Interview
 
22/06/2007

"Nos marques figurent parmi les investissements Web les plus importants"

Investissement e-pub, dispositifs innovants, e-commerce... Sylvie Champenois, à la direction du développement clients de L'Oréal Prestige & Collections précise le positionnement et les stratégies Internet du groupe pour ses marques de luxe.
 EnvoyerImprimer 

 
Sylvie Champenois
 
 
description brève de l'image
  • Direction du développement client, L'Oréal Prestige & Collections International
 

JDN. Vous travaillez à la direction du développement client chez L'Oréal Prestige et Collections International. Quel est votre rayon d'action ?

Sylvie Champenois. Je suis en effet arrivée il y a deux ans à la direction du développement client, qui est une structure multimarque et transversale. En tant que fabricant, nous estimons que si d'un côté, nous consacrons des ressources marketing dédiées aux produits, il est aussi fondamental de le faire en matière d'engagement client. Le marketing client est un métier d'experts en constante évolution, et c'est pourquoi il est important de créer les conditions d'échange en interne, entre les différentes compétences, pour concevoir les expériences et services clients les plus différenciés par marque.

 

Quelles sont les missions de cette structure ?

Notre structure regroupe trois métiers, à savoir les études internationales, le marketing client - Web, CRM, le service consommateur -, ainsi que la structure "Retail and Service", en charge de la formation des conseillères de beauté. Nous couvrons ainsi l'ensemble de la boucle, de manière à créer une expérience avant, pendant, et après l'achat. L'enjeu est d'apporter une vision de la marque cohérente sur l'ensemble des canaux, les points de contacts clients étant multiples, d'engager et de fidéliser.

 

Le Web représente donc pour vous un canal à part entière et stratégique ?

 

"Le Net apporte des services experts avant, pendant et après l'achat"

Tout à fait. Nous croyons beaucoup au Web, qui offre une prolongation de l'expérience client, ce qui est important dans le domaine du luxe. Nous sommes désormais entrés dans l'ère de conversation avec les marques, il est donc crucial d'offrir au consommateur la possibilité de vivre une expérience, et de lui apporter du service. Le maquillage, les produits de soin, nécessitent du conseil. Le Net permet d'apporter des services experts avant, pendant et après l'achat. Le Web est aussi un media à part entière.

 

Quels constats réalisez-vous dans ce domaine ?

Aujourd'hui, au niveau européen, plus de 50 % de la population est internaute, et la pénétration s'échelonne entre de 80% à 60% sur les différentes tranches d'âge de 16 à 55 ans. Malgré cette forte pénétration du Net, le temps passé par personne par semaine dans les différents médias montre que la TV est encore le premier média consommé. Le Web est au global le troisième média en temps passé, et le deuxième chez les jeunes. Plus précisément, dans le domaine de la beauté les clientes sont toujours très intéressés par la presse magazine et la télévision, mais sont aussi massivement sur le Web. Dans ce secteur, nos marques figurent parmi les investisseurs les plus importants sur le Web.

 

Quelle part de vos investissements consacrez-vous au Web ?

La part du montant d'investissement en publicité en ligne ne veut pas dire grand-chose à elle seule, car 5 % sur certaines marques représente en valeur plus que 17 % sur d'autres. Dans notre secteur, les montants varient entre 5 et 20 % selon les marques, les types de lancements, les pays... Toutefois, l'enjeu n'est pas de nous contenter d'utiliser le canal du Net comme un média classique. Pour les marques de luxe, ce qui nous anime c'est la proposition de valeur, la définition d'un contrat relationnel. Le Web est en effet un outil puissant, et affinitaire, qui nous permet de gagner des points par rapport à des notions de modernité et de proximité.

 

Pouvez-vous préciser ?

