitte.

La majorité des partenaires de la multinationale ne travaille pour le moment qu'avec Alexa car la plateforme est disponible et fonctionnelle. "Mais c'est un choix tactique de court terme, pas une stratégie de long terme. Ils ont tout intérêt à laisser à leurs clients le choix de l'interface avec laquelle ils veulent communiquer. Les accords avec Amazon ne sont pas exclusifs", indique Julien Maldonato. Invoxia travaille par exemple en ce moment avec deux autres entreprises qui ont développé des assistants vocaux proches de celui du groupe d'e-commerce.