Bonnes feuilles : cybercriminalité et contrefaçon Le cyberconsommateur criminel

"Dans un tel contexte de flux informationnels, la cybercriminalité doit se percevoir non pas dans une vision statique et binaire vrai/faux, avec un marché de l'offre et de la demande, mais comme le résultat d'un consumérisme où la frontière entre le licite et l'illicite est de plus en plus difficile à évaluer et saisir. Le consommateur a la possibilité d'expérimenter en permanence des rôles différents : consommateur, prescripteur, concepteur de nouveaux produits ou services, voire cybercriminel temporaire ou à plus long terme.

Le cybercriminel inquiété sera soit mal informé sur les risques potentiels, soit mal conseillé sur le plan juridique et informatique, car s'il navigue habilement sur le réseau, il aura peu de chance d'être intercepté.

On peut également ajouter que cette "révolte consommée" démontre que le consommateur a en quelque sorte pris une dimension politique stratégique, car ce dernier "peut à tout moment et en tout lieu refuser d'acheter. La puissance de cette arme de "non-achat" ne peut être limitée ni dans l'espace, ni dans le temps, ni dans la diversité des produits qu'elle peut toucher. [...] Bien relié au réseau, le consommateur libre peut devenir une arme dangereuse."(191) Le problème est qu' "il n'existe aucune stratégie qui permette de riposter au contre-pouvoir croissant des consommateurs". Ce point de vue radical du sociologue Ulrich Beck apparaît en partie pertinent pour les entreprises qui n'ont pas su s'adapter au risque internet dans le cadre de leurs activités.

En résumé, on peut assimiler la criminalisation du cyberconsommateur à la perte de contrôle du dispositif commercial de certaines multinationales, perturbé par le modèle de développement de portails ou moteurs de recherche sur internet. Une analogie entre la musique et le luxe prend ici tout son sens, car "tout comme l'industrie musicale avait sous-évalué et mal anticipé le cas Napster en 1999-2000, le secteur du luxe a manifestement mal pensé et perçu cette nouveau manière de consommer sur internet"(192)"

(191) Ulrich Beck, Pouvoir et contre-pouvoir à l'heure de la mondialisation, Flammarion, 2009, p. 35.

(192) Entretien avec Philippe Van Eeckhout.