Amazon, Google, Apple… Qui remporte le match des applications vocales ?

Amazon, Google, Apple… Qui remporte le match des applications vocales ? Les géants du net doivent se battre sur plusieurs fronts pour emporter le morceau et espérer devenir leader de ce secteur prometteur.

Amazon, Apple et Google sortent les gants de boxe. Les trois multinationales ont respectivement présenté au public Echo, HomePod et Google Home, leurs haut-parleurs équipés d'un assistant vocal. Elles veulent maximiser l'adoption de leur appareil domotique et de son IA pour se positionner sur ce marché en plein boom. En 2017, 35,6 millions d'Américains utilisent ces enceintes au moins une fois par mois, estime le cabinet eMarketer. L'un des éléments clefs pour attirer le chaland : développer des applications vocales fonctionnelles, utilisées par les clients à long terme.

Nombre d'applis : avantage Amazon, Google en embuscade

Pour réussir ce défi, Amazon a ouvert son store d'applis orales à des tiers en avril 2017. "Le groupe s'est aperçu qu'il ne pourrait pas inventer seul tous les usages potentiels de son IA Alexa", indique Roger Kay, associé du cabinet Endpoint Technologies. Google a lui aussi ouvert son software development kit (SDK) aux développeurs en avril dernier.

Sur les 6 240 skills ajoutés sur le store Alexa entre juillet et septembre 2017, seules 1 750 ont été notées par leurs utilisateurs, 215 applications seulement comptaient 10 notes ou plus

"Pour le moment, c'est Amazon qui leur donne le plus de guidelines, mais cette tendance pourrait s'inverser. Google choie les développeurs, il organise chaque année la conférence Google I/O qui leur est dédiée. Il devrait profiter de la prochaine édition pour essayer de stimuler la production d'applis vocales", note le consultant Nicolas Mourier. L'IA d'Apple, Siri, peut quant à elle se connecter avec un petit nombre d'applications tierces triées sur le volet (réservation de transport, paiement, santé…).

Résultat des courses : Amazon propose en juillet 2017 plus de 15 000 skills, contre 10 000 cinq mois plus tôt. En juillet, Google Assistant n'en comptait que 378. Apple ne fournit pas de chiffres. Attention, ces résultats doivent être nuancés. Google Assistant a été lancé deux ans après Alexa. Son SDK ne sera disponible en France que dans le courant du mois d'octobre 2017. Le nombre d'applications vocales d'Alphabet devrait donc aller croissant.

Qualité des applis : avantage Apple

Par ailleurs, "une bonne partie des skills Alexa ne fonctionnent pas. Ces programmes inutiles polluent le store d'Amazon. Le groupe reproduit les erreurs commises par Apple et Google lorsqu'ils ont lancé leurs stores mobiles, en laissant des apps de mauvaise qualité gâcher l'expérience utilisateur. Ce qui intéresse les clients des enceintes connectées, c'est d'avoir une dizaine d'applis qui marchent bien", souligne Vincent Ducrey, directeur du think tank le Hub Institute.

"Google choie les développeurs, il organise chaque année la conférence Google I/O qui leur est dédiée, il profitera de la prochaine édition pour stimuler la production d'applis vocales"

Sur les 6 240 skills ajoutés sur le store Alexa entre juillet et septembre 2017, seules 1 750 ont été notées par leurs utilisateurs. 215 applications seulement comptaient 10 notes ou plus, selon des données collectées par le JDN sur le site d'Amazon le 27 septembre. Sur le total des skills créés pendant cette période, plus de 1 200 n'ont été évalués qu'une ou deux fois, probablement par le développeur de l'app ou ses proches. La très large majorité de ces programmes ne sont pas adoptés par les clients d'Amazon, car leur utilité est faible.

Apple a appris de ses erreurs depuis ses débuts dans le mobile. Il contrôle sévèrement les applications avant de les intégrer à Siri. "Lorsque les développeurs de ma société travaillent sur un programme iOS, ils vérifient son code ligne après ligne pour être certain qu'une commande non autorisée ne s'y est pas glissée, avant de soumettre le projet à la marque à la pomme. Le groupe applique la même politique dans le vocal, pour maîtriser de A à Z son écosystème. Apple est la seule entreprise à vérifier manuellement la qualité de ses apps", observe Nicolas Mourier, qui dirige également un éditeur de solutions mobiles. La position de Google sera probablement intermédiaire car ce n'est pas un béotien du monde des applis mais il n'est pas aussi strict qu'Apple. Chez Alphabet, les applications de smartphones proposées par les développeurs sont analysées par un système informatique, pas par un être humain.

