Yannis Yahiaoui (Adotmob) "Le programmatique mobile se met lui aussi aux deals privés"

Le patron de la plateforme programmatique mobile française fait le point sur un marché encore relativement confidentiel et en dévoile les enjeux.

JDN. Vous avez lancé votre plateforme programmatique mobile courant 2014. Plus d'un an plus tard, le marché français n'a pas vraiment décollé, exception faite des budgets qui sont confiés à SmartAdserver. Qu'en est-il vraiment ?

Yannis Yahiaoui, Adotmob © S. de P. Adotmob

Yannis Yahiaoui (Adotmob). Pour être tout à fait précis, le projet Adotmob a germé en 2011 alors que la vague du programmatique déferlait sur le Web fixe et qu'il était évident qu'elle ferait de même sur mobile… Aujourd'hui l'inventaire commence tout de même à être conséquent avec des milliards d'impressions disponibles par ce biais chaque mois et des annonceurs qui nous demandent même de négocier dès à présent des deals privés.

Il est vrai que les parts de marché de Smart Adserver sur l'adserving mobile lui ont permis de consolider une position privilégiée sur le marché des SSP mobile. De sorte qu'il détient aujourd'hui une part importante de l'inventaire programmatique mobile premium français.

 

La domination de l'in-app sur le marché de la publicité display mobile se retrouve-t-elle en programmatique ?

Effectivement aujourd'hui 70% des montants que nous investissons concernent l'in-app. Un univers plutôt uniforme et premium, avec des standards bien installés comme le protocole "Mraid" pour diffuser les formats HTML5. Ce tropisme s'explique également par le fait que la concurrence était déjà bien installée dans l'univers web mobile, avec des acteurs comme Google ou Criteo.

 

La mission d'Adotmob est de placer des formats publicitaires sur les espaces les plus adaptés aux besoins de ses clients. Pas une mince affaire sur un univers aussi cloisonné et pauvre en data que le mobile…

Notre technologie repose sur une infrastructure d'achat que nous avons créée en interne et qui nous permet d'agréger de la donnée dans des délais suffisamment rapides pour prendre des décisions intelligentes sur mobile.

Le cœur de notre métier est vraiment la data science sur les "device ID" que communiquent Apple et Android, avec notamment le lancement d'une technologie semi déterministe, semi probabiliste, qui va nous permettre de matcher cookies et devices ID. De quoi donner la possibilité à nos clients de maîtriser la pression publicitaire exercée sur leurs clients au sein de ces deux univers effectivement cloisonnés.

 

Pour quels types de campagnes travaillez-vous en priorité ?        

Nous travaillons indifféremment avec des annonceurs en direct ou des agences digitales. Tout dépend des situations des uns et des autres. Certains vont nous mettre en compétition avec d'autres plateformes pour leurs campagnes fil-rouge programmatique mobile (banques, assureurs, automobile). D'autres seront plus dans l'événement, avec des campagnes de branding one-shot par exemple.

Nous menons deux types de campagnes : branding avec des problématiques de reach et visibilité pure (luxe, cosmétique et d'autres univers premiums…) et de la performance mesurable (acquisition d'utilisateurs sur sites mobiles ou mesure de la performance in-app via un SDK).

 

De l'attribution qui va jusqu'au drive to store ?

Aujourd'hui nous n'avons pas les moyens de mesurer le nombre de personnes exposées à la publicité qui sont effectivement allées en magasin. Seuls Facebook et Google ont suffisamment de reach pour y arriver dans la mesure où quand on se connecte dans un magasin, on transmet son device ID et sa position.

 

Observez-vous des différences de maturité selon les clients ?

Les pure-players sont globalement plus matures et friands du format mobile. Notamment du côté de la musique en ligne, du voyage ou de l'e-commerce. Des secteurs qui deviennent, il est vrai, "mobile first". La logique est la même en ce qui concerne les "brick and mortar" qui investissent sur le mobile car ils génèrent de la performance en drive to store.

 

Quid de votre business model ? 

Là où beaucoup font le choix d'une techno SaaS avec des commissions fixes mensuels, nous avons opté pour un modèle "managed services DSP" où l'humain joue un rôle crucial. Un choix d'autant plus logique que nous avions au préalable testé les différentes technos existantes et conclu que le meilleur moyen d'être flexible était de lancer notre techno, plutôt que des surcouches.

Nous nous sommes auto-financés la première année et avons levé près d'un millions d'euros début 2015 pour "senioriser" les équipes selon l'expression consacrée. Un moyen également de passer dans le radar et de devenir plus attractif en ce qui concerne les recrutements.

 

Facebook lance un DSP aux promesses alléchantes. Ca vous inquiète ?

J'estime que Facebook est autant une menace qu'une opportunité pour l'ensemble des acteurs du secteur. Cela clôt de plus en plus l'écosystème publicitaire et polarise une partie non négligeable des investissements. Mais cela démocratise le recours au mobile au sein des plans média, et contribue donc à la croissance générale du marché.. C'est donc aussi une opportunité puisque les annonceurs auront besoin de s'entourer de partenaires de confiance. 

 

Quelle valeur ajoutée pour un DSP techno pure quand on voit le reach et les capacités de ciblage qu'offrira Atlas ?

L'enjeu c'est vraiment de proposer du custom made au client. Se différentier par notre capacité à traiter les données, créer des clusters d'audience appropriés, travailler sur des formats spécifiques et créer des metrics propres à la marque. En bref, être très serviciel.