Denis Marquet (Crédit Agricole) "Les marques vont devenir les plus gros producteurs de contenus sur Internet"

Approche sur les réseaux sociaux, importance du brand content et de la vidéo... Le directeur de la communication du Crédit Agricole décrypte la stratégie digitale de son groupe.

JDN. Quelle est la place du digital dans la stratégie média d'un annonceur tel que le Crédit agricole ?

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Denis Marquet, directeur de la communication du groupe Crédit agricole © Crédit agricole

Denis Marquet. C'est un canal qui prend de plus en plus d'importance mais reste très complémentaire des médias plus traditionnels. Il ne se substituera jamais à la télévision, tout simplement parce qu'il n'a pas la même puissance. On n'est absolument pas dans les mêmes ordres de grandeur que ce soit en termes de couverture et de tarif. Le rapport n'est pas loin du 1 pour 1 000, voire même 10 000.

Les investissements bruts du groupe en e-publicité étaient de 45 millions d'euros en 2012. Cela représente tout de même près de 17% du total des investissements pub du groupe Crédit agricole. Notre stratégie digitale recouvre de nombreux aspects. L'un d'entre eux est bien sûr la relation qui nous lie au client, il s'agit de faire la promotion de la marque, bien sûr, mais aussi d'échanger. Internet a permis de s'affranchir de la communication de marque, top-down, traditionnelle. On est aujourd'hui dans la co-construction de l'offre, via des plateformes telles que Twitter ou Facebook, qui nous permettent de faire remonter l'information. Ces espaces nous permettent aussi de travailler la dimension affinitaire de la marque en déclinant nos politiques de sponsoring, tels que le partenariat avec la FFF et l'investissement dans le cyclisme via LCL, sur des pages dédiées. Cela nous permet de faire rayonner la marque, tout en réunissant les gens autour d'une passion. Dans cette optique-là, Facebook me semble être le réseau social le plus efficace des deux.

Et d'un point de vue plus institutionnel ?

Si l'on parle de marque employeur, LinkedIn prend clairement de plus en plus de place dans notre prise de contact avec les jeunes diplômés. Nous comptons près de 15 000 abonnés à la page du Crédit Agricole et 55.000 abonnés aux 35 pages entreprises du groupe.

A ce titre, il est clé pour un groupe tel que le nôtre, du haut de nos 160 000 collaborateurs, de réussir à décentraliser les responsabilités, sans quoi nous perdrions en flexibilité et efficacité. Nous avons ainsi une vingtaine de community managers répartis dans les différentes entités.  Ainsi le compte Twitter du Crédit agricole SA est-il utilisé pour parler aux prescripteurs alors que les nombreux autres comptes régionaux, qui cumulent près de 40 000 followers, nous permettent de répondre aux préoccupations de nos clients. 

Quels sont les enjeux que soulèvent ces nouveaux espaces ?

Il faut savoir que l'on reste dans un métier relativement jeune, pour lequel la courbe d'expérience reste faible. Cela impose bien souvent d'être dans une logique de test & learn. Lorsque nous avons commencé à réfléchir sur notre approche des réseaux sociaux, nous nous sommes dit que la priorité était de nous équiper d'outils de veille et d'écoute susceptibles de nous permettre de faire le tri dans la masse énorme d'informations, en lien avec la marque ou le secteur, qui peuvent remonter. Etre capable de filtrer les informations intéressantes est un premier enjeu.

A partir de là se pose également la question de la manière avec laquelle on va appréhender la problématique soulevée. Il faut savoir être réactif et pertinent, être capable de traiter les critiques, ignorer les trolls et insultes qui n'apportent rien au débat... Dans une logique de long terme, il faut également être capable de préserver nos relations avec les influenceurs. Cela passe par des rencontres physiques, des ateliers, des conférences, qui, dans un monde digital me semblent être le meilleur moyen de tisser des liens forts. A plus grande échelle, la marque doit être capable de produire du contenu à forte valeur ajoutée.

Pourquoi cette obligation ?

Parce que je pense qu'en matière de communication corporate, la bannière display est en train de tomber en désuétude. Bien sûr, si on est dans de l'acquisition pure, les liens sponsorisés et les bannières pop-up, reste des formats incontournables. C'est beaucoup moins vrai sur des problématiques d'affinité et d'engagement. Les marques sont en passe de devenir les plus gros éditeurs aujourd'hui, comme le montre la tendance au brand content. C'est ce que nous essayons de mettre en place au sein du groupe, avec notamment beaucoup de contenus didactiques autour de la crise, surtout dans des formats vidéo via Youtube, car c'est aujourd'hui ce qui marche le plus avec la photo.

Nous allons d'ailleurs lancé un grand reportage au cours duquel partons à la rencontre des collaborateurs, clients et entrepreneurs que nous soutenons, à travers le monde. L'objectif est de donner une grande photographie du groupe par le biais d'une exposition visuelle qui verra bientôt le jour.

Vous croyez aux solutions publicitaires déployées par les réseaux sociaux ?

Je pense qu'effectivement Facebook a trouvé le modèle publicitaire qui va lui permettre d'orienter son business model. Les derniers résultats de la société l'ont d'ailleurs prouvé. Et je ne doute pas que Twitter, sur lequel nous allons lancer une campagne pour valoriser nos actions RSE, via des promoted tweets, fera de même.

Denis Marquet est directeur de la communication du groupe Crédit agricole. Il a commencé sa carrière en 1995 comme directeur de la communication de la Banque Tarneaud. De 2000 à 2003, il est responsable des relations presse, de la communication financière et de la communication événementielle du Crédit du Nord. 
Attaché de presse du groupe Accor en 2003, il rejoint la Société Générale en 2004 en tant que directeur adjoint de l'information du groupe, en charge de la stratégie et des grands projets, avant d'être nommé début 2008 directeur de la communication interne et institutionnelle. Il est, par ailleurs, titulaire d'une maîtrise de sciences économiques et enseignant en communication financière et en marketing à l'Université Paris 13 et intervenant en communication de crise à l'Université de Louvain.