Pourquoi le règlement européen adopté par les députés ne protégera pas la neutralité du Net

Pourquoi le règlement européen adopté par les députés ne protégera pas la neutralité du Net Le parlement européen a adopté ce mardi le projet de règlement sur la neutralité du Net en seconde lecture mais a rejeté les amendements censés éviter des failles dans le texte.

Tandis qu'Axelle Lemaire a dévoilé, il y a quelques semaines, le projet d'article défendant la neutralité du Net pour sa loi numérique, la directive européenne du Marché unique européen des communications électroniques portant sur le sujet est passée ce mardi 27 octobre devant le Parlement européen. Très controversé, le projet a été adopté en seconde lecture, après le rejet par les députés de quatre amendements censés, selon leurs auteurs, supprimer des failles dans le texte.

Le règlement consacre certes les grands principes de l’Internet ouvert et de la neutralité du Net. Il réclame un traitement égal et non discriminatoire du trafic Internet, d’une part, et concrétisele droit de tout utilisateur de diffuser et d’accéder aux informations et contenus de son choix. Un FAI ne peut normalement donc pas décider d'augmenter la bande passante qu'il accorde à telle ou telle plateforme vidéo moyennant finances… Et réduire celle d'autres services. Le site d'une start-up ne peut pas être ralenti au profit d'une plus grosse société qui a les moyens de payer.

Des exceptions qui fragilisent la neutralité du Net

Les "services spécialisés" pourront bénéficier de voies rapides

Pourtant, de nombreux détracteurs se sont élevés contre la directive. Selon eux, les exceptions inscrites dans le texte sont bien trop nombreuses et le règlement menace donc la neutralité du Net au lieu de l'assurer. Parmi ceux qui réclamaient des amendements au règlement, le célèbre britannique à l'origine du World Wide Web, John Berners-Lee. "Si elles sont adoptées en l'état, ces règles menaceront l'innovation, la liberté d'expression et la vie privée et compromettront la capacité de l'Europe à être un leader de l'économie numérique", assène-t-il dans un post de blog.

D'abord, parce que la directive telle qu'elle a été proposée autorise les FAI à ouvrir des "voies rapides" contre rémunération pour les "services spécialisés" qui ont besoin d'une meilleure qualité de transmission pour tous, comme des services de santé. Mais la disposition, trop floue, a été qualifiée par John Berners Lee de "faille" dans laquelle pourraient s'engouffrer de grosses entreprises.

Le "zero-rating", entrave à la neutralité du Net sur mobile

Les détracteurs remettent aussi en cause l'autorisation du "zero-rating", qui permet aux opérateurs de proposer un service en illimité sur mobile sans le décompter du forfait de l'abonné, ce que faisait SFR un temps avec Youtube. Une entrave à la neutralité du Net sur mobile.

Décourager le cryptage des données

"La directive permet aux FAI de définir des catégories de services et de ralentir ou accélérer le trafic au sein de ces catégories, souligne aussi John Berners-Lee. En plus de nuire à la concurrence, cela décourage aussi le cryptage des données : de nombreux FAI regroupent tous les services cryptés dans la même catégorie et la ralentissent."

Exception pour prévenir des encombrements imminents

Enfin, le créateur du Web critique la disposition autorisant les FAI à intervenir sur la bande passante pour empêcher des encombrements "imminents" : "Cela veut dire que les FAI pourront ralentir le trafic à n'importe quel moment, en prétendant que l'encombrement était sur le point de se produire". Une autre faille dans le texte, selon lui.

Malgré le dépôt de quatre amendements pour supprimer ces "failles" dénoncées par les déctracteurs du texte, les députés ont finalement voté le texte en l'état et ont rejeté les propositions d'amendement. La Quadrature du Net parle d'un "recul majeur pour l'Internet libre".

Impact sur la loi numérique en France ?

Le nouveau règlement pourrait bien sûr influencer le texte final du projet de loi numérique français. La version mise en consultation le mois dernier ne prévoyait ni l'autorisation du zero-rating, ni autant d'exceptions au principe de la neutralité du Net. 

Outre le volet sur la neutralité du Net, celui sur la fin des frais de roaming, qui permet la mise en place d'un tarif unique pour les télécommunications dans toute l'Union européenne et fait partie du même paquet, a donc été adopté par le Parlement européen.