La face cachée de Facebook, l'univers où les gens mentent, volent et gagnent des millions Une cyberguerre permanente

Le 10 février, Jason Fyk reçoit un étrange message sur Facebook.

"Frangin." / "Mon pote."

L'expéditeur ne faisait pas partie de ses amis sur le réseau social et utilisait le pseudonyme "Anthony", un nom que Jason a appris à connaître et à redouter.

Quelques minutes plus tard, le trafic sur son site Funnierpics.net s'est effondré. Google Analytics indiquait que le nombre de membres actifs était passé de 3000 à 0 en un instant.

Lorsque Jason Fyk  s'est rendu sur la page Facebook de sa société, WTF Magazine, un autre message d'Anthony l'attendait.

"Le site a crashé L."

jason fyk, millionnaire grâce à facebook
Jason Fyk, millionnaire grâce à Facebook © Business Insider

On s'en prenait aux affaires de Jason, et ce n'était pas la première fois. Ces dernières années, il s'est retrouvé piégé dans des combats virtuels acharnés au sujet de ses pages Facebook, se battant contre d'obscurs adversaires que lui et ses amis surnomment les Script Kiddies, de jeunes hackers / pirates informatiques qui exploitent les failles de sécurité de sites.

Anthony en fait partie, et il préfère employer le nom de Communauté et, bien qu'il ne communique que sous couvert d'un pseudonyme, il admet sans hésiter que le piratage de pages Facebook importantes fait partie des activités du groupe, pour le plaisir et la célébrité sur le réseau.

Un des employés de Jason a rapidement découvert que FunnierPics.net était victime de piratage. Lorsque l'équipe a contacté l'hébergeur de leur site, GoDaddy, ils ont appris qu'environ 70000 serveurs avaient crashé. GoDaddy a confirmé que l'adresse IP de Fyck était la cible des pirates. Les autres n'étaient que des dommages collatéraux.

Et le pire était encore à venir.

Au bout de 16 heures, l'équipe de Jason a pu rétablir l'activité de son site, mais pas sans avoir perdu 15 000 dollars de bénéfices publicitaires. Depuis ce jour-là, sa société a subi un certain nombre d'attaques semblables, et l'une de ses plus importantes pages Facebook, une page sur MTV suivie par 1,3 million de fans, a été piratée.

Jason, la quarantaine, est un self-made man qui a bâti sa fortune presque entièrement grâce à Facebook. Il ne joue pas seulement sans cesse au chat et à la souris avec les pirates et les cybercriminels, il lutte aussi sur un champ de bataille en constante évolution; la faute à Facebook qui modifie systématiquement et mystérieusement son algorithme.

"C'est une guerre légitime, déclare Jason qui décrit ses pires ennemis comme des adolescents experts en informatique et poussés par l'ennui. Je gagne presque 250 000 dollars par mois, je dois donc faire attention à ce que je fais. Ça signifie que si je dois jouer à leur jeu puéril, j'y joue. Je n'ai pas le choix."

S'il s'agit de jeux infantiles, ils ne sont pas aussi insignifiants et ont entraîné menaces physiques, escroqueries monstres et ennuis avec la police.

La route est longue jusqu'aux millions

aujourd'hui, jason a remboursé ses dettes et conduit une ferrari.
Aujourd'hui, Jason a remboursé ses dettes et conduit une Ferrari. © Business Insider

En 2011, Jason était endetté, en prison et au bord du suicide.

Ses ennuis remontaient à 2005. Jason travaillait dans l'immobilier. Il a été obligé de déclarer faillite. Avec une femme et un enfant en bas âge à nourrir, il s'est escrimé à trouver un nouveau métier.

Certains de ses amis lui ont suggéré de lancer un site Internet; il s'est alors emparé de WTFMagazine.com. Ils décidèrent que l'acronyme ne signifierait pas "C'est quoi ce bordel " mais "Où se trouve l'ironie ?", et que le site hébergerait des contenus originaux et divertissants. Jason le compare à College Humor.

"[Notre équipe] tournait sans argent, indique Jason en évoquant les débuts de sa société. Nous faisions comme si ça fonctionnait en attendant d'avoir vraiment du succès, on organisait les informations ensemble, on commençait à prendre de l'ampleur mais je n'avais aucune idée de ce que j'étais en train de faire."

Jason a créé son entreprise le 10 septembre 2010 et a lancé son site Internet en janvier 2011. "C'était simplement un truc marrant, niais et stupide", affirme-t-il. Aujourd'hui, ses pages Facebook et ses autres sites publient le même genre de contenu.

Jason a cherché un moyen de gagner rapidement beaucoup d'argent. "Seuls les médias sociaux étaient à ma disposition et ils étaient gratuits, témoigne-t-il. J'ai décidé de faire tout ce que je pouvais pour attirer l'attention sur moi au maximum. En gros, j'avais besoin d'une liste de diffusion."

Les pages business de Facebook ont été lancées en 2007 mais elles mettaient du temps à décoller; même en 2011, personne n'est vraiment certain de ce qu'elles valent. Néanmoins, Jason y vit une opportunité.

après 50 jours passés en prison, les charges retenues contre jason ont été
Après 50 jours passés en prison, les charges retenues contre Jason ont été abandonnées. © Business Insider

Au départ, il essaya de lancer une seule page Facebook pour WTF Magazine. Très vite, il s'est rendu compte que même les pages qui n'avaient aucun rapport avec son site pouvaient également être utiles.

"Du moment que des gens aimaient la page, ils s'ajoutaient à la liste de diffusion."

Jason a entreprit de créer et entretenir autant de pages différentes que possible. Sa femme croyait qu'il était fou. "J'étais assis là, on ne pouvait pas se mettre à table, je passais tout mon temps sur les pages Facebook, raconte-t-il. Je lui disais "Regarde, je sais que cela va prendre de la valeur."

Jason possède maintenant 40 pages Facebook et plus de 28 millions de "j'aime" au total. La page a atteint 260 millions de fans et la liste de "diffusion" lui a fourni des dizaines de millions de pages vues sur son site en un mois. En un an, il a pu gagner plusieurs millions de dollars, associé à d'autres activités comme l'expertise sur les médias sociaux. Il emploie 16 personnes.

Tout ceci a eu lieu bien avant que d'autres utilisateurs de Facebook ne se rendent compte de l'influence que pouvaient avoir ces pages. Adolescents et publicitaires réputés, tous s'efforçaient de créer des listes semblables à celle de Jason, en obtenant parfois leurs fans de façon sournoise ou illégale.