Roland Tripard (Seloger.com) "Le mobile représente déjà 8 % de notre audience globale"

Nouvelles applications, nouveaux services adaptés à la mobilité... Le président du directoire de SeLoger livre sa vision de l'Internet mobile et sa stratégie sur ce canal.

JDN. Après 18 ans d'existence sur le Minitel puis sur le Web, comment SeLoger aborde le canal mobile ? 

Roland Tripard. Nous sommes entrés très tôt sur le mobile, notamment avec un site Wap puis un site Internet mobile. Le vrai point d'inflexion a été le lancement de notre application iPhone. Nous avons fait le choix d'attendre le lancement de l'iPhone 3GS en juin 2009 pour lancer en septembre notre application. Nous voulions profiter de la géolocalisation et du push mail, qui sont deux fonctionnalités apparues avec ce modèle d'iPhone. 

Près d'un an plus tard quel bilan tirez-vous de cette application ? 

Tous terminaux confondus, le mobile représente 8 % de notre audience globale alors que les terminaux mobiles représentent en moyenne entre 2 et 3 % du total du trafic Web. En avril 2010, soit huit mois après son lancement, notre application iPhone représentait déjà 97 % de notre trafic mobile. C'est colossal ! Pourtant, l'iPhone en France, c'est 2 millions de terminaux, contre 45 millions d'internautes. Notre application iPhone génère 16 millions de pages vues par mois.

"Une 'lame de fond Android' se prépare"

Combien de fois a-t-elle été téléchargée ? 

En nombre total de téléchargements, nous avons dépassé le cap des 650 000, soit deux fois plus que notre premier concurrent. En téléchargements uniques (nombre total de téléchargements moins le nombre de mises à jour de l'application, ndlr.) nous sommes à 360 000 téléchargements, soit autant d'utilisateurs différents de l'application. 

Vous avez également lancé une version Android de cette application. Son démarrage est-il aussi rapide ? 

Cette application a été lancée à la fin du mois de janvier, elle donc encore très récente. Pour l'instant, les téléchargements se comptent plutôt en dizaines de milliers. Le décollage ne se fait pas à la même vitesse que l'iPhone, mais je pense qu'une "lame de fond Android" se prépare. Aux Etats-Unis, il existe déjà plus d'une trentaine de terminaux mobiles tournant sous Android qui sont en train de se rapprocher de l'iPhone, à la fois en termes de parc installé et d'utilisation. C'est pourquoi il était important pour Seloger d'être présent sur cet OS. 

L'iPhone est à la mode, Android commence à l'être. Les utilisateurs des autres OS mobiles vont devoir se contenter de votre site mobile ? 

Nous nous positionnons partout où ou pressentons un usage important. Nous travaillons donc sur des déclinaisons de notre application pour d'autres systèmes d'exploitation. 

"iPhone et iPad représenteront plus du tiers de notre audience d'ici 3 ans"

Pour beaucoup d'acteurs, la stratégie mobile est une composante d'une stratégie plus globale de convergence des écrans. Pour SeLoger aussi ? 

Oui. L'Internet partout, c'est une révolution que l'on nous promet depuis 10 ans et qui devient aujourd'hui réalité. Nous disposons par exemple d'une application iPad. Nous travaillons également sur les télévisions connectées, dont le bénéfice est de rendre l'Internet plus convivial que sur un ordinateur. Le projet immobilier, c'est un projet que l'on partage avec son conjoint, ses enfants aussi. La télévision connectée permet ce partage. Nous avons travaillé avec Samsung, qui détient environ 30 % du marché des téléviseurs en France, pour proposer une application SeLoger dans la place de marché d'applications que vient de lancer le fabricant pour ses téléviseurs. Depuis le mois de mars, l'application SeLoger est pré-chargée dans chaque téléviseur Samsung vendu en France. Nous pensons que le démarrage de cette application va être efficace grâce à la coupe du monde de football, qui est une période propice au renouvellement des téléviseurs. 

Quelle place vont prendre les connexions en situation de mobilité dans l'audience de SeLoger ? 

