Facebook peut-il détrôner Youtube sur le marché du pré-roll vidéo ?

Facebook peut-il détrôner Youtube sur le marché du pré-roll vidéo ? Le réseau social s'essaie depuis quelques mois au format popularisé par la plateforme de Google. Mais il n'exploite pas encore tous ses atouts.

Facebook n'a jamais caché son intention de venir grignoter une partie des budgets captés par les spécialistes de la vidéo. La plateforme a  décoché en mai 2016 (octobre en France) une première flèche avec l'arrivée du pré-roll au sein de son offre publicitaire. Une offre qui pourrait faire de l'ombre à Youtube, le royaume incontesté du pré-roll jusque-là.

Prudent, le réseau social ne propose pour l'instant le format qu'au sein de son réseau Audience Network, qui injecte la data Facebook au cœur de l'inventaire vidéo de certains médias partenaires, sur desktop et mobile. Mais Mark Zuckerberg aurait déjà demandé à ses équipes de tester le format au sein du newsfeed. De sorte que l'on pourrait voit arriver les fameux pré-rolls d'ici la fin du premier semestre dans Facebook.

Peu de retours concluants sur Audience Network

Sur Audience Network, les retours des agences média sont encore circonspects et les performances obtenues très aléatoires. "Tout simplement car Facebook ne nous permet pas de paramétrer l'achat de cet inventaire comme il l'autorise sur le reste de son inventaire", déplore le directeur général d'iProspect France, Erwan Lohezic, qui teste le dispositif depuis octobre 2016. L'agence a pour l'instant uniquement la possibilité d'acheter de l'inventaire Audience Network si elle achète par ailleurs de la publicité in-feed ou au sein de la colonne de droite. Une simple ligne "Audience Network" fait son apparition dans les reportings de campagne et permet de voir le nombre d'impressions achetées ainsi que le nombre de vidéos vues, quartile par quartile (à 25%, à 50%...).

Une certitude, le potentiel de cette offre de pré-roll, qui couple la data de Facebook avec un réseau d'éditeurs, est immense. Parmi les premiers partenaires médias, on trouve Le Monde et un autre gros éditeur français, dont l'identité sera prochainement révélée. Pas d'info en revanche sur la part d'inventaire qui sera mise à disposition même si, pour Erwan Lohezic, il ne fait pas de doute que, dans une démarche de yield optimization, les éditeurs seront amenés à donner de plus en plus d'importance à Facebook Audience Network, "la data présente et les performances qu'elle permet étant inégalées."

Un bémol à ce jour, l'agence ne sait absolument pas où est diffusée sa campagne même si Erwann Loherzic a bon espoir que "Facebook communique à terme les noms de domaine achetés". On peut en revanche douter qu'il aille jusqu'à communiquer les URL concernées, le sujet étant trop stratégique pour ses partenaires médias.

"Les vidéos vues hors de Facebook ont-elles le même impact que celles diffusées au sein de son univers ?"

Alors que Facebook n'en est encore qu'au stade du déploiement de l'offre, beaucoup s'interrogent sur ses atouts face à Youtube… et peu semblent avoir la réponse. "Les vidéos vues hors de Facebook ont-elles le même impact que celles diffusées au sein de son univers ?", s'interroge Ewann Lohezic. Les post-tests menés après chaque campagne démontrent l'efficacité du pré-roll Youtube et de l'auto-play Facebook. Il n'est pas dit qu'il en sera de même du pré-roll de Facebook Audience Network.

Côté data en revanche, le réseau social a quelques longueurs d'avance. Certes Youtube possède beaucoup de données comportementales issues du search, de Doubleclick ou du Google Display Network, "mais la plateforme vidéo est loin d'être aussi fine en ce qui concerne la donnée socio-démographique qu'elle extrait des login à Gmail", assure Erwann Lohezic.

Pour le patron de l'agence Socialyse, Frédéric Saint-Sardos, il est difficile de tirer des conclusions tant que le pré-roll n'est pas invité au sein du newsfeed de Facebook. "Pas un mince défi pour Mark Zuckerberg", juge notre expert. Se posera alors la question des modalités choisies par Facebook. "La force de Youtube est d'avoir imposé un mode d'achat qui lui est propre, avec le 'true view' où on ne paie que pour ce qui est vu et des publicités skippables. Facebook en fera-t-il autant ?", s'interroge Erwann Lohezic.  

L'obligation de faire du pré-roll innovant

Frédéric Saint-Sardos espère lui que " ce format auquel Youtube a donné ses lettres de noblesse ne va pas être récupéré par Facebook dans sa forme la plus classique". A l'écouter, Facebook est obligé d'innover. "On accepte d'être interrompu par de la publicité sur Youtube où l'on va chercher du contenu. Pas sûr que ce soit le cas sur Facebook où c'est plutôt la plateforme qui tente de vous intéresser à des contenus vidéos."

Erwann Lohezic n'est à ce titre pas convaincu par l'incursion dans le pré-roll  d'un autre réseau social, Twitter, en septembre 2016. "Les résultats ne sont pas mauvais mais je trouve que le format détonne un peu au sein de la timeline. L'expérience utilisateur est alourdie et l'usage pas très naturel." Le produit étant en cours de déploiement, notre patron préfère toutefois attendre avant de porter un jugement plus définitif.

La comparaison entre les différentes plateformes s'annonce d'autant plus difficile que les indicateurs de performances qu'elles communiquent divergent. "Facebook et Twitter comptent les vidéos lues plus de 3 secondes comme vues, là où Youtube ne le fait qu'à partir de 5 secondes. Pour les deux premiers, le coût par vidéo vue est forcément favorisé", pointe Erwan Lohezic. Difficile dans ces conditions de dire qui est le plus rentable. Facebook oscille entre 2 à 7 centimes d'euros par vidéo vue contre 4 à 6 centimes pour Youtube. C'est aussi l'impact sur les ventes et la notoriété de la marque qui parlera. Facebook a déjà montré de quoi il était capable en la matière.