Bonnes feuilles : "Quand Google défie le droit" L'affichage des résultats source de toutes les craintes

Le clair-obscur de la règle de classement


PageRank, au coeur de l'outil de recherche, est bien protégé ; tout d'abord, comme marque enregistrée ; ensuite, certains aspects de l'algorithme sont protégés par brevet, ce qui en assure une divulgation (tout brevet fait en effet l'objet d'une publication, indispensable à la diffusion de l'information protégée). Mais surtout, la recette complète de recherche, souvent révisée par Google, est hautement secrète, et seuls quelques privilégiés au sein du Googleplex, le siège de Google, y ont accès. Google justifie le maintien du secret autour de son système de classement en prétendant qu'à défaut, les responsables de sites (aidés par des professionnels de l'optimisation) pourraient trop facilement modifier les paramètres pour tromper le moteur et apparaître en haut des résultats.

L'argument n'est pas tout à fait convaincant. Même si un risque de manipulation par des tiers existe, l'intérêt public exige que la clé d'accès au "classement suprême" soit mise à la disposition d'une autorité publique qui puisse la valider et en surveiller les effets. La même exigence s'impose dans un autre domaine où la transparence doit régner : celui du fonctionnement des logiciels de vote électronique, souvent développés par des entreprises privées. Pour un logiciel de vote électronique utilisé lors de l'élection de représentants politiques, l'exigence démocratique requiert que les sources (ou les clés) du système électronique soient mises à la disposition, à tout le moins, d'un comité d'experts chargés de vérifier le bon fonctionnement du système. Tout cela doit se faire dans un cadre légal bien délimité afin d'éviter que l'information concernant les sources informatiques soit diffusée sur la place publique. Mais il faut prévoir un contrôle par une instance tierce.

De la même façon, une transparence doit exister en matière de recherche en ligne, même si certaines formes doivent être respectées. En matière de vote électronique, toutes les lignes du code source du logiciel de vote ne doivent pas être publiées pour respecter cette exigence de transparence qualifiée : de même, toutes les composantes de l'algorithme de recherche ne doivent pas être systématiquement rendues accessibles à l'ensemble du public. Un organe de régulation, qu'il s'agisse du régulateur existant des télécommunications ou d'un organe à créer, devrait disposer d'un accès à ces informations clés. Aux États-Unis, certains défendent la création d'une Federal Search Commission, qui régulerait ce secteur, parallèlement à ce que fait la Federal Communications Commission pour d'autres domaines des médias.

La divulgation des paramètres à un régulateur garant d'une certaine confidentialité, ainsi que le monitoring des multiples "réglages" (plus de 400 ajustements des algorithmes par an chez Google) devraient permettre de limiter sensiblement les risques de disqualification injustifiée. Elle conduirait à la transparence, indispensable pour une saine régulation du secteur. On est toutefois loin d'un fonctionnement satisfaisant, comme l'illustrent les cas soumis actuellement aux autorités de la concurrence ..."