Avec iOS 11, Apple veut mettre un stop à certaines pubs mobiles

Avec iOS 11, Apple veut mettre un stop à certaines pubs mobiles Dans le viseur du groupe de Tim Cook, les applications qui trackent la géolocalisation de leur utilisateur 24h sur 24 et les retargeters.

Apple n'a jamais offert un environnement très pub friendly – les cookies tiers sont bloqués par défaut au sein de Safari depuis longtemps. Mais avec l'arrivée d'iOS 11, disponible depuis le 19 septembre, la firme à la pomme pousse le cran un peu plus loin. Dans son viseur, les applications qui trackent la géolocalisation de leur utilisateur 24h sur 24. Un business très juteux qui voit des sociétés comme Teemo, Singlespot ou encore Vectaury installer leur SDK au sein de l'application d'éditeurs partenaires. Objectif : tracker les utilisateurs qui ont accepté de partager leurs données de géolocalisation afin, le plus souvent, de leur pousser des publicités "drive-to-store".

Exemple de demande de géolocalisation sous iOS 11. © Capture d'écran

Il était jusque-là possible pour les développeurs d'intégrer trois options de partage de position dans les paramètres de leur application : "jamais", "toujours" ou "quand j'utilise l'app". Dans les faits, la plupart ne proposaient que les deux premières options. De sorte que les clients de services comme Uber ou Waze n'avaient pas d'autre choix que d'être trackés en temps réel. Avec IOS 11, qui impose de proposer les trois options, ce ne sera plus le cas.

"On peut parier que la grande majorité des utilisateurs refusera de partager sa position en continu. D'autant que très peu d'applications le nécessitent pour l'utilisation de leur service", commente le vice-président de la plateforme de marketing mobile S4M, Nicolas Rieul. Exemple avec les applications de news. "Quasiment aucune de ces applications ne proposent des news nécessitant la géolocalisation en continu aujourd'hui mais certaines demandent systématiquement si l'utilisateur veut partager sa position pour pouvoir monétiser ce type d'information auprès de tiers", détaille Nicolas Rieul. Le taux d'acceptation devrait tomber d'environ 30% à un chiffre proche de zéro pour ces applications. 

"Ces 3 options étaient déjà disponibles jusqu'à présent pour la
grande majorité des applications au niveau des paramètres. "Dans un objectif de transparence pour les mobinautes, il est logique de proposer ce choix pour les quelques applis qui ne le proposaient pas encore. Pour les autres, et donc globalement, cela ne devrait pas avoir d'impact significatif", précise le fondateur de Teemo, Benoit Grouchko.

La fin de cookies de tracking cross-sites

Pour couronner le tout, Apple fera apparaître un bandeau bleu en haut de l'écran pour notifier à l'utilisateur qu'il est en train d'être suivi. Plutôt anxiogène et sans doute très mauvais pour le reach des spécialistes de la monétisation de data géolocalisée. Un Teemo, qui martèle dans son discours commercial qu'il est capable de suivre 10 millions de Français en temps réel, pourrait bientôt avoir du mal à le faire.  "Apple fait apparaître ce bandeau bleu lorsque
des technologies gourmandes en batterie (ex navigation…) collectent des données de géolocalisation sur l'utilisateur. La
technologie développée par Teemo n'ayant aucun impact sur la batterie des smartphones, elle ne déclenchera par conséquent
pas l'apparition de ce bandeau", commente Benoit Grouchko.

"Faute de pouvoir autant s'appuyer sur la data géolocalisée, le marché va devoir recourir plus souvent à des panels pour mesurer l'impact des campagnes en drive to store", prédit Nicolas Rieul. C'est en tout cas pour Paul Amsellem, PDG du réseau publicitaire Madvertise, une bonne nouvelle. "L'intérêt pour l'utilisateur était nul et l'impact sur sa batterie conséquent", pointe-t-il.

Voici le genre de bandeau qui permettait à Criteo de faire du tracking cross-site. © Capture d'écran

Apple n'a jamais eu les retargeters dans son cœur, lui qui a notamment interdit aux éditeurs qui ne diffusent pas de publicité dans leur appli d'utiliser l'IDFA pour faire du reciblage, Mais il va encore plus loin dans sa chasse aux sorcières avec le lancement d'Intelligent Tracking Prevention qui rend impossible le tracking cross-sites. "Cette technique permettait aux retargeters de contourner le bloquage de leurs cookies par défaut en logeant leur cookie au sein d'un cookie 1st party", explique Nicolas Rieul. Une astuce sur laquelle repose notamment la solution de ciblage cross-device de Criteo, Exact Match. La société a récemment annoncé que près de 20% de son chiffre d'affaires est exposé à ce changement.

Histoire d'enfoncer le clou, Apple a également décidé de diminuer la durée de vie des cookies. "Le navigateur limitera à 24 heures le suivi par cookie tiers de la navigation d'un internaute. En outre, Safari supprimera automatiquement les cookies first-party si l'utilisateur ne s'est pas rendu sur le site émetteur du cookie au cours des 30 derniers jours", précise Paul Amsellem. Passé ce délai, le fichier valise qui permet de collecter des informations de navigation disparait.

Six syndicats professionnels, parmi lesquels l'ANA (équivalent US de l'UDA)) et l'IAB, ont dénoncé dans une lettre ouverte à Apple un "sabotage" du modèle économique d'Internet, estimant "opaques et arbitraires" ces nouvelles normes de gestion de cookies. Pour Nicolas Rieul, "Apple s'affirme plus que jamais comme un vrai régulateur". Mais Paul Amsellem en revanche, l'impact de ces mesures restera marginal. "75% de notre inventaire mobile vient de l'in-app et 60% des 25% restant concernant Android", rappelle-t-il.

Une certitude, en limitant la marge de manœuvre des publicitaires sur le Web mobile, Apple renforce un peu plus la domination de l'écosystème qu'il soutient : celui des applications mobiles. "La guéguerre Apple-Google se cristallise plus que jamais avec la confrontation des mondes Web mobile et applicatifs", conclut Paul Amsellem.