Difficile à dire. Quand on voit la part d'audience générée par l'iPhone en à peine huit mois, je pense qu'il ne serait pas impossible que les audiences cumulées de l'iPhone et de l'iPad puissent représenter 40 % de l'audience de Seloger d'ici deux à trois ans. Je suis en tout cas prêt à parier que cela représentera plus d'un tiers de notre audience dans trois ans. L'iPhone nous a permis de faire sortir l'Internet de l'ordinateur.  

Cette progression se fera-t-elle au détriment de votre audience "fixe" ? 

Très clairement : non. Notre conviction est qu'un usage additionnel va s'imposer partout où l'utilisateur trouve un vrai bénéfice additionnel. Depuis le lancement de notre application iPhone, nous avons battu tous les mois nos records d'audience (3,2 millions de visiteurs uniques en avril selon Nielsen//Médiamétrie, ndlr), à la fois en nombre de visiteurs uniques et en durée de connexion. L'Internet en mobilité ne va donc pas cannibaliser notre audience fixe Je pense que la consommation d'Internet sur les tablettes ou les télévisions connectées viendra également se superposer à l'usage sur ordinateur. Un Internaute passe actuellement 2h17 par jour sur le Web. Je suis convaincu que ces nouveaux écrans vont pousser cet usage assez rapidement au-delà de 4 heures.

"Nous préparons une application iPhone dédiée à l'immobilier neuf"

Quel est le principal bénéfice additionnel du mobile ? 

L'une des innovations qui a permit à SeLoger de se développer sur le Web, c'est l'alerte e-mail, qui avertit un internaute lorsqu'un bien correspondant à ses critères de recherche est mis en vente. L'iPhone nous a permis de développer le push mail, qui permet d'informer les utilisateurs en temps réel de l'arrivée d'un nouveau bien sur le marché directement sur leur téléphone. Par rapport à l'e-mail, le push mail sur mobile nous permet d'aller encore un peu plus loin dans l'instantanéité de l'information. Quand on voit la rapidité avec laquelle peuvent se vendre certains biens et l'importance que revêt l'investissement immobilier pour les Français, c'est un service qui fait mouche. Nous envoyons aujourd'hui 1,6 million de push mails par mois, uniquement sur iPhone. C'est un chiffre à mettre en rapport avec les 18 millions d'alertes e-mail que nous envoyons chaque mois. L'un ne cannibalise pas l'autre pour autant, ils sont complémentaires. 

Plus de 90 % de votre chiffre d'affaires (73 millions d'euros en 2009) est généré par les abonnements des agences immobilières. Comment mesurez-vous l'impact de l'iPhone et du mobile en général sur l'activité de vos clients ? 

Aujourd'hui, nous ne sommes pas capables de mesurer cela avec précision. Depuis un mois, nous sommes cependant en train d'intégrer à nos applications l'ensemble des outils de tracking et de mesure que nous utilisons déjà sur le Web. C'est un enjeu clé pour nous. 

La géolocalisation est l'un des atouts du mobile. Comment l'utilisez-vous ?

La difficulté sur le marché de l'immobilier français est qu'il s'agit d'un marché de mandats simples : il nous est impossible de géolocaliser les biens mis en vente comme peuvent le faire certains sites comme Zillow aux Etats-Unis par exemple. Nous travaillons en revanche sur la "quartierisation" des biens que nous recensons, ce qui permet d'effectuer des recherches à une échelle plus fine que celle de la ville. Nous géolocalisons par ailleurs de manière fine les agences immobilières, ce qui permet à l'utilisateur d'accéder aux biens gérés par ces agences. Dans le cadre de logements neufs, il nous est possible de positionner des programmes immobiliers. Nous allons donc lancer dans les prochaines semaines une application iPhone dédiée à l'immobilier neuf qui nous permettra de tirer pleinement parti de la géolocalisation, ainsi que de la réalité augmentée.

En plus du neuf, SeLoger dispose d'autres sites dédiés à des segments précis de l'immobilier, comme les fonds de commerce. Avez-vous d'autres projets d'application sur ces segments ?

Oui. Notre volonté est à terme de disposer d'une application par cible. Mais il est encore trop tôt pour en parler.

Diplômé d'HEC, Roland Tripard a rejoint Seloger en 2008 en tant que directeur général. Il est devenu président du directoire du groupe en janvier 2010. Roland Tripard a auparavant exercé les fonctions de managing director chez Inmac Wstore et de brand manager chez Procter & Gamble.