Fleur Pellerin présente un projet de cadre législatif pour le crowdfunding

Fleur Pellerin présente un projet de cadre législatif pour le crowdfunding La première mouture des mesures destinées à faciliter le financement participatif a été présentée par la ministre Fleur Pellerin. Une concertation de six semaines est ouverte.

A l'occasion des Assises du financement participatif organisées à Bercy, ce lundi, Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du Redressement productif, a révélé la première version du nouveau cadre législatif qui devrait entrer en vigueur l'an prochain. Un cadre créé spécialement pour les plateformes de financement participatif, censé assouplir leurs contraintes et leur permettre d'échapper à la règlementation bancaire, trop stricte. Le texte n'est pas encore définitif : une consultation de six semaines vient d'être lancée. Jusqu'au 15 novembre, chacun peut donner son avis sur les textes et demander des modifications. L'Autorité de contrôle prudentiel et l'Autorité des marchés financiers travailleront de concert avec le ministère des Finances. La nouvelle réglementation devrait finalement entrer en vigueur au premier trimestre 2014, avec une ordonnance portée par Pierre Moscovici.

Le but de ce nouveau cadre : favoriser l'expansion du financement participatif en France. "Les textes actuels ne le permettent pas, analyse Natalie Lemaire, directrice en charge des relations avec les épargnants de l'AMF. Antérieurs à l'émergence du financement participatif, ils ne sont pas adaptés, et il n'existe pas de statut particulier pour le crowdfunding. Les plateformes tentent de rentrer le mieux possible dans les cases déjà existantes, mais les cadres sont trop contraignants et pèsent sur les différents acteurs."

La première mouture de ce projet suit les principes du projet de loi d'habilitation examiné en conseil des ministres le 4 septembre. La création d'un statut particulier, et d'une exception au monopole bancaire en sont les mesures phares. Pour la vitrine, la BPI lance le site Tousnosprojets.fr, qui référencera les différentes plateformes et les projets de financement participatif.

Nouveau statut

Le statut de "Conseiller en investissement participatif" (CIP) concernera les plateformes de prêt. Elles brassent aujourd'hui 50% de l'argent issu du financement participatif en France et sont en pleine croissance : Babyloan, Spear, ou encore Hellomerci se sont lancées sur le créneau. Pour l'instant, les plateformes sont assujetties aux mêmes contraintes que les prestataires de services d'investissement (PSI). Parmi elles, la condition d'un niveau de fonds propres très élevé. "Les exigences imposées aux créateurs de plateformes sont disproportionnées, souligne Natalie Lemaire. Par exemple, si le statut d'établissement financier avec des opérations de crédit est adopté, le seuil de fonds propre est fixé à 730 000 euros minimum". Les co-fondateurs de Prêt d'union, le premier établissement de crédit entre particulier en ligne, se sont battus pendant plus de deux ans pour obtenir l'agrément d'établissement de crédit de l'AMF. Fonds propres requis : 2,2 millions d'euros. "C'est une énorme barrière à l'entrée", critique Geoffroy Guigou, co-fondateur et directeur général. "La plupart des plateformes choisissent un partenariat avec une banque, pour éviter d'avoir à demander l'agrément d'établissement de crédit." Prêt d'Union, qui prévoit d'engranger deux millions d'euros de CA en 2013, est la seule plateforme de financement participatif à avoir décroché l'agrément d'établissement de crédit.

La création d'un statut spécifique de Conseiller en investissement participatif doit permettre d'alléger les contraintes liées au statut d'établissement de paiement. Les prérequis de fonds propres devraient être supprimés. Le statut, délivré par l'AMF, exigera la transparence vis-à-vis des clients et des prêteurs. "C'est intéressant, commente Geoffroy Guigou, mais les entreprises de crédit sont tellement diverses qu'un statut unique semble illusoire. A chaque type de plateforme, il faudra des agréments supplémentaires." Interrogée à ce sujet, Fleur Pellerin assure que le statut sera "suffisamment souple pour s'adapter aux différentes activités et aux différents acteurs". Et d'ajouter : "Un nouveaux rendez-vous, d'ici deux ou trois ans, pour effectuer des ajustements, n'est pas non plus exclu".

Régime dérogatoire pour les établissements de paiement

Pour se mettre en accord avec une directive européenne, un régime dérogatoire va être créé en faveur de certains établissement de paiement : ceux dont "le volume de paiements ne dépasse pas trois millions d'euros par mois". Le montant de capital minimum est abaissé à 400 000 euros. Les règles relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux subsistent. Cela permettra à des plateformes de financement participatif "de démarrer une activité dans le domaine du don ou du prêt sans être soumises à des exigences disproportionnées par rapport à leur taille".

Assouplissement du monopole bancaire

"Dans le cadre actuel, si un particulier veut prêter à d'autres particuliers, il est considéré comme un établissement financier. Les plateformes de prêt participatif sont donc soumises au principe de monopole bancaire sur les prêts, ce qui décourage de nombreux acteurs", explique Natalie Lemaire. Le nouveau texte intègre les plateformes de prêts en tant que nouvelle exception au monopole bancaire. Cela permettrait aux particuliers de consentir un prêt à d'autres personnes physiques ou à une personne morale. Conditions : les prêteurs doivent être au moins vingt, la somme prêtée par chaque particulier pour un projet donné ne doit pas excéder une certaine somme, et le montant global du prêt ne doit pas excéder un certain plafond. La première mouture fixe la somme maximale prêtée par un particulier à 250 euros, et le plafond global à 300 000 euros, mais la ministre a d'ores et déjà laissé entendre qu'il pourrait être relevé.

Procédures simplifiées

Actuellement, toute société ayant levé plus de 100 000 euros à travers une "offre au public de titres financiers" se voit obligée de remettre à l'AMF un prospectus, document lourd à rédiger et procédurier. Le texte présenté par la ministre Fleur Pellerin prévoit que les porteurs de projets sur les plateformes de crowdfunding n'y seront soumis qu'à partir de 300 000 euros levés. Cette disposition ne concerne donc que les plateformes d'investissements (Afexios, Anaxago, FinanceUtile, Lumo, Particeep, Smartangels,Wiseed...). Environ 20% des sommes transitant via le crowdfunding français concernent ce type de plateformes.

Mesures timides ?

"La France est en retard sur le financement participatif. Pour le développer, il faut mettre en place des mesures assez radicales", note Geoffroy Guigou. Il suggère une initiative semblable à celle lancée au Royaume-Uni en mai 2012. Le gouvernement a alors annoncé un investissement de 100 millions de livres (119 millions d'euros) dans les petites entreprises, à travers des moyens de prêts alternatifs aux banques traditionnelles : les plateformes de financement participatif. "Quand on créé une plateforme de prêt, le problème n'est pas de trouver les premiers projets, mais les premiers prêteurs. Un investissement du gouvernement permettrait de passer plus facilement cette première barrière". Plus que de faciliter les procédures, il faut "accompagner le développement commercial des plateformes", plaide le directeur général de Prêt d'union. "Il faudrait que le gouvernement débloque 50 à 100 millions d'euros."

La concertation sur cette première mouture du texte est en tout cas ouverte dès ce soir.