Bruno François (Cycloramic) "Comment j'ai levé 500 000 dollars en 15 minutes !"

Son application de photos à 360° a séduit les investisseurs de l'émission américaine "Shark Tank". Découvrez cet entrepreneur français dont la start-up est désormais valorisée plus de 3 millions de dollars.

JDN. On vous a découvert dans l'émission de télé-réalité américaine "Shark Tank" au cours de laquelle votre application vous a permis de lever 500 000 dollars en échange de 15% de votre capital. Quel est votre parcours ?

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Bruno François lors de sa présentation durant l'émission "Shark Tank". © Cycloramic

Bruno François. Je suis un expatrié de longue date aux Etats-Unis où après avoir travaillé dans l'aérospatiale et les télécoms, j'ai en quelque sorte fait ma crise de la quarantaine. J'ai décidé de tout plaquer pour lancer mon entreprise début 2012, Egos Ventures, sans aucune idée précise de projet, avec juste l'envie de devenir mon propre patron. Il s'agissait surtout pour moi d'essayer de marcher sur les traces de ces web-entrepreneurs de la Silicon Valley dont le parcours me faisait rêver. J'ai rejoint pour cela l'incubateur de l'université de Georgia Tech, l'ATDC, au sein duquel j'ai rencontré et échangé avec beaucoup d'entrepreneurs avant de lancer ma première application pour me familiariser avec le développement sur iOS.

Mais je n'avais de projet concret jusqu'à ce que me vienne cette idée de faire tourner le smartphone sur lui-même et d'actionner le mode vidéo. Une idée alimentée par le souvenir de mon vieux Nokia qui bougeait beaucoup lorsque le vibreur entrait en action. D'où mon projet de travailler, avec l'aide de mon stagiaire Valentin Breton, sur une application qui permet de faire varier les fréquences de la vibration afin que les à-coups ainsi obtenus permettent de faire bouger sensiblement l'iPhone. S'en est alors suivie toute une phase de tests, sur divers matériaux tels que le bois, le verre... et le lancement d'une première version permettant de faire des vidéos à 360°.

Une première version qui a su séduire ni plus ni moins que Steve Wozniack !

Des mails échangés avec Steve Wozniack le soir de Noël

C'est vrai ! Un soir de Noël, j'ai eu la surprise de recevoir un e-mail de Steve Wozniack en réponse à une de mes sollicitations, lequel qualifiait mon projet d'amusant et utile à la fois. On a échangé plusieurs emails durant cette nuit là, jusqu'à ce qu'il m'envoie une vidéo de lui dans sa cuisine avec Cycloramic. C'était pour moi incroyable, une référence, le plus beau des cadeaux et le début d'un beau succès populaire, la vidéo ayant beaucoup tourné sur le Web.

Fin janvier  vous passiez dans "Shark Tank" où vous présentiez votre application de photos 360°. Comment avez-vous atterri dans le programme ? Pourquoi ne pas avoir opté pour un moyen plus traditionnel de levée de fonds ?

Tout simplement parce que j'étais moins dans une logique de levée de fonds (mon objectif était d'ailleurs de simplement lever 90 000 dollars contre 5% de mon capital) que dans une volonté de montrer mon produit à un parterre d'entrepreneurs prestigieux. J'ai une véritable passion pour l'exercice de la démonstration et je dois avouer que ça a été mon premier moteur à cette inscription. Ça a d'ailleurs commencé dans la queue où nous étions des dizaines de milliers à attendre notre tour. 

Il faut savoir que le "Shark Tank" est loin d'être une sinécure, avec pas moins de 5 heures d'attente et 10 niveaux de sélection. Il faut s'armer de patience pour réussir à être finalement retenu. Et le casting d'investisseurs auxquels nous accédons finalement est très prestigieux. Je pense notamment à Lori Greiner qui produit de nombreuses émissions de télé-achat et dont je me disais qu'elle pourrait peut-être également m'aider dans toutes mes activités annexes d'inventeur. Je pense bien sûr à Mark Cuban, qui est un personnage charismatique et a investi dans énormément de sociétés du Web. Et je dois avouer que j'appréhendais leur réaction au moment de la présentation. J'étais en tout cas loin de me douter que je recevrais un tel accueil, je cherchais !

Ce n'est pas si commun d'entendre un start-upper expliquer qu'une levée de fonds n'est pas au cœur de ses priorités...

La levée de fonds n'a jamais été une finalité  tout simplement parce que nous avions déjà un cash-flow positif sur l'année 2013 via la vente de deux versions de l'application à des prix qui ont fluctué selon les mois et qui sont aujourd'hui fixés à 2 dollars. Une version pour professionnels, sans publicité, avec des options plus poussées et un effort sur tout ce qui touche à l'editing d'images. Et une version studio, beaucoup plus rapide, pour particuliers, celle qui a explosé après l'émission et qui a vocation à se transformer en réseau social. Elle est numéro 1 de l'App Store US depuis déjà une semaine.

Justement quelles ont été les retombées de l'émission ?

200 000 dollars de CA dans l'heure qui a suivi l'émission

Enormes ! L'application a généré près de 200 000 dollars de chiffre d'affaires dans l'heure qui a suivi la diffusion de l'émission. Elle cumule aujourd'hui 9 millions de téléchargements, dont 1 million pour la version Pro lancée en décembre. 

La rencontre avec mon nouvel actionnaire, Mark Cuban, a été déterminante. On communique énormément et on échange plusieurs fois par semaines. Au-delà de son expertise, il partage également avec moi les nombreuses connections qu'il a dans le milieu, fort de ses investissements dans une cinquantaine de start-up qui sont, d'une manière ou d'une autre, un peu toutes mes associés.

Quels sont vos projets ? On imagine sans peine l'intérêt que Facebook ou Twitter doivent vous porter, eux qui pourraient utiliser votre technologie pour améliorer Instagram et Vine.

Pourquoi pas vendre Cycloramic à un Apple ou Samsung

Plus qu'à un Facebook ou un Twitter, mon ambition serait plutôt de vendre la start-up à un fabricant comme Apple ou Samsung qui aurait la possibilité de réfléchir au design de ses smartphones de façon à ceux qu'ils permettent à Cycloramic d'aller encore plus loin. En rendant la base du smartphone un peu plus plate, en rendant les vibrations du smartphone un tout petit peu plus puissantes, on ouvrirait le champ des possibles, on pourrait imaginer lancer des vidéos conférences ou donner vie à des jeux beaucoup plus poussés !

Mais plus concrètement, je crois beaucoup en mon tout dernier projet, baptisé "Selfie 360" qui surfe sur l'une des dernières tendances du Web, la propension des utilisateurs à se prendre eux-mêmes en photos. En positionnant légèrement l'appareil sur la droite et en scannant le visage sur 90 degrés, on arrive à faire un selfie en 3D. On a généré près de 60 000 téléchargements en l'espace de trois jours et on observe que près de 3 000 photos sont publiées chaque jour. La prochaine version incorporera de nouvelles fonctionnalités telles que la possibilité de tagger des utilisateurs et celle de commenter. L'objectif est de développer une audience avant de réfléchir à vraiment la monétiser.

Quid d'Android ?

Le problème d'Android est que l'OS concerne des centaines de types de smartphones différents et qu'il m'est donc impossible de réussir à faire tenir le téléphone debout sans utiliser un clip qui vient s'y greffer. J'en ai déjà conçu pour le Motorola X, les Galaxy S4 et S3 et d'autres... Mais je ne peux pas encore commercialiser l'application, ce serait trop déceptif. De sorte qu'elle est pour l'instant simplement disponible dans une version gratuite et manuelle.