 

"1,5 million de pack Amor de Cacharel ont été téléchargés sur MSN"

Par exemple, dans le cadre du lancement du masculin Amor de la marque Cacharel, l'enjeu était d'intéresser de jeunes hommes dont la consommation en magazines est on le sait, réduite. Nous avons donc privilégié une campagne Web et affichage en synergie, l'affiche renvoyant vers le site Amorlab.com. Ce site offrait une console de montage, qui leur permettait de créer leur message d'amour à partir d'images, de textes, et de musiques. MSN nous a apporté la puissance, grâce à Messenger, environnement privilégié des jeunes et de leurs amis. Outre le téléchargement de packs Amor, pour la première fois, on pouvait customiser ses "emoticons". Cette opération a enregistré un grand succès : plus d'1,5 million de packs ont été téléchargés, soit 50 % de la cible visée, et 4.500 créations ont été réalisées. Nous avons enregistré plus de 250.000 visiteurs uniques sur notre site.

 

Nous avons par la suite renouvelé ce type de dispositif avec MSN dans le contexte de la Saint-Valentin dans différents pays européens. Nous voulions axer notre communication autour de l'engagement. Nous avons alors choisi le principe du "vlog", baptisé le LoveLab, qui permettait de poster sa déclaration d'amour en vidéo. Le succès a été également important, même si le nombre de créations postées a été moitié moins important en raison d'un équipement plus faible en Webcam.

 

 

Votre approche consiste donc à utiliser l'ensemble des outils de communication qu'offre le Web pour vos marques de luxe ?

 

"Un vlog pour déclarer son amour en vidéo à la Saint-Valentin"

En effet, le Web nous offre une palette de créativité, nous assistons à une renaissance de la communication. De leur côté, les clientes savent ce qu'elles attendent de la relation à la marque. A nous désormais de leur proposer pour chaque marque, des dispositifs qui leur conviennent on et off-line, et des petits plus, en termes de service, qui iront au-delà de leurs attentes. Cela a par exemple été le cas pour le lancement du féminin Liberté de Cacharel à destination des femmes de 25 à 35 ans. Nous sommes partis du constat que la liberté était à la fois une quête, un but en soi pour cette cible. Nous avons donc créé très en amont une plate-forme d'expression avec le magazine Elle, qui invitait les internautes à poster des images ainsi que des textes descriptifs pour expliquer en quoi le visuel représentait pour elles une expression de la liberté. Nous avions défini différents univers, tels que dans les domaines des voyages, des arts, des loisirs, de la vie professionnelle, ou sociale. Un jury a élu 5 finalistes, et un poster qui juxtaposait toutes les plus belles photos postées a été encarté dans le magazine Elle.

 

 

Allez-vous également jusqu'à des opérations de marketing collaboratif ?

Oui, cela a été le cas au Canada, avec la marque Biotherm, en partenariat avec l'Unicef sur le thème de l'eau. Le site a proposé aux cyberconsommatrices de faire contribuer leurs enfants en dessinant ce que l'eau représente pour eux, puis de contribuer elles-mêmes en votant pour le meilleur dessin. Celui-ci a décoré le packaging d'un coffret d'Aquasource. Pour chaque produit vendu, Biotherm a versé un don à l'Unicef pour constituer un accès à l'eau potable en Afrique. Le Web offre par exemple une facilité de prise de parole sur les produits, et c'est pourquoi sur la marque Biotherm également, nous laissons la parole aux clients, via des avis sur les produits, et un espace de partage de trucs et astuces. Mais le marketing collaboratif n'est pas incontournable. Le choix de la communication doit être lié à la politique de chaque marque.

 

 

"Une relation de conversation privée avec certaines marques"

Constatez-vous des attentes différentes sur les marques très haut de gamme ?

La relation avec certaines marques sont plus de l'ordre de la conversation privée. Les clientes de la marque Giorgio Armani ne sont pas intéressées par un dialogue entre elles, beaucoup plus par des conseils experts. C'est également le cas des clientes Helena Rubinstein. Ce sont des femmes d'une quarantaine d'années, voire plus, actives, au sommet de leur carrière, de plus en plus souvent jeunes mamans, et qui consacrent tous leurs efforts à mettre en valeur leur rayonnement, et à rester jeunes. Notre rôle consiste à leur apporter le plus de conseils possible et d'expertise en ligne via des vidéos pédagogiques en matière de beauté globale. Dans nos points de vente, nous organisons de façon évènementielle des "Beauty class" avec nos experts beauté, des diététiciens, des experts de la longévité. C'est le même esprit on et off line, mais avec les experts en plus dans la vie réelle, notre objectif est de drainer du trafic dans les points de vente.