Reach : avantage Apple mais…

Pour gagner la guerre des apps vocales, les géants du net doivent maximiser le nombre d'utilisateurs de leurs assistants intelligents. Siri, le plus ancien d'entre tous (lancé en 2011), est aussi le plus utilisé. Contrairement aux fidèles d'Alexa, les clients d'Apple s'en servent depuis leur smartphone et pas seulement depuis leur haut-parleur connecté. En mai 2017, Siri totalisait 41,4 millions d'utilisateurs uniques mensuels aux Etats-Unis, contre 2,8 millions pour Alexa, selon une étude de Verto Analytics (le nombre d'utilisateurs de Google Assistant n'est pas disponible dans ce rapport). Amazon a bien compris cet enjeu, puisqu'il a lancé le 27 septembre lors d'une conférence à Seattle trois nouveaux appareils équipés d'Alexa. Ils ne seront pas commercialisés plus de 150 dollars pour attirer un maximum de clients.

"Apple est la seule entreprise à vérifier manuellement la qualité de ses applications mobiles"

Google bénéficie lui aussi de cet avantage du smartphone. 200 millions de téléphones sont dotés des deux dernières versions d'Android, Marshmallow et Nougat, selon la firme. Elle a effectué en mars 2017 une mise à jour de ces deux OS pour y intégrer Google Assistant. Alphabet devrait donc voir l'utilisation de son IA décoller dans les prochains mois. Mais contrairement à Apple, la société n'a pas de contrôle direct sur ce parc de téléphones, fabriqués et vendus par des tiers. Rien ne garantit que les Samsung et autre Huawei mettent à jour l'ensemble des appareils équipés.

De surcroît, "les assistants intelligents ne sont pas vraiment faits pour être utilisés dans la rue. Il y a souvent trop de bruit pour que les requêtes des utilisateurs soient parfaitement comprises par l'IA et les micros des smartphones ne sont pas d'aussi bonne qualité que les haut-parleurs. Ces IA s'intègrent en revanche bien dans la vie des utilisateurs lorsqu'ils sont chez eux, ou dans leur voiture", tempère Thomas Husson, analyste chez Forrester. Avec sa gamme Echo, Amazon détient en 2017 plus de 70% des parts du marché des enceintes intelligentes pour la maison, selon eMarketer. Le groupe a également signé des accords avec les constructeurs automobiles Ford et BMW cette année. Ce dernier équipera ses nouveaux véhicules d'Alexa dès la mi-2018. La thèse de Thomas Husson semble validée par les chiffres de Verto Analytics : l'utilisation d'Alexa a été multipliée par plus de trois entre mai 2016 et mai 2017, alors que celle de Siri baisse de 15%.

Comprendre la demande de l'utilisateur : avantage Google

Pour que les applications fonctionnent et que l'expérience utilisateur soit bonne, les assistants intelligents des géants du net doivent comprendre ce que leur demande le "vocanaute" (personne qui se sert d'une app vocale). Cela implique que l'appareil équipé de l'IA soit doté de capteurs de son de bonne qualité. Avec son HomePod à près de 350 dollars, Apple propose un matériel de luxe. Mais le haut-parleur intelligent ne sera pas commercialisé aux Etats-Unis avant décembre 2017. Siri est pour l'instant utilisé à partir d'iPhone qui ne sont pas aussi bien équipés. Les enceintes d'Amazon et de Google sont elles aussi capables de capter correctement la voix de leur utilisateur.

Une fois la voix enregistrée, le système IA de ces entreprises doit décrypter la demande du client. Il transcrit le son en texte puis analyse le contenu grâce à des technologies de traitement du langage naturel. Depuis 2010, Google a mis la main sur quatre start-up spécialistes de cette branche de l'IA, Clever Sense, DNN Research, Emu et Dark Blue Labs. C'est nettement plus qu'Apple et Amazon qui n'en ont racheté qu'une chacun. Le groupe a donc de bonnes chances de dominer ses concurrents dans ce champ.

Répondre à l'utilisateur : avantage Google

Pour répondre pertinemment à la demande d'un utilisateur, un système IA génère une réplique écrite puis la formule à l'oral (text to speech). Les voix des assistants vocaux sont très souvent robotiques, car elles sont entraînées à parler à partir de l'alphabet phonétique. Pour prononcer un mot, ces IA le découpent en phonèmes et prononcent ces syllabes les unes après les autres. "Avec sa branche dédiée à l'IA, Deep Mind, Google a développé une approche nouvelle. Le groupe entraîne sa solution à partir d'extraits vocaux tirés d'émissions de radio, de télévision, des demandes vocales des utilisateurs de son Google Assistant… Grâce au machine learning, son IA apprend à parler naturellement, comme un être humain, et le système s'améliore chaque jour", explique Thomas Husson.

Résultat du match

Google et Apple emportent la partie. Mais attention, cette analyse porte sur le long terme et aujourd'hui, Amazon reste l'acteur le plus avancé du marché des applications vocales.