 

 

Quelle est votre approche de l'e-pub vidéo ?

Nous connaissons la puissance mémorielle de l'e-pub vidéo, car l'internaute est vraiment devant son écran. C'est l'opportunité de cibler de façon plus pointue qu'en télévision.

 

Vous prenez donc en compte le Web de plus en plus en amont dans la conception de vos campagnes plurimédia ?

Il est vrai que si auparavant la prise en compte du Web arrivait après la création TV et presse, nous travaillons dorénavant très en amont avec les équipes marketing, de manière à partir d'une idée déclinable sur tous les supports.

 

 

"Nous réallouons les budgets de production"

Cela doit avoir des conséquences en termes de coûts de production ?

En effet, nous devons réallouer les budgets de production tout comme l'investissement média, car nous estimons qu'il nous faut conserver le même niveau de qualité. Une évolution est en train de se produire, et nous ne sommes qu'au début d'une ère de communication extrêmement riche. Pour piloter au mieux nos choix, nous réalisons notamment depuis quatre ans des études qui nous permettent d'obtenir une vision qualitative de la perception de l'expérience des clients sur leurs différents points de contacts, et qui comprend aussi bien le champ des médias que le hors média.

 

 

L'axe du e-commerce est également un angle stratégique pour les marques luxe de l'Oréal ?

Nous sommes convaincus que le Web est un vrai canal de distribution pour le luxe aussi, et qu'il faut y être présent. Depuis plusieurs années, dans certains pays, sur certaines marques, nous proposons l'achat en ligne, de manière à offrir aux cyberacheteurs une possibilité d'acheter à toute heure. Notre approche n'est pas promotionnelle, elle consiste à apporter de la valeur ajoutée, en donnant une information la plus complète sur nos produits, des diagnostics, dans un environnement qui est celui de la marque. Proposer également toute notre gamme en ligne et offrir un choix d'échantillons de la même marque sont des services à part entière. Les clients ont le choix entre les boutiques multimarques de nos partenaires distributeurs, chez qui nous proposons des "shops in the shop" avec la possibilité d'acheter un grand nombre de marques, ou la confidence d'une boutique de marque. Le principe étant finalement à l'image de ce qui se fait dans la vie réelle.

 

 

Vous comptez donc ouvrir progressivement vos boutiques de e-commerce pour vos différentes marques ?

Oui. Biotherm dispose de deux sites de vente en ligne, féminin et masculin, au Canada et aux Etats-Unis, et ces sites seront lancés en Europe au deuxième semestre. Ils s'appuient largement sur les technologies Web 2.0 de manière à fluidifier l'expérience d'achat des internautes.

 

 

 
En savoir plus
 
 
 

Qu'en est-il de votre approche du mobile ?

L'enjeu pour nous c'est d'être là où le client a besoin de nous. En Asie et plus particulièrement au Japon où il mobile est d'un très large usage, nous proposons de l'i-mode et du m-commerce, de manière à offrir l'accès à notre gamme aux consommateurs en situation de mobilité. Les clientes japonaises sont très à l'affût des nouveautés. En Europe, la pénétration du Web mobile est plus limitée mais progresse vite. De manière générale, le mobile est aujourd'hui plutôt utilisé dans le cadre d'opérations de trafic. Le mobile peut aussi nous permettre d'apporter une information au moment de l'achat et ainsi offrir du service en magasin comme cela a été le cas au lancement de Hynôse de Lancôme, en partenariat avec Decaux et Sephora.

 

 

Parcours

Sylvie Champenois, chez le groupe L'Oréal depuis 1982, est à la direction du Développement Client depuis 2005 pour Prestige & Collections International, qui regroupe les marques Giogio Armani, Biotherm, Helena Rubinstein, Cacharel, Guy Laroche, Paloma Picasso et ViKtor & Rolf.

Diplômée d'HEC en 1979, Sylvie Champenois est entrée en tant que Chef de Produit Cacharel France, puis a occupé les divers postes, avant d'accéder à la direction stratégie internationale et CRM du groupe L'Oréal.

 


Sommaire Marques-sitesEnvoyerImprimerHaut de page

Sondage

Ce qui vous a le plus embêté avec le bug de Google :

Tous les sondages